Le secteur européen des utilities serait-il à l'aube d'un vaste mouvement de consolidation ? Le marché en tout cas semble prendre au sérieux la rumeur d'un intérêt d'Engie pour Innogy, la filiale d'énergies renouvelables de RWE. En déclarant ce matin envisager toutes les options stratégiques concernant Innogy, l'électricien allemand a soutenu la spéculation. Pour preuve, son titre bondit de 8% à 14,82 euros tandis qu'Innogy grimpe de 7% à 35,77 euros. De son côté, Engie cède 1,62% à 12,42 euros pour accuser la deuxième plus forte baisse du CAC 40.

En conférence de presse, RWE a conforté le doute. Après avoir affiché sa décision de rester l'actionnaire majoritaire d'Innogy à long terme, le président du directoire de l'électricien allemand, Rolf Martin Schmitz, a concédé qu'il examinait toutes les options stratégiques qui s'offrent à lui. En octobre dernier, RWE avait introduit Innogy en Bourse tout en conservant 76,8% du capital.

L'enjeu pour les analystes est de savoir aujourd'hui s'il le groupe est prêt à céder sa filiale, qui lui procure l'essentiel de ses revenus, au meilleur prix, sachant qu'elle cotait hier 7% de moins que le prix de son IPO.

Pour Goldman Sachs, la question se pose. Si RWE cédait avec succès Innogy, il pourrait mener des acquisitions dans son core business, c'est-à-dire les énergies traditionnelles, et devenir un acteur majeur de la consolidation du secteur. Selon la banque d'affaires américaine, RWE pourrait utiliser les fruits de la vente pour s'emparer d'Uniper, l'entreprise qui regroupe désormais les activités d'énergies conventionnelles de son concurrent E.ON.

A cet égard, la banque d'affaires américaine compare le secteur des utilities à celui des opérateurs télécoms en 2014-2015 lorsque celui-ci a vécu des fusions-acquisitions à grande échelle. Comme les utilities aujourd'hui, les télécoms étaient sous-valorisés et dégageaient des résultats en croissance de 5%.

Bryan Garnier s'interroge lui sur la faisabilité d'une acquisition d'Innogy par Engie. Certes, reconnaît le broker, Innogy s'intègre clairement à la nouvelle stratégie du groupe français axée sur les réseaux, les services et les énergies renouvelables. En revanche, une telle opération lui paraitrait surprenante dans la mesure où Engie semble plutôt privilégier les petites acquisitions que les transactions transformantes.

De plus, ajoute le bureau d'études, une telle opération dégraderait les ratios d'Engie qui ne veut pas que sa dette nette dépasse 2,5 fois son Ebitda. L'énergéticien serait donc contraint de procéder à une vaste augmentation de capital pour financer l'acquisition d'un groupe valorisé 36,5 milliards d'euros (à 100%).