Madrid (awp/afp) - Banco Santander, première banque de la zone euro, devrait sortir renforcée du rachat de Popular en faillite, au prix d'un lourd assainissement des comptes qui fait craindre une vague de licenciements, et d'une possible avalanche de plaintes d'actionnaires ruinés.

En déboursant seulement un euro pour Banco Popular, Santander devient "la plus grande banque d'Espagne" en termes de parts de marché, se félicitait mercredi sa présidente Ana Botin, juste après avoir remporté l'appel d'offres organisé en urgence par la Banque centrale européenne (BCE) pour sauver sa concurrente espagnole, utilisant pour la première fois un nouveau mécanisme européen de lutte contre les crises bancaires.

Pour expliquer cette acquisition surprise, la dirigeante a martelé la "complémentarité" des banques "en termes de géographie et d'activités".

Santander, première capitalisation boursière de la zone euro, forte de 6 milliards d'euros de bénéfices en 2016, n'était jusqu'ici que la troisième banque dans son pays natal. Très internationalisée, elle a pour principaux marchés le Brésil et le Royaume-Uni.

Le rachat de Popular lui permet de rafler près de 20% du marché des crédits et dépôts en Espagne, devant CaixaBank et BBVA, tout en devenant la première banque privée du Portugal, où Popular était implantée.

Surtout, Santander profitera de la bonne implantation de Popular auprès des PME: elle contrôlera un quart de ce marché capital dans un pays en plein redémarrage économique, avec 3% de croissance prévue pour 2017.

Ana Botin a donc promis à ses actionnaires que l'opération serait "bonne" pour eux, faisant miroiter un retour sur investissement de 13-14% à partir de 2020, tout en confirmant les autres objectifs financiers pour les prochaines années.

Les investisseurs semblent pour l'instant convaincus: le titre Santander grimpait d'environ 3% jeudi après-midi à la Bourse de Madrid, après avoir perdu seulement 0,88% mercredi. Et ce malgré l'augmentation de capital de 7 milliards d'euros prévue pour financer l'opération.

"C'est une bonne opération tant du point de vue financier que stratégique" pour Santander, estiment les analystes de Link Securities, tout en mettant en garde contre les défis liés au processus d'absorption, en particulier pour "conserver les clients" de Popular, dont la marque disparaîtra à terme.

- "Actifs toxiques" -

Pour tenir ses promesses aux actionnaires, Santander table sur des "économies d'échelle" et sur "l'optimisation du réseau de succursales", faisant craindre aux syndicats des fermetures d'agences et une vague de licenciements, alors que 2.600 postes ont été supprimés ces dernières années chez Popular et 2.500 chez Santander, selon le syndicat UGT.

Le directeur général de Santander a promis jeudi la "continuité" pour le personnel de Popular, sans précisions. La banque chiffre à 1,3 milliard le coût de la restructuration.

Outre l'aspect social, Banco Santander devra réussir à se débarrasser des fameux "actifs toxiques" hérités de la crise, rendus responsables de la chute de Popular: des milliers de logements, bureaux et terrains saisis à des particuliers ou des promoteurs incapables de rembourser leurs emprunts, après l'explosion de la bulle immobilière en 2008.

Pour assainir le bilan comptable, Santander devra réussir à les revendre, à prix cassés. Leur nombre est tel que la banque a provisionné 7,9 milliards d'euros pour maintenir sa solidité financière pendant ce processus.

Pour réussir, Ana Botin compte sur la reprise du marché de l'immobilier, et sur l'expérience de sa banque en la matière. En cinq ans, Santander a réduit son propre portefeuille d'actifs toxiques de 60%, grâce à des baisses de prix très agressives.

Mais une partie des biens immobiliers de Popular se trouvent dans des zones qui ne connaissent pas le même renouveau des ventes que Madrid ou la côte méditerranéenne, et pourraient peiner à attirer des acheteurs.

Enfin, Santander pourrait avoir à faire face à certaines plaintes d'actionnaires -- ils étaient 300.000 pour Banco Popular -- qui ont perdu l'intégralité de leur mise dans l'opération.

Cabinets d'avocats et associations de consommateurs sont sur le pied de guerre pour réclamer des indemnisations, jugeant le processus de vente suspect, en raison de la rapidité et de l'opacité des décisions prises.

L'association espagnole des actionnaires minoritaires a déposé jeudi une plainte devant le parquet anti-corruption, pour "délit contre le marché et les consommateurs".

afp/rp