La capitalisation boursière du troisième sidérurgiste nippon a fondu de quelque 1,89 milliard de dollars cette semaine et son action a encore perdu 8,7% vendredi sur une Bourse de Tokyo qui a elle fini en hausse de 0,96%. L'action a perdu plus de 40% depuis que le scandale a éclaté.

Kobe Steel avait annoncé dimanche avoir falsifié des données de contrôle qualité afin que ses produits à base d'aluminium et de cuivre répondent aux cahiers des charges de ses clients de l'automobile, de l'aéronautique et de l'espace et de la défense.

Il avait également admis mercredi la possibilité d'une falsification des données sur ses produits à base de poudre de fer et a précisé qu'il avait ouvert une enquête en interne à la suite des révélations de la presse.

Le scandale prend une telle ampleur que plusieurs grands groupes internationaux, notamment de l'automobile et de l'aéronautique, ont cru bon de réagir, d'autant que le quotidien financier Nikkei écrit qu'une trentaine de clients non japonais, dont Airbus et Daimler, sont affectés par cette affaire de fraude aux données.

Selon un responsable de Kobe Steel, le sidérurgiste a fourni des matériaux industriels douteux à quelque 500 entreprises de par le monde.

General Motors a dit jeudi qu'il vérifiait si ses automobiles comportaient des pièces ou des composants fournis par le sidérurgiste japonais.

PSA et Daimler ont fait savoir que Kobe Steel ne figurait pas au nombre de leurs fournisseurs.

Airbus a déclaré qu'il n'achetait pas directement de pièces à Kobe Steel mais a ajouté qu'il menait une enquête pour savoir si des fournisseurs étaient touchés.

En revanche, selon une source proche du dossier, Boeing a employé des produits du sidérurgiste dont la certification a été falsifiée.

Le constructeur aéronautique ne considère pas toutefois qu'il y ait pour autant un problème de sécurité dans l'immédiat mais il procède à une enquête sur ses produits et informera les compagnies aériennes clientes de ses conclusions, a ajouté la source.

Le secteur du nucléaire est également concerné. Tokyo Electric Power (Tepco), le gestionnaire du site de Fukushima, a dit vendredi qu'il avait pris livraison de tuyaux produits par Kobe Steel qui n'avait pas été correctement vérifiés.

Les tuyaux ont été livrés à la centrale de Fukushima Daini, non loin de la centrale détruite Fukushima Daiichi, mais n'ont pas été utilisés, a précisé Tepco, ajoutant qu'il procédait à une inspection de tous ses sites.

Des pièces incorrectement certifiées ont également été détectées dans les TGV japonais et dans une fusée lancée par le Japon cette semaine. L'un des opérateurs des Shinkansen a déjà fait savoir qu'il réclamerait un dédommagement à Kobe Steel.

CRÉDIBILITÉ "RÉDUITE À NÉANT"

Le ministère japonais de l'Economie, du Commerce et de l'Industrie a donné deux semaines à Kobe Steel pour faire connaître les résultats des contrôles de sécurité et les raisons de ces falsifications, et un mois pour prendre des mesures afin que cela ne se renouvelle pas.

Le directeur général Hiroya Kawasaki a dit vendredi, lors d'une conférence de presse, que son entreprise comptait dédommager les clients des coûts engendrés par le scandale, tout en ajoutant qu'il n'avait reçu aucune demande en ce sens pour le moment.

Il a précisé que les matériaux affectés par un certification truquée ou par l'absence de vérification requise représentaient 4% environ du chiffre d'affaires total de la division aluminium et cuivre.

Kobe Steel s'expose à des poursuites aussi bien des autorités, que de ses clients ou encore des actionnaires qui pourraient lui reprocher la chute de l'action qui a fait suite aux révélations.

"Difficile d'anticiper l'étendue des coûts juridiques", a dit Motokazu Endo, avocat du cabinet Tokyo Kasumigaseki. "On ne peut exclure la possibilité que Kobe en soit ébranlé au plus profond".

Kobe Steel, fondé en 1905, est l'un des piliers du secteur industriel du Japon. Le Premier ministre Shinzo Abe avait travaillé dans cette entreprise avant de bifurquer vers la politique.

Mais son blason s'est considérablement terni comme l'a dit le directeur général Kawasaki pour qui la crédibilité de l'entreprise "est réduite à néant".

Plusieurs gros scandales avaient déjà brouillé par le passé l'image d'un secteur industriel japonais jadis admiré et soulevé de graves questions de gouvernance.

(Avec Ayai Tomisawa, Chang-Ran Kim, Kaori Kaneko, Tim Kelly, Guilles Guillaume et Benoît Van Overstraeten, Bureau de Francfort, Wilfrid Exbrayat pour le service français, édité par Marc Joanny)

par Yuka Obayashi