"Vous affichez un engouement certain pour les actions en ce début d’année, au point d’augmenter leur part de manière conséquente dans votre allocation ?
En ce début d’année, notre scenario économique et financier est propice à la prise de risque. Comme c’est le cas depuis plusieurs mois, le segment des actions est clairement notre principal moteur de performance.

De quelle manière appréhendez-vous la volatilité des marchés actions ?

La volatilité des marchés actions, qu’elle soit implicite ou constatée, est proche de ses plus bas historiques. Le VIX américain, qui reflète la volatilité implicite du S&P 500, est restée solidement ancrée sous les 10 ces derniers mois, alors que sa moyenne historique est proche de 15. L’indice V2X, pendant du VIX sur les actions de la zone Euro, évolue quant à lui autour de 12, très en dessous de sa moyenne historique de 20. modèles.

Pour beaucoup, cette faible volatilité des marchés rend le risque asymétrique ?

Ce risque asymétrique associé à une volatilité faible est évoqué depuis longtemps. Toutefois, la réalité des faits nous amène à relativiser ce risque quand nous observons ce qui s’est passé ces derniers mois. Même lorsque des nouvelles ‘a priori négatives’ se sont manifestées en 2017, il s’est avéré que les indices de volatilité n’ont quasiment pas décollé.
A titre d’exemple, les fortes tensions entre la Corée et les Etats-Unis de l’été 2017 n’a eu que très peu d’impact sur l’indice VIX qui est péniblement monté de 10 à 15, et cette hausse n’a duré que deux jours. Plus récemment, les vicissitudes politiques en Catalogne, aux Etats-Unis ou les difficultés à former un gouvernement en Allemagne n’ont pas été des moteurs de hausse de la volatilité.

Comment l’expliquez-vous ?
Par plusieurs considérations.

Tout d’abord, les dernières données microéconomiques et macroéconomiques sont robustes. La réforme fiscale adoptée aux Etats-Unis à la fin de l’année dernière est, dans l’esprit des investisseurs, de nature à prolonger le cycle de croissance économique outre-Atlantique et à stimuler les résultats d’un grand nombre d'entreprises américaines.

Ensuite, les politiques monétaires des banques centrales sont assez lisibles depuis plus d’un an. Les banquiers centraux ont dit ce qu’ils feraient, et ils ont fait ce qu’ils avaient dit. Le consensus de marché repose sur le maintien d’un environnement ‘risk on’ par la contribution des grandes banques centrales malgré leur convergence vers moins d’accommodation monétaire. En particulier, le marché ne fait pas le pari d’une inflexion dans le comportement de la Fed après l’arrivée de son nouveau président. Quant à la BCE, elle prépare dès à présent les marchés, en commençant à préciser les modalités de la fin de son programme d’achat d’actifs prévu jusqu’en septembre 2018.

Sur un plan technique, il faut comprendre que la volatilité est devenue une classe d’actifs à part entière. L’ingénierie financière a développé des instruments financiers permettant aux banques et aux sociétés de gestion d’acheter ou de vendre de la volatilité. L’analyse des positions des investisseurs montre qu’il y a aujourd’hui beaucoup plus de vendeurs de volatilité que d’acheteurs.

Même si nous ne voyons pas la situation changer drastiquement à court terme, cette faible volatilité est un des points de vigilance auquel nous accordons de l’importance. Certains facteurs pourraient modifier la donne. Par exemple, un changement de lecture des investisseurs entrainant un passage en mode ‘risk-off’, une communication d’une banque centrale mal interprétée par les marchés, un évènement politique ou géopolitique pourraient conduire à des débouclements de positions vendeuses et donc une hausse de la volatilité.

Quelle serait votre attitude si une mauvaise nouvelle venait à secouer les marchés davantage que prévu ?

Tout dépendrait de la nature de cette mauvaise nouvelle. Nous nous trouvons dans un contexte où les marchés actions ont bien performé ces derniers mois (avec des records historiques sur certains indices), où les taux obligataires sont à des niveaux assez bas, et où la volatilité est très faible. Un risque de correction existe donc. Si un stress de marché apparait, nous l’analyserons en profondeur pour voir s’il remet en cause notre scenario central, et nous ajusterons nos portefeuilles le cas échéant.
Si en revanche, nous sommes confrontés à une situation totalement atypique et de plus forte amplitude, nous pourrions être amenés à procéder à de plus amples ajustements.
Si ce scenario baissier existe dans nos prévisions, il n’est pas le plus probable selon nous en ce début d’année.

Selon vous, l’augmentation de votre allocation dans les actions devrait se faire à travers une certaine répartition géographique ?
Tout à fait, notre processus d’investissement nous amène à être discriminants sur les zones géographiques de notre univers d’investissement.

Nous avons une nette préférence pour les actions européennes. Les bénéfices y sont dynamiques et la baisse des deux derniers mois conforte notre argument de valorisation relative attractive. La zone Euro est notre zone privilégiée. Nous préférons rester à l’écart des actions britanniques car nous pensons que les remous qui accompagnent les négociations autour du Brexit ne sont pas terminées. Ces dernières semaines, le marché des actions britanniques a notablement performé. Celui-ci a surtout été tiré par les entreprises étrangères cotées à Londres spécialisées dans l’extraction minière.

En dehors de l’Europe, nous apprécions également les actions japonaises sur lesquelles nous nous sommes renforcés. La Banque centrale du Japon demeure très accommodante, ce qui constitue un considérable facteur de soutien. La rentabilité affichée par les entreprises japonaises est solide. Ces dernières semaines, nous avons fait le choix de retirer la couverture sur le risque de change pour être exposé au yen, traditionnelle valeur refuge, en cas de perturbations sur les marchés.

Nous sommes un peu revenus sur les actions américaines malgré leur cherté. Nous pensons que la réforme fiscale devrait avoir un impact positif sur les résultats des entreprises américaines qui n’est pas encore totalement intégré dans les cours de bourse. En outre, cette allocation en actions américaines induit une exposition au Dollar US dans les portefeuilles, offrant un potentiel amortisseur en cas de la survenance d’un stress néfaste pour les actifs risqués.

Enfin, nous avons augmenté la part des actions émergentes en portefeuille avec une orientation davantage axée sur l’Asie émergente. Le contexte macroéconomique et microéconomique est porteur, notamment avec une dépréciation du dollar, une remontée du cours des matières premières et des croissances de bénéfices significatives ces derniers mois. De plus, les actions émergentes restent à un niveau de valorisation inférieur à celui des actions des pays développés, même après leur hausse de près de 38% en 2017.

Au sein de la zone euro, en termes de biais, c’est le style « value » et les « small et mid caps » qui dominent ?
Nous pensons que ce sont surtout les actions de style ‘value’ et les petites et moyennes valeurs qui continueront de profiter du regain de croissance économique. Les rentabilités des sociétés de ce segment sont substantielles, et sont moins affectées par une appréciation de l’euro, car elles ont un carnet de commandes plus domestique. Les valorisations restent attrayantes en dépit de la performance affichée. La vague de fusions-acquisitions bat son plein et apporte un soutien aux actions small et mid caps européennes. Sur un plan plus local, les réformes envisagées par le nouveau gouvernement sont favorables aux petites et moyennes valeurs françaises.

S’agissant des actions ’value’, une primeur est donnée aux institutions financières. Nous anticipons une remontée graduelle des taux obligataires. Conjuguée aux accords de Bâle IV, jugés relativement moins contraignant pour les banques, cela devrait continuer de profiter aux valeurs financières.

Le renforcement du positionnement sur les actions doit aller de pair avec la réduction d'un investissement dans les obligations et dans le cash ?
Pour financer nos renforcements en actions, nous avons notamment décidé de prendre des profits au sein du segment des obligations convertibles. Nous avons également réduit nos actifs monétaires en portefeuille. Au sein des portefeuilles les plus prudents, et au sein desquels les liquidités peuvent être importantes, nous utilisons des fonds de performance absolue pour diminuer l’impact de la rémunération négative associée aux fonds monétaires. Enfin, l’exposition en obligations du portefeuille, déjà limitée depuis ces derniers mois, est restée faible en ce début d’année.
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