(actualisé avec déclarations de Lula)

par Brad Haynes et Anthony Boadle

SAO PAULO, 4 mars (Reuters) - L'ancien président brésilien Luiz Inacio Lula da Silva a été interrogé vendredi pendant trois heures par la police fédérale dans le cadre de l'enquête pour des faits de corruption au sein de la compagnie pétrolière Petrobras.

Selon la police, des éléments de l'enquête montrent que des pratiques frauduleuses au sein de l'entreprise publique ont personnellement profité à Lula sous forme de paiements et de biens immobiliers de luxe.

L'ancien chef d'Etat a déploré l'interrogatoire que la police lui a fait subir, estimant qu'elle avait manqué de respect à l'égard de la démocratie brésilienne.

"C'est la journée de l'indignité. C'est le jour du manque de respect à la démocratie, le jour de l'autoritarisme", a déclaré Lula devant des partisans.

"Je me suis senti ce matin comme un prisonnier politique."

La présidente Dilma Rousseff a apporté son soutien à son prédécesseur et mentor, estimant que son interpellation était "inutile".

La police estime qu'un système de corruption et de blanchiment d'argent a permis de financer des campagnes électorales et de couvrir des dépenses du Parti des travailleurs (PT) dont Lula était le chef de file.

"En plus d'être le chef du parti, l'ex-président Lula était l'un des responsables qui décidaient en dernier ressort de la nomination des directeurs de Petrobras et l'un des principaux bénéficiaires de ces crimes", dit le communiqué de la police.

"Il existe des preuves que ces crimes l'ont enrichi et ont financé des campagnes électorales et ont servi de trésor à sa formation politique", poursuit le communiqué.

L'interpellation de Lula a provoqué des réactions outrées de ses partisans.

La fondation Lula a déclaré dans un communiqué que l'arrestation de l'ancien président constituait une "agression contre l'état de droit et la société brésilienne", une mesure "arbitraire, illégale et injustifiable".

Les responsables du Parti des travailleurs sont également montés au créneau pour défendre l'ex-chef d'Etat. Le ministre du travail, Miguel Rossetto, a ainsi dénoncé une "attaque flagrante contre ce que Lula représente". "Ce n'est pas de la justice, c'est de la violence", a-t-il ajouté dans un communiqué.

ALTERCATIONS

Dans la rue du domicile de Lula, des partisans de l'ex-président vêtus de rouge ont échangé des insultes, des coups parfois aussi, avec les adversaires de Lula, avant que des dizaines de policiers viennent les séparer.

L'arrestation de Lula, emblème de la gauche latino-américaine, a en revanche été saluée par une forte hausse des actions, les traders estimant que les troubles politiques engendrés par le scandale pourraient déboucher sur la formation d'une coalition gouvernementale plus favorable à leurs intérêts.

Le real, la monnaie nationale, a grimpé de plus de 3% contre le dollar avant de réduire ses gains et l'indice Bovespa de la Bourse de Sao Paulo progressait plus de 3,5% vers 20h00 GMT. L'action du groupe Petrobras bondissait de 7%.

Le parquet fédéral, qui a ordonné des perquisitions vendredi chez Lula et chez des membres de son entourage, a déclaré posséder des éléments montrant que Lula a bénéficié illégalement de l'argent de Petrobras par le biais de travaux réalisés dans un appartement de bord de mer et une résidence de campagne.

L'ex-président a toujours dit que l'appartement n'était pas le sien et qu'il appartenait au groupe d'ingénierie OAS, mais les procureurs font état de témoignages d'anciens gardiens, ingénieurs d'OAS et sous-traitants selon lesquels la résidence était destinée à la famille de Lula.

PERQUISITIONS

Le parquet enquête également sur des versements à Lula, par des entreprises impliquées dans le scandale Petrobras, de dons ou d'honoraires pour des interventions de l'ancien président.

Les enquêteurs disent avoir la preuve que Lula a perçu au moins 1 million de reais (245.000 euros environ) de la part d'OAS en 2014, sans trace légale apparemment, une somme destinée à des améliorations et à l'achat de meubles pour l'appartement sur le front de mer de Guaruja.

Ils ajoutent que l'ancien président a acheté deux maisons de campagne d'une valeur de 1,5 million de reais en 2010 et 2014 auprès d'un homme d'affaires et des groupes de construction Odebrecht et OAS.

D'autres indices montrent qu'OAS a payé environ 1,3 million de reais pour le transport et le stockage "d'objets retirés du palais présidentiel d'Alvorada quand (Lula) a quitté la présidence".

La police a mené 33 perquisitions et délivré 11 mandats d'arrêt dans le cadre de l'enquête Operation "Carwash", dont deux à San Bernardo do Campo où réside Lula.

Quelque 200 policiers et 30 agents du fisc ont participé à cette vague d'opérations vendredi.

Lula a exercé les fonctions de président du Brésil de 2003 à 2010, période au cours de laquelle la plupart des malversations se sont produites, selon le ministère public.

Cette arrestation de l'homme politique le plus populaire dans l'histoire récente du Brésil pourrait être embarrassante pour le gouvernement de la présidente Dilma Rousseff qui a succédé à Lula à la tête du pays et dont elle était la protégée.

Rousseff, elle-même confrontée à une procédure de destitution pour des soupçons d'infraction aux lois sur le budget, dément avoir commis de quelconques malversations. (Pierre Sérisier, Jean-Stéphane Brosse et Nicolas Delame pour le service français)