Ralph Nelson Elliott (1871-1948) était un comptable et auteur américain. Son étude systématique de l’histoire des marchés boursiers et ce qu’il percevait comme étant des modèles prévisibles de comportement basés sur la psychologie humaine ont contribué à marquer le début de l’étude des graphiques, ou « analyse technique ».

Les fondements de ses découvertes en analyse technique sont encore aujourd’hui utilisés de par le monde comme règles de base par les gestionnaires de portefeuilles institutionnels professionnels, les traders et par investisseurs privés.

Nous nous intéresserons ici brièvement à la vie et à l’expérience de Ralph Elliott sur la base de sa Théorie des Vagues, avant de regarder plus en détails les implications de cette théorie– et comment elle peut être appliquée avec profit aujourd’hui dans les investissements touchant au CAC 40.

Ralph Nelson Elliott

Débutant sa carrière dans les années 1890, Elliot a surtout travaillé en tant que comptable pour des sociétés de chemins de fers américaines qui, à l’époque, se développaient au Mexique, en Amérique centrale et en Amérique du sud. Il se marie en 1903 et sa femme l’accompagne lors de ses longues périodes de travail au Mexique. Mais l’agitation sociale que connait alors le pays provoque le retour du couple aux Etats-Unis. Ils emménagent à New York, où Elliott établit un cabinet de conseil. Puis, en 1924, grâce à son expérience et sa connaissance du travail dans les pays d’Amérique latine, Elliott est nommé au poste de Chef comptable par le Département d’Etat américain pour le Nicaragua, un pays sous contrôle direct américain à cette période.

 

Image: Ralph Nelson Elliott. Credit: The Rutherford Journal
 
 
Pendant cette période, il contracte une maladie gastro-intestinale qui le force à une retraite anticipée, à l’âge de 58 ans. Cette maladie allait changer les fondements de l’investissement pour quiconque s’intéresse aux réserves et aux marchés boursiers. Sa maladie d’Elliott lui donne en effet l’envie de trouver un nouveau challenge pour occuper son esprit brillant. Au début des années 1930, il commence donc à analyser les structures et les tendances des marchés sur différentes périodes, utilisant comme guide le marché boursier américain et les modèles qu’il décela à travers le temps dans le Dow Jones Industrial Average (DJIA).
 
Le principal guide global d’Elliott fut le comportement du Dow Jones sur les 75 années précédentes. Cependant, il scruta également ces données à la recherche de modèles basés à la fois sur le long (mesuré sur des décennies) et sur le très court terme (mesuré en heures). Il examina spécifiquement les diagrammes annuels, mensuels, hebdomadaires, quotidiens, horaires et semi-horaires de différents indices couvrant 75 années de comportement du marché boursier.

A l’âge de 67 ans, en 1938, Elliot publie ses découvertes dans un ouvrage intitulé « The Wave Principle » - la Théorie des Vagues. Dans ce livre, il expose ses théories selon lesquelles bien que les valeurs des indices des marchés boursiers et des autres marchés semblent être aléatoires, elles suivent en fait des schémas prévisibles et peuvent, de ce fait, être prédites. Le moment de la publication de l’ouvrage n’est pas anodin puisqu’il parait neuf ans après le krach de Wall Street en 1929, alors que le Dow Jones broie du noir mais est à l’aube d’un essor énorme dû à la seconde guerre mondiale - essor qui va perdurer pendant les deux décennies suivantes. Il faudra attendre 1954 pour que Wall Street rattrape ses gains perdus lors du grand krach de 1929 :

 
 
 
Source: http://www.stockpickssystem.com/1929-stock-market-crash/
 

Mais ce qui est encore plus intéressant, c’est qu’Elliott avait prévu le creux boursier trois ans avant la publication de son livre. Après avoir analysé ses 75 années de données, il contacte Charles J. Collins de la société Investment Counsel, Inc. à Détroit afin de lui présenter ses idées.

Collins se montre intéressé par les théories d’Elliott. Le DJIA avait baissé au début de l’année 1935 et la plupart des analystes financiers annonçaient des perspectives négatives – notamment parce que le krach de Wall Street était encore trop frais dans l’esprit des gens, ce qui rendait la majorité des investisseurs inquiets. Mais le 13 mars 1935, immédiatement après la clôture du marché et alors que le Dow Jones atteint de nouveaux planchers, Elliott, utilisant l’analyse développée dans sa Théorie des Vagues, envoie un télégramme à Collins lui disant : « NONOBSTANT CONSEQUENCES BAISSIERES (SUR DOW) TOUTES LES MOYENNES ATTEIGNENT PLANCHER FINAL. »

Le jour suivant marqua le point plancher pour le Dow pour l’année entière et les marchés repartirent à la hausse. Quelques mois plus tard seulement, et convaincu par ce dont il venait d’être témoin, Collins accepta de collaborer avec Elliott sur la publication de ses théories.

L’ouvrage, publié en 1938, suscita un vif intérêt dans une communauté d’investisseurs désormais de plus en plus optimistes, et Elliott fut ainsi chargé par le magazine américain Financial World d’expliquer plus en détails son travail à travers une série de 12 articles. Contribuant à un surcroît de sa popularité, cela lui permit de publier un ouvrage fondateur et plus complet en 1946, deux ans avant sa mort : La Loi de la Nature – Le Secret de l’Univers. Ce livre élargit le champ de ses précédents travaux et cherche à expliquer les comportements humains collectifs.

La Théorie des Vagues d’Elliott

Pendant les années qui suivent la publication de l’œuvre, la plus achevée d’Elliott, d’autres théoriciens et prévisionnistes du marché utilisent la Théorie des Vagues comme base à leurs propres travaux de recherche et à leurs prévisions. Le plus notoire de ces disciples fut peut-être Robert Prechter, qui allait devenir l’un des défenseurs les plus influents de l’analyse technique liée aux vagues d’Elliott. Prechter co-écrit « La Théorie des Vagues d’Elliott » en 1978. Son analyse gagne en reconnaissance pour sa précision dans la prévision du boom des marchés boursiers des années 1980 et contribue à populariser Elliott et sa théorie auprès d’un tout nouveau public bien après sa mort.

L’essence même de la Théorie des Vagues d’Elliott est que les marchés boursiers se comportent selon des voies prévisibles, déroulant de modèles particuliers qui sont prévisibles. Cela est possible essentiellement car les marchés reposent sur la psychologie humaine, et les investisseurs alternent entre optimisme et pessimisme en des séquences naturelles. Chaque marché, y compris le CAC 40 et le FTSE 100 y est soumis, car tous dépendent d’investisseurs humains. Ces sautes d’humeurs de la part des investisseurs produisent ensuite des schémas dans le mouvement des indices boursiers (par exemple) à différents degrés d’échelle.

Plus spécifiquement, la Théorie des Vagues d’Elliott distingue les « vagues impulsives » et les « vagues correctives ». Chaque vague impulsive est constituée de 5 sous-vagues (numérotées). Les vagues impulsives évoluent dans la même direction générale que la tendance à long terme, de dimension supérieure. Dans le même temps, les vagues correctives se déplaçant dans la direction opposée sont divisées en trois sous-vagues (notées par des lettres).

Bien que cela puisse prêter à confusion, il est beaucoup plus simple de visualiser l’exemple de diagramme suivant :

Une vague d’Elliott (Source : http://www.marketoracle.co.uk/Article37319.html)
 

Dans cet exemple simplifié, un investisseur qui voudrait durer investirait bien évidemment au commencement, et vendrait au moment (1). En bon disciple d’Elliott, cet investisseur ne s’inquièterait pas des deux premières fluctuations de prix à court terme. L’intervalle de temps en question peut, en revanche, correspondre à des heures, des jours, des semaines, des mois, des années ou des décennies selon la théorie.

La Théorie des Vagues d’Elliott est centrée sur l’hypothèse selon laquelle chaque action doit être suivie d’une réaction. Avec la théorie, cinq vagues se déplacent dans la direction générale de la tendance principale, et sont toujours succédées par trois vagues correctives pendant la tendance baissière globale. C’est le mouvement classique des Vagues d’Elliott en 5-3. Chaque mouvement en 5-3 complète un cycle de Vague d’Elliott.

Mais, de façon intéressante, la théorie d’Elliott subdivise également des vagues plus grandes en vagues plus petites. Ainsi, un mouvement en 5-3 constitue les subdivisions de la vague en 5-3 de degré supérieur, comme le montre le diagramme suivant :


Source : http://www.traderplanet.com/articles/view/164014-getting-started-with-elliott-wave-theory/

Le modèle global en 5-3 reste constant, mais l’intervalle de temps de chaque modèle varie.

La classification d’une vague d’Elliott à chaque degré donné peut varier, mais la plupart des analystes techniques s’accordent globalement sur l’ordre standard des degrés – avec les durées approximatives comme suit :
 
• Grand super-cycle ; multi-centenaire
• Super-cycle : plusieurs décennies (environ 40 à 70 ans)
• Cycle : d’un an à plusieurs années (ou éventuellement plusieurs décennies à travers une Extension d’Elliott)
• Primaire ; de quelques mois à quelques années
• Intermédiaire ; de quelques semaines à quelques mois
• Mineur ; semaines
• Minute ; jours
• Minuette ; heures
• Sous-minuette ; minutes

De manière intéressante – bien qu’Elliott fit remarquer que ses théories coïncidaient avec la célèbre suite mathématique de Fibonacci, selon laquelle chaque nombre sur une échelle est la somme des deux précédents – il ne réalisa cela qu’après l’événement. Il expliqua : « Lorsque j’ai découvert l’action de la Théorie des Vagues des tendances de marché, je n’avais entendu parler ni de la Suite de Fibonacci ni du Diagramme de Pythagore ». Les nombres de la Suite de Fibonacci apparaissent de façon répétée dans les structures des vagues d’Elliott, y compris les vagues impulsives (1, 3, 5).

Une introduction au CAC 40

Avant d’observer l’indice du CAC 40 et de tenter de déchiffrer à quel point dans (le cycle de) la vague d’Elliott nous pourrions présentement nous trouver, il est judicieux d’explorer ce qu’est réellement le CAC 40, comment il en est arrivé là et ce qu’il mesure.

A l’instar du DJIA aux Etats-Unis ou du FTSE 100 au Royaume-Uni, le CAC 40 est un indice de référence pour les principales compagnies listées dans l’Euronext Paris (auparavant la Bourse de Paris) – le marché boursier français. Le CAC 40 est un indice pondéré par les capitalisations et qui mesure les 40 valeurs les plus importantes tirées parmi les 100 sociétés de l’Euronext aux plus fortes capitalisations boursières. Il constitue l’un des principaux indices de la bourse pan-européenne Euronext avec le PSI-20 de Lisbonne, le BEL20 de Bruxelles et l’AEX d’Amsterdam.

La valeur de base du CAC 40 fut établie à 1 000 le 31 décembre 1987, culminant à 6922 en Septembre 2000. Les sociétés constituant le CAC 40 sont passées en revue tous les trimestres par une commission indépendante – tout changement prenant effet à compter d’au moins deux semaines après la réunion de révision trimestrielle.

Les sociétés constituant actuellement le CAC 40 comprennent des organisations commerciales célèbres de par le monde telles que Michelin, Carrefour, Renault, Total, Crédit Agricole et L’Oréal.

Reconnaître les Vagues d’Elliott dans la pratique avec le CAC 40

Regarder des graphiques après coup peut sembler rendre facile la lecture des Vagues d’Elliott. Mais, en tant qu’investisseurs, nous sommes intéressés par la prévision de ce qui va arriver plus tard – ce qui rend vitale la reconnaissance des Vagues d’Elliott dans la pratique.

Les partisans d’Elliott croient que chaque vague individuelle possède ses propres caractéristiques, reflétant la psychologie du moment. De ce fait, comprendre ces caractéristiques est crucial pour une application pratique réussie de ces principes.

Examinons alors les caractéristiques de chaque Vague en prenant le CAC 40 pour exemple.

Vague 1 :

Lorsque la première vague du marché haussier démarre, la vision globale du marché est presque universellement une vision négative. Les analystes fondamentaux de marché continuent à abaisser les résultats prévisionnels et l’économie a de grandes chances d’apparaître faible. Le sentiment est pessimiste, les options de vente dominent et la volatilité implicite sur les marchés d’options est élevée.

Vague 2 :

La Vague 2 corrige la Vague 1 mais ne peut jamais descendre en dessous du point de départ de la Vague 1. Les informations sur le marché sont généralement encore mauvaises. Tandis que les indices re-testent le plancher précédent, le sentiment pessimiste réapparaît et prédomine. Mais il y a généralement des signes positifs qui incluent un volume plus faible que pour la Vague 1. Les prix dans la Vague 2 ne descendent généralement pas en dessous de 61,8 % des gains de la Vague 1.

Vague 3 :

Lorsque la Vague 3 commence, les informations sur le marché sont toujours globalement pessimistes, et la plupart des analystes restent inquiets. Mais, lors de cette vague, les informations sur le marché se révèlent typiquement plus positives et les analystes commencent à élever les estimations de gains futurs. Les prix augmentent rapidement et toute correction est typiquement de courte durée et relativement mineure. La Vague 3 étend souvent les gains de la Vague 1 par un ratio « de Fibonacci » de 1,618 :1.

Vague 4 :

La Vague 4 est généralement clairement corrective. Les prix reperdent en règle générale moins de 38,2 % de la Vague 3 et le volume est bien plus bas que lors de la Vague 3. C’est souvent un moment propice pour acheter lors d’un repli du marché pour les théoriciens de la Vague, confiants pour reconnaître la tendance générale de la Vague d’Elliott.

Vague 5 :

Pendant la Vague 5, les informations sur le marché sont presque toutes bonnes, et quasiment tout le monde est confiant.
En regardant le cycle actuel du CAC 40 (par ex. mesuré en années) et en essayant d’appliquer la méthodologie d’Elliott aujourd’hui, les investisseurs peuvent décider que nous profitons actuellement d’une Vague 4 basée sur un marché haussier qui a commencé le 1er Février 2009, qui a démarré son recul le 1er Avril 2011 avant de regrimper à nouveau à partir du 1er Mai 2012, pour ensuite revenir à nouveau sur ses pas à partir du 1er Mai de cette année. Mais chaque analyste technique forgera ses propres convictions en se basant sur les théories d’Elliott.

Vague A :

Lors de la Vague A, les corrections sont notoirement difficiles à déceler – notamment du fait qu’une grande partie des informations sur le marché demeure positive. Les analystes ne voient souvent dans une baisse du marché qu’un mauvais moment à passer sur un marché à la hausse sur le long terme. Les indicateurs dans cette phase sont souvent un volume d’échange augmenté, une volatilité implicite qui grandit sur les marchés d’options ainsi qu’un intérêt général grandissant de la part des investisseurs envers les marchés futurs.

Vague B :

La Vague B voit les prix redevenir plus élevés – un mouvement que les analystes verront généralement comme une reprise dans un marché à la hausse sur le long terme. Les analystes techniques, cependant, peuvent souvent déceler le pic comme étant la dangereuse « épaule droite » du schéma classique de la Vague d’Elliott de l’épaule-tête-épaule inversé, comme le montre le point 4 ci-dessous provenant du CAC 40 au début de 2008 :


Source : http://www.incrediblecharts.com/technical/bull_bear_traps.php


Dans la Vague B, le volume est plus faible que la Vague A et les fondamentaux ne sont certainement pas en phase d’amélioration, mais ne sont cependant pas encore négatifs.

Vague C :

Au cours de cette phase, les prix vont impulsivement vers le bas et presque tous les investisseurs comprennent qu’un marché baissier bat son plein. Cette vague C est normalement aussi large que la Vague A et se poursuit souvent jusqu’à au moins 1 618 fois la chute de la Vague A.

Trois règles associées aux vagues d’Elliott doivent être observées pour qu’un graphique puisse être reconnu comme tel :
 
1. La Vague 2 ne peut en aucun cas descendre de plus de 100 % de la Vague 1.
2. La Vague 3 ne peut pas être la plus courte des 3 « vagues d’impulsion » (1, 3 et 5).
3. La Vague 4 ne peut pas chevaucher la zone de prix de la Vague 1, sauf dans des cas très rare.

En résumé

Cet article est simplement une introduction à la Théorie des Vagues d’Elliott et à ses applications potentielles. Il existe des tomes rédigés sur le thème des Vagues d’Elliott et sur l’analyse technique – et risquer plus que ce que l’on peut aisément se permettre de perdre en investissements boursiers n’est jamais recommandé.