SAN FRANCISCO (awp/afp) - "Non, comme ça, ça va pas imprimer... ", explique Kevin Yook à Becky Chen, tous deux la vingtaine et aspirants informaticiens, devant un écran où défilent de mystérieuses lignes de code, indéchiffrables par le profane.

Bienvenue à la Holberton School, en plein coeur de San Francisco, une école fondée il y a deux ans par des ingénieurs informatiques français et qui s'apprête à diplômer sa première promotion de "software engineers".

L'idée: démocratiser l'accès à cette filière, qui manque de bras et de diversité, grâce à des tests d'admission anonymes et surtout, à l'absence de frais de scolarité. Du moins tant que l'étudiant n'a pas trouvé un stage ou un emploi: l'école se rémunère ensuite sur les revenus, à raison de 17% pendant trois ans.

Et ses créateurs l'assurent, le programme est accessible aux débutants et permet d'entrer chez Apple, LinkedIn ou à la NASA, parfois avant même d'avoir terminé le cursus, tant les employeurs s'arrachent les informaticiens.

"La plupart des ingénieurs informatiques me ressemblent", résume Sylvain Kalache, 29 ans, l'un des co-fondateurs de l'école, au milieu de dizaines d'ordinateurs haut-de-gamme alignés dans un immense open-space au look industriel.

A la Holberton School -qui en bonne startup s'est lancée grâce à des investisseurs- les élèves ont de 18 à 56 ans et on y dénombre 35% de femmes. Plus de la moitié des étudiants sont "non blancs".

Et, parmi ces étudiants attirés par la perspective de gagner 70.000 dollars par an pour un stage ou 100.000 pour un premier emploi, on trouve des profils très divers, bien différents de ceux qui peuplent les universités Stanford ou Caltech.

Anciens barmen, artistes, caissières... beaucoup sont en reconversion, comme Lee Gaines, 30 ans, ancien professeur de yoga.

- "Boulot de rêve" -

"Je cherchais quelque chose de plus sûr financièrement parce que je rêve de posséder un logement et de fonder une famille. Et ce n'est pas mes cours de yoga qui allaient rendre ça possible", explique le jeune homme brun, sourire zen et t-shirt siglé 'Holberton School'.

"Je suis sûr que je trouverai un emploi car je pense qu'il y aura toujours de la demande", ajoute-t-il.

"Ici, il n'y a guère que deux moyens de décrocher ces jobs (d'informaticiens), explique Sylvain Kalache: l'université, dont l'enseignement est trop long et loin des besoins des entreprises, et les +bootcamps+", formations intensives de quelques semaines.

Et surtout, des formations très chères, de plusieurs milliers de dollars pour un "bootcamp" moyen à des dizaines de milliers pour une université de haut vol.

Impensable pour Jesse Hedden, 32 ans, instituteur de formation, qui révise dans un coin salon de l'école avec Lee, tous deux portables sur les genoux et qui, ensemble, "essaient de +débugger+ un serveur internet".

L'entraide, c'est l'autre marque de fabrique ici : pas de professeurs, pas de cours, et donc des coûts réduits. Quelque 150 "mentors" venus de chez Google, Facebook ou Microsoft viennent régulièrement aider les étudiants et mettre à jour le cursus.

"Je voulais un changement de carrière", explique Jesse: avec un salaire de 22.000 dollars par an, impossible de vivre décemment dans la région de San Francisco, dont le coût de la vie atteint des sommets à cause ... des salaires stratosphériques que les Google et autres Apple sont prêts à payer leurs informaticiens.

Un peu plus loin, Amy Galles, qui ne veut pas dire son âge, peine devant l'écran de son Mac: le cursus "est dur, ça va très vite", admet-elle.

Mais celle qui dit "avoir toujours aimé réparer les ordinateurs" est fière de voir l'école "investir" sur son profil. Aller à l'université pour trouver un travail, "c'est un modèle qui est en train de mourir", dit celle qui a payé 40.000 dollars pour ses études d'arts il y a quelques années.

Ici, elle aussi espère décrocher un "boulot de rêve" qui lui permette de "fonder une famille".

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