Une abondante littérature a envahi les pages papier et les écrans cette semaine pour traiter de l’exposition des entreprises françaises à l’Iran. Quatre noms se sont clairement détachés : Total, Airbus, Peugeot et Renault (il n'y avait pas de raison pour que nous échappions nous-même à un rapide bilan). La sortie des Etats-Unis de l’accord nucléaire iranien et le retour des mesures d’embargo n’ont au final pas pesé outre-mesure sur les entreprises précitées. Total a même profité de la flambée des cours pétroliers pour échapper à la baisse, alors que le revirement américain est particulièrement pénalisant pour le groupe, engagé sur un très beau projet dans le Golfe Persique. Et si Airbus et ses motoristes risquent de perdre une belle commande, la profondeur de son carnet lui permet largement de surmonter l’effet d’annonce.

Plus de 40% de parts de marché en Iran

Quant aux deux constructeurs automobiles français, ils sont dans une situation paradoxale et plus difficile à cerner. Nombreux sont ceux qui ont découvert cette semaine que le marché iranien n’est pas une goutte d’eau dans les ventes des deux groupes hexagonaux. Pour Renault, il s’agit d’un marché de forte croissance, le huitième par l’importance dans le palmarès de ses ventes. La marque au losange, qui y exploite des véhicules vendus sous marque Dacia en Europe, revendique environ 11% du marché local. Pour Peugeot, les chiffres sont encore plus impressionnants : le constructeur et ses partenaires pèsent 30% des ventes annuelles en Iran ! Le marché local a longtemps été pénalisé par l’embargo, mais il est en plein essor dans un pays qui dépasse les 80 millions d’habitants.

Malgré cette domination française dans le pays, plus de 40% de parts de marché, « le risque pour les bénéfices paraît globalement marginal », estime l’analyste Philippe Houchois, chez Jefferies, qui souligne qu’il est sans doute un peu tôt pour avoir une vision globale de la question. Mais en première lecture, le constant est plutôt rassurant. « L’exposition faciale de PSA est plus impressionnante qu’elle ne l’est réellement », souligne le spécialiste, qui rappelle que lorsque la marque au lion a cessé de vendre des kits de composants pour l’assemblage (CKD) en 2012, son partenaire local Khodro s’est fourni sur place pour continuer à produire des 206, des 217 et des 405. En 2017, les revenus en provenance d’Iran étaient inférieurs à 200 millions d’euros, pour une contribution à l’Ebit, royalties inclues, de 10 millions d’euros environ, soit 0,3% de l’Ebit groupe, c’est qui ne pèse pas bien lourd au regard des 444.000 véhicules écoulés (14% des volumes du groupe). « Je suis davantage préoccupé par les 170 millions d’euros investis dans la coentreprise avec le second partenaire SAIPA pour produire des Citroën. « Dans un scénario défavorable, les revenus et les résultats seraient affectés par les sanctions, mais elles pourraient aussi conduire à déprécier l’investissement dans la coentreprise SAIP. Khodro devrait sans doute reprendre la production de modèles Peugeot sous sa propre marque », résume le spécialiste.

Pour Renault, l’exposition porte sur 162.000 unités produites localement en 2017 et l’importation de quelques Talisman. Au contraire de PSA, l’approvisionnement local pour l’assemblage est très réduit et les CKD ont pesé 743 millions d’euros de revenus l’année dernière. Sur la base d’une marge de l'ordre de 5%, Houchois a calculé une contribution de 40 millions d’euros à l’Ebit, soit 1% du total groupe. Et une fois encore contrairement à PSA, Renault n’a pas d’engagements capitalistiques, faute d’être parvenu suffisamment vite à un accord. La marque au losange a déjà déprécié les actifs dans ses comptes en 2013, tandis que les coentreprises de production sont hors-bilan.

Jefferies préfère PSA

Globalement, l’importance du marché iranien pour les deux groupes français n’est pas aussi importante que le laissent présumer leurs parts de marché. Et paradoxalement, avec trois fois plus de véhicules écoulés, PSA est moins exposé au niveau du résultat opérationnel que Renault, compte tenu de la forme de leur commercialisation. Jefferies préfère toujours PSA à Renault au niveau boursier, car le thème « redressement des bénéfices en Europe » séduit plus le bureau d’études que « exposition aux marchés émergents ». Il est acheteur du premier avec un objectif de 24 euros et à conserver sur le second, valorisé 86 euros.