par James Oliphant

WASHINGTON, 26 mars (Reuters) - En retirant in extremis son projet d'abrogation de l'Obamacare vendredi, Donald Trump a perdu la face à la Chambre des représentants, et cet échec met en question sa capacité à faire passer au Congrès les mesures clés de son programme.

Les doutes s'accumulent autour de l'ex-star de la télé-réalité et homme d'affaires qui se posait en as de la négociation dans son livre "The Art of the Deal".

Après l'échec de son ultimatum aux représentants, le président néophyte semble en mauvaise position pour concrétiser ses promesses d'"assécher le marais" de Washington, faute de rassembler les républicains majoritaires au Congrès.

La Maison blanche veut avancer sur d'autres dossiers - la réforme des impôts, les dépenses d'infrastructure - mais elle devra désormais redoubler de précautions pour s'assurer du soutien des législateurs et du président de la chambre basse, Paul Ryan.

Abandonné par deux factions républicaines distinctes, les conservateurs du Freedom Caucus jugeant le projet de réforme de l'assurance santé trop peu radical et des modérés le jugeant trop dangereux, Trump s'est dit vendredi étonné, déçu et a déclaré "avoir beaucoup appris à propos de la loyauté".

Il n'est pas non plus parvenu à persuader l'opinion publique de la pertinence de son projet, qui risquait de priver 24 à 26 millions de personnes supplémentaires d'une assurance maladie. Les sondages faisaient état d'une mesure très impopulaire, et des représentants républicains disaient crouler sous les appels téléphoniques de leurs électeurs inquiets.

"Cela démontre que faire campagne et légiférer sont deux choses différentes", estimait Jim Maley, ex-conseiller de l'ancien chef des démocrates au Sénat.

Le représentant républicain Joe Barton, du Texas, imputait lui la responsabilité de l'échec à des dirigeants républicains peu habitués à gouverner après huit années dans l'opposition.

La stratégie adoptée par Trump, qui a courtisé sans relâche les conservateurs (s'aliénant par là les modérés), avant de poser un ultimatum aux représentants, exigeant un vote vendredi, est également mise en cause.

Le président de la Chambre des représentants Paul Ryan a en outre été largement écarté des négociations, ce qui n'a pas semblé le déranger, puisqu'il a qualifié Trump de "grand négociateur".

Pour Stuart Diamond, professeur à la Wharton School, de l'université de Pennsylvanie, la tactique de bras de fer choisie par Trump s'est retournée contre lui.

"Les menaces ne fonctionnent pas en général", estimait-t-il. "En particulier, elles ne fonctionnent pas dans les situations avec beaucoup de factions différentes".

Le représentant républicain Bill Huizenga estimait lui que Trump faisait les frais de son inexpérience: "Il y a des similitudes entre le gouvernement et les affaires, mais ce ne sont pas exactement les mêmes choses".

TIRER LES LEÇONS D'UN ÉCHEC

Pour John Feehery, un conseiller républicain, la Maison blanche va devoir tirer les leçons de cet échec et s'impliquer davantage dans la stratégie législative.

Sur l'abrogation de l'Obamacare, Donald Trump avait laissé à Paul Ryan la tâche de rédiger le projet de loi à la Chambre, ce qui avait semé la discorde parmi les conservateurs.

Une réforme au moins aussi ardue promise par Donald Trump attend désormais le Congrès, celle des impôts. Le Code fiscal américain est resté largement intact depuis la réforme fiscale menée par Ronald Reagan en 1986.

Pour le président républicain de la commission des impôts de la Chambre, Kevin Brady, l'échec de vendredi est susceptible de compliquer la tâche: "Ca alourdit un défi déjà lourd. Mais ce n'est pas insurmontable", a-t-il déclaré à Fox News, tout en assurant de son engagement ainsi que celui de Paul Ryan.

"Nous allons travailler avec l'administration pour y parvenir", a-t-il ajouté.

Selon Brady, les républicains prévoient de commencer à préparer la réforme au printemps, pour faire adopter un texte avant la pause estivale de la fin du mois de juillet.

Samedi, le vice-président, Mike Pence, a fait écho à ces propos, déplorant l'attitude du Congrès tout en reconnaissant que la Maison blanche devrait travailler avec les parlementaires pour mener à bien ses prochains projets législatifs.

"En travaillant avec le Congrès, le président Trump va faire adopter les plus importantes baisses d'impôts depuis l'époque de Ronald Reagan, et nous allons faire repartir l'économie américaine", a-t-il promis. (Julie Carriat pour le service français, édité par Pierre Sérisier)