TOULOUSE, 24 mai (Reuters) - La cour d'appel de Paris, devant laquelle s'est tenu le troisième procès de la catastrophe AZF qui a fait 31 morts et des milliers de blessés le 21 septembre 2001 à Toulouse, a annoncé mercredi qu'elle rendrait sa décision le 31 octobre.

L'un des avocats de la défense, Me Daniel Soulez-Larivière, a plaidé la relaxe pour Serge Biechlin, l'ancien directeur du site et l'exploitant Grande Paroisse, filiale de Total, qui comparaissaient depuis le 23 janvier dernier pour homicides et blessures involontaires et destruction de biens.

"L’ordre public exige qu’on ne condamne pas les gens sans preuve", a plaidé le conseil parisien.

Pour Me Astrid Mignon Colombet, autre avocate de la défense, "il manque un maillon dans la chaîne de causalité entre la faute reprochée à l’exploitant et l’explosion".

"On n’a pas retrouvé l’arme du crime, à savoir la présence de DCCNa en quantité suffisante."

La semaine dernière, le parquet général avait requis trois ans d’emprisonnement avec sursis et 45.000 euros d’amende contre Serge Biechlin et 225.000 euros d’amende contre Grande Paroisse, poursuivie en tant que personne morale.

Près de seize ans après cette catastrophe industrielle, la plus grave qu’ait connu la France depuis 1945, les deux avocats généraux se sont attachés à démontrer dans leur réquisitoire qu’il n’y avait « pas de mystère AZF » et à lever le « doute déraisonnable » qui avait conduit les juges du tribunal correctionnel de Toulouse à prononcer la relaxe en 2009.

Après s’être efforcé de démonter les « pistes alternatives » à l’accident chimique déroulées durant ce nouveau procès par les avocats de la défense et notamment l’acte volontaire, les représentants du parquet ont mis en avant "la piste juridique".

Piste selon laquelle l’exploitant de l’usine AZF n’a pas respecté la réglementation liée à son activité, en matière notamment de prévention des risques, ce qui serait selon eux la première cause de l’explosion.

"DÉLINQUANCE EN COL BLANC"

Pour Gérard Ratier, président de l’association des familles endeuillées AZF Toulouse, ce troisième procès a été la « copie conforme du précédent ».

"L’instruction et les procès successifs ont fait la démonstration que l’explosion de l’usine était due à un accident chimique, causé par des fautes et des négligences de l’exploitant qui ont ensuite été camouflées. Il s’agit ni plus ni moins de la délinquance en col blanc", a-t-il déclaré à Reuters au dernier jour du procès.

Le 21 septembre 2001, l'explosion de l'usine AZote Fertilisants (AZF) de Toulouse, d'une magnitude 3,4 sur l'échelle de Richter et ressentie jusqu'à 75km de distance, avait fait 31 morts, dont 21 sur le site de l'usine, et plusieurs milliers de blessés.

Au terme de cinq ans d'enquête pour expliquer les causes de cette catastrophe industrielle, les experts judiciaires avaient conclu dans leur rapport final, en mai 2006, à un accident chimique rendu possible par une série de « négligences » et de « dysfonctionnements ». Selon eux, il aurait été provoqué par le mélange dans une benne à déchets de deux produits incompatibles, du DCCNa, un produit chloré, avec une demi-tonne de nitrate d'ammonium déversé vingt minutes avant l'explosion sur un tas de nitrate déclassé dans le hangar 221 de l’usine.

En 2009, le tribunal correctionnel de Toulouse avait relaxé au bénéfice du doute les deux prévenus, poursuivis pour « homicides, blessures et de destructions involontaires ». Le tribunal avait justifié ces relaxes par le lien de causalité « incertain » entre « la faute organisationnelle » au sein de l'usine et « les dommages » de l'explosion.

En 2013, la cour d’appel de Toulouse les avait condamnés à trois ans de prison dont deux avec sursis et 45.000 euros d’amende pour Serge Biechlin, et 225.000 euros d’amende, la peine maximale, pour l’entreprise Grande Paroisse, estimant que l’explosion avait été provoquée par un mélange de produits chimiques.

Rejetant la thèse de l’accident chimique, les avocats de Grande Paroisse avaient déposé des pourvois en cassation contre l’arrêt de 2012. La Cour de cassation avait cassé l’arrêt en janvier 2015 jugeant qu’il « existait un doute objectif sur l’impartialité de l’un des juges ».

L’une des magistrates de la cour d’appel de Toulouse était également vice-présidente d’une association proche de la Fédération nationale d’aide aux victimes d’attentats et d’accidents collectifs (Fenvac), partie civile lors du procès. (Johanna Decorse, édité par Yves Clarisse)