(Actualisation: précisions sur la situation financière de la nouvelle entité, ajouts sur les modalités de l'opération, dividendes spéciaux pour les actionnaires d'Alstom, commentaire du PDG de Siemens)

PARIS (Agefi-Dow Jones)--Alstom (>> Alstom) et Siemens (>> Siemens) ont officialisé mardi soir le projet de rapprochement

de leurs activités ferroviaires destiné à créer un champion européen capable de faire face à la concurrence des nouveaux géants du secteur comme le chinois CRRC Corporation (>> CRRC Corp Ltd). Les deux groupes ont annoncé dans un communiqué avoir signé un "protocole d'accord" en vue d'une "fusion" entre égaux de leurs activités ferroviaires.

Fort d'un carnet de commandes combiné de 61,2 milliards d'euros, d'un chiffre d'affaires annuel de 15,3 milliards, d'un résultat d'exploitation (Ebit) ajusté de 1,2 milliard et d'une marge d'exploitation ajustée de 8%, le nouvel ensemble sera coté à la Bourse de Paris. Il sera dirigé par Henri Poupart-Lafarge, l'actuel patron d'Alstom, et détenu à 50% par Siemens.

Le groupe allemand recevra des actions nouvellement émises de la nouvelle entité correspondant à 50% du capital d'Alstom sur une base entièrement diluée. Les actionnaires existants d'Alstom à la clôture du jour précédant la date de la finalisation de la transaction recevront également deux dividendes spéciaux, dont une prime de contrôle de 4 euros par action payée "rapidement" après la réalisation de l'opération, et un dividende extraordinaire d'un montant maximum de 4 euros par action.

Des synergies estimées à 470 mlns d'euros par an

Le conseil d'administration du nouvel ensemble sera composé de 11 membres, et comprendra six administrateurs désignés par Siemens. La nouvelle entité comptera 62.300 salariés dans plus de 60 pays et comptera deux grandes divisions, Mobility Solutions, dont le siège sera à Berlin, et Matérial Roulant, qui sera localisé en banlieue parisienne, ont précisé les deux groupes.

Les synergies issues de ce rapprochement sont estimées par les deux groupes à 470 millions d'euros par an et devraient se concrétiser au plus tard quatre ans après la finalisation de la transaction, laquelle est prévue pour la fin 2018. La trésorerie nette du nouveau groupe devrait être comprise entre 0,5 milliard et 1 milliard d'euros au moment du bouclage de l'opération, ont ajouté les deux entreprises.

Le projet de fusion a été approuvé par le groupe Bouygues (>> Bouygues), détenteur de plus de 8% du capital d'Alstom, et par l'Etat français, qui dispose de deux sièges au conseil d'administration en vertu des 20% du capital "prêtés" par Bouygues lors de la cession d'actifs à General Electric intervenue en 2014. L'Etat dispose d'une option d'achat de ces 20% du capital, qui expirera le 17 octobre.

L'Etat français va mettre fin au prêt de titres Alstom

Dans leur communiqué Alstom et Siemens ont souligné que l'Etat français soutenait la transaction "basée sur les engagements de Siemens incluant un standstill (statu quo) à 50,5 % du capital d'Alstom pour une période de 4 ans après la réalisation de l'opération et également certaines protections de gouvernance, d'organisation et d'emploi".

L'Etat français va également mettre fin au prêt de titres Alstom consenti par Bouygues SA selon les termes de l'accord au plus tard le 17 octobre 2017 et n'exercera pas les options d'achat données par Bouygues. Bouygues s'est engagé à conserver ses actions jusqu'à l'assemblée générale extraordinaire appelée à approuver l'opération, et au plus tard le 31 juillet 2018.

La transaction est également soumise à l'autorisation des autorités de régulation pertinents, y compris celui sur les investissements étrangers en France et les autorités de régulation de la concurrence ainsi qu'à la confirmation par l'Autorité des Marchés Financiers (AMF) française qu'aucune OPA ne devra être lancée par Siemens après la réalisation de l'apport.

Le PDG de Siemens Joe Kaeser a souligné que le rapprochement permettait de créer "un champion européen dans l'industrie ferroviaire pour le long terme", notamment face "à un acteur dominant en Asie (qui) a modifié la dynamique du marché mondial", en référence au groupe chinois CRRC.

Un secteur en phase de consolidation

En début d'année, le PDG d'Alstom, Henri Poupart-Lafarge, avait prévenu que le secteur connaîtrait une phase de consolidation, dans un contexte de forte concurrence en provenance de Chine. La fusion en 2015 des deux principaux fabricants de trains chinois CSR Corp. et China CNR avait conduit à la formation du géant public CRRC. Dopé par une politique de faibles coûts qui lui permet de remporter des contrats en dehors du marché chinois, ce nouvel acteur au chiffre d'affaires de près de 29 milliards d'euros l'année dernière est appelé à conserver la place de numéro un mondial du secteur devant l'ensemble Alstom-Siemens.

Siemens avait déjà oeuvré à plusieurs reprises à un rapprochement avec Alstom ces dernières années, mais le français avait finalement opté pour une cession de ses actifs énergétiques à l'américain General Electric (>> General Electric Company) afin de se concentrer sur un pôle ferroviaire indépendant. Avant d'opter pour une alliance européenne soutenue par Paris et Berlin, l'allemand avait engagé ces derniers mois des négociations avec le canadien Bombardier afin de créer deux coentreprises regroupant leurs division de fabrication de matériel roulant et de signalisation ferroviaire.

L'accord conclu mardi porte également sur la combinaison des activités de signalisation de Siemens et Alstom, nettement plus rentables que la fabrication de trains, métros et tramways. Le rapprochement des deux groupes représente une opportunité de créer un leader mondial puissant dans la signalisation, indiquait Barclays lundi, en estimant qu'une réduction de 2% des coûts opérationnels de ces activités permettrait une amélioration de 26% de leur résultat opérationnel.

Pour être menée à bien, la fusion devra être validée par les autorités de la concurrence. Une consolidation entre les principaux acteurs déjà implantés en Europe était traditionnellement considérée comme peu probable dans le secteur en raison de l'habitude de la Commission européenne d'évaluer le niveau de la concurrence à l'échelon national et non mondial. Le projet pourrait également rencontrer des obstacles d'ordre politique et syndical en raison des inquiétudes sur le maintien de l'emploi en France.

-Christine Lejoux et Jérôme Batteau, Agefi-Dow Jones; +331 41 27 30 30; jbatteau@agefi.fr clejoux@agefi.fr ed : JEB

(Thomas Varela a contribué à cet article)

Valeurs citées dans l'article : Alstom, Siemens, CRRC Corp Ltd, General Electric Company, Bouygues