Les groupes européens représentent 70% des ventes mondiales de produits de luxe et se sont engagés dans une bataille contre certains distributeurs en ligne qui, selon eux, tirent profit de leur image de marque et de leur exclusivité.

De leur côté, des sites comme Amazon et eBay estiment que les contraintes imposées sur les ventes en ligne sont anticoncurrentielles et nuisent aux petites entreprises.

Le litige opposait la filiale allemande du groupe de cosmétiques américain au détaillant Parfümerie Akzente, qui vend des articles Coty sur des sites tels qu'Amazon sans son consentement.

La justice allemande auprès de laquelle Coty avait introduit un recours avait alors interrogé la Cour de justice sur ce point pour savoir si l'interdiction était licite.

"Un fournisseur de produits de luxe peut interdire à ses distributeurs agréés de vendre les produits sur une plate-forme internet tierce telle qu'Amazon", estime la Cour dans son arrêt.

"Cette interdiction ne semble pas non plus aller au-delà de ce qui est nécessaire pour préserver l’image de luxe des produits", ajoute-t-elle.

Coty, propriétaire notamment des marques Marc Jacobs, Calvin Klein et Chloé, a salué la décision de la Cour, qui prévaut dans l'ensemble des 28 pays de l'Union.

"Après des années d'incertitude, cela signifie que les marques de luxe peuvent déterminer la manière dont elles sont placées sur les plate-formes numériques. C'est clairement une décision en faveur de la protection de l'image des marques de luxe, la défense du travail de nos équipes et la protection des droits des consommateurs", a commenté Coty.

Parfümerie Akzente de son côté a dit qu'il respectait les conditions de vente en ligne définies par les marques de luxe.

"Des distributeurs agréés comme nous peuvent vendre des produits de marque sur des plates-formes tierces externes, à condition de remplir les conditions nécessaires et raisonnables pour préserver l'image de luxe", a déclaré le président du directoire Kai Renchen, cité dans un communiqué.

Amazon n'a pas souhaité s'exprimer.

JURISPRUDENCE EUROPÉENNE

Après d'intenses pressions notamment de la part de LVMH et Richemont, les numéros un et deux mondiaux du luxe, les services de la concurrence de l'UE ont établi en 2010 des règles permettant aux marques possédant moins de 30% de part de marché d'interdire aux distributeurs exclusivement en ligne de vendre leurs produits.

Cette réglementation a divisé les pays de l'UE, l'Allemagne étant très favorable au développement du commerce en ligne. Ces dernières années, le régulateur allemand a contraint Adidas et Asics à renoncer à de telles interdictions, estimant que les sites internet étaient cruciaux pour les petites et moyennes entreprises et les consommateurs.

L'autorité allemande de la concurrence a déclaré s'attendre à ce que la décision de la Cour ait un effet limité sur sa politique, notant que ses décisions avaient impliqué des fabricants de marque en dehors des secteurs du luxe.

"Notre opinion préliminaire est que ces fabricants n'ont pas reçu carte blanche pour imposer des interdictions générales de vente via des plates-formes", a déclaré son président, Andreas Mundt, cité dans un communiqué.

L'Allemagne devra à présent se conformer à cette décision, a déclaré sous le sceau de l'anonymat un avocat spécialisé sur les questions de la concurrence.

"Ce jugement définit les principes pour l'ensemble de l'UE: l'Allemagne devra se conformer à la jurisprudence européenne et accepter ce type de restrictions à moins de contredire certaines conditions du droit de la concurrence", a-t-il dit.

(Catherine Mallebay-Vacqueur et Claude Chendjou pour le service français, édité par Juliette Rouillon)

par Foo Yun Chee