Zurich (awp) - Les structures dirigeantes des deux valeurs du luxe de l'indice phare de la Bourse suisse, Richemont et Swatch, ne sont pas de nature à fonctionner correctement. Dans un entretien paru lundi dans "Le Temps", Didier Cossin, fondateur et directeur du centre de gouvernance de l'institut de formation lausannois IMD, souligne les tares inhérentes à des modèles qu'il qualifie de "passéistes et dysfonctionnels".

"Dans les deux cas, les conseils d'administration sont assez évidemment dominés par un individu ou une famille", fait remarquer l'expert. Selon lui, l'organe de surveillance devrait être, au contraire, un espace où les membres devraient avoir l'opportunité de "jouer à armes égales pour s'exprimer librement, faire remonter des réflexions constructives et surtout, éviter le consensus".

A en croire Didier Cossin, la mainmise familiale de Johann Rupert (Richemont) et du clan Hayek (Swatch Group) sur les instances dirigeantes de leurs groupes respectifs nuit à l'émergence de saines tensions permettant de trouver des solutions innovantes. "Les indépendants peuvent se lasser de cette situation et se déconnecter", plutôt que de "rester dans la contradiction".

MANQUE DE DIVERSITÉ

Le spécialiste dénonce également la sous-représentation du genre féminin au sein des conseils d'administration des deux grands groupes de luxe, qui illustre un manque criant de diversité. "On n'utilise pas la moitié de la population, qui est pourtant brillante et éduquée. Ce n'est plus une question de valeur morale, cela devient de la bêtise", lance-t-il.

Revenant sur plusieurs éléments ayant récemment affecté la branche - campagne anti-corruption en Chine, levée du taux plancher face à l'euro - l'expert de l'IMD estime que les effets auraient pu être moindres si la gouvernance des groupes horlogers avait été plus claire.

Il émet des doutes sur l'ouverture des deux groupes aux "transformations technologiques et sociétales que connaît le monde aujourd'hui", évoquant notamment l'avènement de la montre connectée, l'élection de Donald Trump ou encore le Brexit. "Face à toutes ces incertitudes, je suis mal à l'aise de voir ces grandes organisations pilotées de façon passéiste".

Les dirigeants semblent ne pas avoir intégré que la société est désormais "plus sensible aux inégalités sociales qu'elle ne l'a été pendant longtemps", une thématique qui devrait être discutée par les conseils d'administration.

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