PARIS (awp/afp) - Le secteur des EdTech, sociétés technologiques dédiées à l'éducation, est en pleine ébullition, mais il est encore peu structuré et fait toujours peur aux investisseurs.

Selon l'observatoire des EdTech, la France compte 242 acteurs opérant dans le secteur: en grande majorité des start-up, mais aussi des PME plus historiques et des associations. Leur nombre a doublé ces trois dernières années, d'après ce récent pointage de lancé par Cap Digital, la Caisse des dépôts et la MAIF.

Les EdTech existent de fait depuis l'invention de l'"e-learning", sorte d'enseignement à distance apparu avec internet. Et puis certaines universités se sont mises à produire des MOOC (pour "massive open online course", prononcer "mouc"), des cours en ligne ouverts à tous.

Une des références en la matière est l'Ecole polytechnique fédérale de Lausanne (EPFL), en Suisse, dont les formations ont attiré 1,6 million d'inscrits, avec vidéos, exercices en ligne et forums.

Si ces cours étaient à l'origine à usage interne, "la plupart des gens qui consomment des MOOC ne sont pas des étudiants d'université", constate auprès de l'AFP Pierre Dillenbourg, le responsable du secteur à l'institution helvétique. "70% ont un job! C'est de la formation continue!"

"Les entreprises et les individus commencent à comprendre qu'il va falloir s'autoformer tout au long de la vie, qu'ils vont peut-être avoir trois ou quatre métiers, trois ou quatre jobs différents, et qu'il va falloir se former pour pivoter (...), à un moment où l'économie change et ou l'entreprise change", constate Antoine Amiel, fondateur de la start-up LearnAssembly.

"On a besoin de solutions moins chères et accessibles pour démocratiser l'éducation et la formation --c'est ce que permet le numérique--, on a besoin de s'autoformer tout le temps, et pas seulement une fois dans sa vie --et encore une fois, le numérique permet tout ça", ajoute-t-il.

Pas étonnant donc que la formation représente une très grosse part du marché des EdTech, en tout cas la plus lucrative. D'autant que le système public de l'éducation est très difficile à pénétrer pour les jeunes pousses, avec toutes ses lourdeurs. Et que le grand public, autre segment possible, n'est pas habitué à payer.

L'EPFL vient d'ouvrir sur son campus, le Swiss EdTech Collider, un incubateur où doivent se rencontrer des start-up du secteur, et trouver de l'inspiration.

- Peu de financements -

Il n'y en a aucun du genre en France, mais sa locomotive, Coorpacademy, est l'un des grands acteurs français du "corporate learning". Positionnée sur le marché "BtoB", pour les entreprises, elle leur propose sur abonnement un service de base de formation continue, avec la possibilité de personnaliser les cours.

"Le secteur BtoB de la formation se développe énormément parce qu'il y a des entreprises mondiales, éclatées, qui ont des besoins d'investissement en formation considérables pour maintenir l'employabilité de leurs salariés", explique Antoine Amiel.

D'où la mise au point de modules plus ou moins complexes, ludiques ou interactifs, traduisibles en plusieurs langues, adaptables selon les pays, enrichis à volonté avec des experts des entreprises...

"Capgemini a revendu son cours sur l'internet des objets à Air Liquide", remarque Jean-Marc Tassetto, cofondateur de Coorpacademy. "Les entreprises deviennent des éditrices de MOOC et ça devient un outil marketing!"

Le marché européen est estimé à 6,5 milliards d'euros, selon lui.

Il n'y a pas vraiment de chiffres pour la France où l'environnement est jugé contraignant, où la formation en entreprise est très encadrée, les ateliers souvent vieillots, et où les budgets doivent rentrer dans des cases précises.

Pour Victor Wacreniez, cofondateur de la star-up AppScho et président de l'association professionnelle ed21, les 180 start-up EdTech françaises sont certes innovantes et dynamiques, mais le marché, très concurrentiel, reste sous-capitalisé.

"Le secteur n'est pas mature. Il n'y a pas vraiment de champion, ni d'acteur institutionnel clairement positionné, et il y a peu de financements", explique-t-il.

"Les fonds d'investissement commencent à regarder", admet le jeune entrepreneur, qui a lui-même cherché de l'argent. "Mais ça ne veut pas dire qu'ils investissent. Ils n'ont aucune grille de lecture sur l'éducation!"

"C'est un mouvement qui débute", confirme à l'AFP Philippe Hayat, partenaire chez Serena Capital, un des fonds qui s'est jeté à l'eau. "Il y a quand même un marché", mais, juge-t-il, "c'est un secteur difficile parce que les +business models+ qui fonctionnent sont rares".

liu/lgo/fka/jpr