La cession de 100% de Maersk Oil par A.P. Moller–Maersk pour se recentrer sur le transport et la logistique intervient au moment où les majors pétrolières ont repris les acquisitions pour profiter du début de reprise du marché.

"Il faut (...) profiter des cycles bas pour soit lancer des développements nouveaux parce que les coûts sont plus bas, soit acquérir des réserves nouvelles à des conditions attractives. On est en plein dans cette stratégie", a souligné le PDG de Total Patrick Pouyanné lors d'une conférence téléphonique avec des journalistes.

A.P. Moller–Maersk recevra l’équivalent de 4,95 milliards de dollars en actions Total, lequel reprendra à son compte 2,5 milliards de dollars de dette de Maersk Oil, précise le groupe français dans un communiqué.

Total émettra 97,5 millions d’actions destinées à A.P. Moller-Maersk sur la base d'un prix égal à la moyenne des cours des 20 dernières séances, ce qui représentera 3,75% du capital social élargi de Total.

L'action Total baisse légèrement après ces annonces mais en phase avec le marché parisien, avec un recul de 0,15% à 42,585 euros à 12h30 tandis que l'indice CAC 40 cède 0,18%. Le titre Maersk pour sa part prend 3,4% à Copenhague.

Ion-Marc Valahu, gestionnaire de fonds chez Clairinvest, juge raisonnable le prix payé par Total.

Mais Jefferies se montre surpris par cette annonce. "Il y a une redondance stratégique claire du portefeuille de Maersk Oil", souligne l'intermédiaire dans une note. "La valorisation ne sous semble pas particulièrement convaincante à première vue."

DEUXIÈME OPÉRATEUR EN MER DU NORD

Patrick Pouyanné a précisé que Total avait proposé à Maersk l'acquisition comme une alternative à une cotation en Bourse de cette activité.

"Il y a eu un débat chez Maersk et ils ont finalement accepté parce que c'était attractif et aussi du fait qu'une IPO dans un marché du pétrole tendu n'aurait pas été avisée", a-t-il expliqué, ajoutant qu'aucune autre major pétrolière n'était sur les rangs.

L'intégration des activités de Maersk Oil fera de Total le deuxième opérateur en mer du Nord, grâce à des positions au Royaume-Uni, en Norvège et au Danemark, et l'aidera à atteindre trois millions de barils équivalent pétrole par jour en 2019, fait valoir Patrick Pouyanné, cité dans le communiqué.

Maersk détient 8,44% du projet géant Johan Sverdrup mené par le norvégien Statoil, qui compte commencer à produire 440.000 barils par jour en 2019, un rythme qui devrait passer à 660.000 bpj d'ici 2022.

Le groupe danois développe aussi le gisement gazier Culzean, dont la production devrait démarrer en 2019 et qui pourrait satisfaire jusqu'à 5% de la demande britannique de gaz.

Maersk avait perdu l'an passé un accord pour exploiter le gisement Al Shaheen au large du Qatar, au profit de Total qui a annoncé en juillet prévoir d'y investir 3,5 milliards de dollars sur cinq ans.

ÉQUILIBRER LES RISQUES PAYS

Le rapprochement permettra à Total d'ajouter à ses réserves environ un milliard de barils équivalent pétrole, dont 85% dans des pays OCDE, contribuant à sa stratégie visant à équilibrer les risques pays de son portefeuille.

L'opération devrait produire des synergies supérieures à 400 millions de dollars par an et un effet positif immédiat sur le résultat net par action (BNPA) et le cash-flow par action, précise Total.

Total révisera mi-septembre son objectif d'économies de coûts de quatre milliards de dollars d'ici 2018 pour tenir compte de l'acquisition de Maersk Oil, a également déclaré Patrick Pouyanné.

Après la finalisation de l'opération, espérée au premier trimestre 2018, le dividende en actions devrait être proposé sans décote afin que les actionnaires de Total bénéficient de l’impact positif de l’acquisition de Maersk Oil sur les résultats et cash-flow, précise le groupe français.

Maersk a précisé qu'il avait l'intention de rendre aux actionnaires une "part notable de la valeur des actions Total reçues" en 2018 et en 2019 sous la forme d'un dividende exceptionnel, d'un rachat d'actions ou d'une distribution d'actions Total.

Soren Skou, qui a pris les rênes de Maersk en 2016, a dit qu'il n'avait pas encore pris de décision quant à la proposition d'un siège au conseil d'administration de Total.

Dans un contexte de reprise des investissements, BP a annoncé il y a quelques mois un partenariat d'un milliard de dollars avec l'américain Kosmos Energy en Mauritanie et au Sénégal et des acquisitions à Abou Dhabi et en Azerbaïdjan.

Total et Statoil ont de leur côté annoncé fin 2016 leur intention d'investir dans les lucratifs gisements en eaux profondes du Brésil, tandis qu'ExxonMobil a racheté mi-2016 des actifs en Papouasie-Nouvelle Guinée pour répondre à la demande croissante en gaz naturel liquéfié.

(Avec Jacob Gronholt-Pedersen à Copenhague, Sudip Kar-Gupta et Blandine Hénault à Paris, édité par Dominique Rodriguez)

par Cyril Altmeyer, Bate Felix et Jacob Gronholt-Pedersen

Valeurs citées dans l'article : Total, Exxon Mobil Corporation, AP Moller-Maersk, Statoil, BP