"Deux ans et demi après son introduction en bourse, Amoéba n'a toujours pas commercialisé son biocide destiné au traitement des tours de refroidissement industrielles. Où en est la procédure d'autorisation ?
Nous avons déposé notre dossier auprès de l'Agence européenne des produits chimiques (ECHA) en mars 2014. Celle-ci a chargé l'Agence nationale de sécurité sanitaire (Anses) d'évaluer notre produit, première étape avant le dépôt d'une demande d'autorisation de mise sur le marché provisoire en France et dans les autres pays de l'UE. L'Anses a rendu son rapport en mars 2017, sans recommander notre produit. Elle a renvoyé le dossier à l'ECHA qui doit se prononcer sur la demande d'AMM. Le point positif est que celle-ci a mis en place un groupe de travail sur les substances actives micro-organismes, spécifiquement créé pour Amoéba. Nous travaillons aujourd'hui avec ces experts afin d'apporter toutes les réponses aux questions encore en suspens. L'avis du groupe de travail sera rendu fin mars et sera suivi de la décision formelle de l'ECHA fin avril.

Comment expliquez-vous la décision de l'Anses de ne pas recommander votre biocide, alors qu'aucune toxicité pour l'homme ou l'environnement n'a été relevée au cours des tests menés en laboratoire et sur un certain nombre de sites pilotes ?
Le travail de l'Anses a d'abord été un travail de collecte de données sur le principe actif de notre biocide, l'amibe Willaertia magna. Nous y avons bien sûr collaboré activement. Mais comme il s'agit d'une approche tout à fait nouvelle, qui ne relève pas de la chimie mais de la microbiologie, l'Anses avait encore beaucoup de questions auxquelles elle ne pouvait pas répondre. Elle a donc décidé de ne pas recommander le produit, en application du principe de précaution. Cette évaluation ne préjuge en rien celle du groupe d'experts européens avec lequel nous avons pu échanger de manière beaucoup plus approfondie, en reprenant chaque point laissé en suspens par l'Anses. Ils ont notamment accepté d'inclure 10 études complémentaires au dossier - fait rarissime à ce stade de la procédure. Nous sommes confiants quant à l'obtention de cette autorisation car notre dossier est aujourd'hui beaucoup plus solide.

Si vous obtenez enfin ce feu vert, quand prévoyez-vous de lancer la commercialisation ?

Après l'autorisation de mise sur le marché qui devrait intervenir fin avril, il y aura une phase d'enregistrement du produit dans l'ensemble des Etats membres de l'Union européenne qui devrait prendre environ six mois. La commercialisation démarrera donc fin 2018. Je rappelle que nous avons conclu de nombreux contrats de commercialisation au cours des deux dernières années auprès de distributeurs spécialisés, dans la plupart des pays européens, mais aussi Canada et aux Etats-Unis. Tous sont très impatients de pouvoir proposer notre biocide, seule alternative aux traitements chimiques pour l'élimination du risque bactérien dans les tours aéroréfrigérantes industrielles (TAR).

Quelles sont vos perspectives de développement aux Etats-Unis ?

C'est le plus gros marché dans le domaine des tours aéroréfrigérantes, estimé à 500 millions d'euros. Nous avons déposé un dossier d'autorisation de mise sur le marché auprès de l'Environemental Protection Agency (EPA) en juillet 2017. La durée d’instruction étant estimée à 16 mois, notre biocide pourrait être enregistré au second semestre 2018. En attendant, il est testé par plusieurs industriels et nous pourrions rendre ces tests payants en 2018. En effet nous n'avons pas besoin d'autorisation préalable de commercialisation pour les petites installations, qui représentent environ 10% du marché américain.

Quels sont les autres domaines d'application de l'amibe Willaertia magna, en dehors du traitement de l'eau ?

Nous avons identifié deux autres champs d'application très prometteurs. Le premier est le traitement des plaies humaines et notamment des bactéries pathogènes multirésistantes aux antibiotiques (BMRs). Nous avons confié les travaux de recherche à la société américaine Viscus Biologics, spécialisée dans le développement de produits anti-microbiens. Compte tenu de l'absence démontrée de toxicité de notre produit, nous pourrions déposer un dossier d'AMM dès 2018 aux Etats-Unis. L'autre axe de recherche concerne l'utilisation de Willaertia magna comme agent de biocontrôle, autrement dit comme alternative à l'usage des pesticides en agriculture. Les tests in vitro réalisés par notre partenaire Conidia ont mis en évidence l'action de l'amibe sur des pathogènes comme le mildiou ou le Botrytis, des champignons responsables de maladies de la vigne. Une semaine après la publication de ces résultats nous avons été contactés par plusieurs grands noms de la chimie qui sont tous à la recherche d'alternatives aux pesticides. Mais il est encore trop tôt pour définir une stratégie sur ce marché. Pour l'heure nous poursuivons les tests en laboratoire avec notre partenaire, avant des tests en champs prévus en 2019.

Quelle est votre situation financière ? Prévoyez-vous de retourner sur le marché en 2018?

Nous disposons au 30 Juin 2017 d'une trésorerie de 8,6 millions d'euros qui nous permet d'attendre la décision finale de l'Union européenne au printemps prochain concernant notre biocide pour le marché des tours aéroréfrigérantes industrielles. Lorsque cette incertitude réglementaire sera levée, nous relancerons une phase d'investissement qui portera notamment sur la construction d'une usine aux Etats-Unis et la poursuite de nos essais en santé humaine et en agriculture. Je rappelle que notre précédente augmentation de capital, en mai 2016, nous avait permis de lever 14 millions d'euros auprès d'investisseurs européens et américains. Ces investisseurs n'ont pas vocation à rester au capital et nous cherchons d'ores et déjà d'autres actionnaires, notamment aux Etats-Unis, pour nous accompagner dans cette nouvelle phase de développement. Par ailleurs nous avons reçu le soutien de la Banque européenne d'investissement (BEI) via un prêt de 20 millions d'euros en octobre – chose rare pour une entreprise qui ne dégage pas encore de chiffre d'affaires. Ce prêt va nous permettre d'investir dans notre outil de production et de poursuivre nos efforts de R&D, en France comme à l'international.
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