La réponse de dirigeants et d’observateurs ne s’est pas fait attendre. Alors que le FMI est rapidement monté au créneau, en appelant les Etats-Unis et ses partenaires commerciaux à travailler ensemble pour au contraire réduire les barrières tarifaires, l’Union Européenne adopte une posture beaucoup plus ferme et menace de taxer à son tour des produits américains. Pas de quoi faire changer d’avis l’administration Trump, qui défie même ses partenaires à un jeu niais de surenchère, néfaste aux échanges commerciaux et donc in fine à la croissance économique.

Trump se défend par ailleurs de protéger les emplois américains en appliquant à la lettre son idéologie de « l’Amérique d’abord » pour légitimer la mise en œuvre de barrières tarifaires. L’histoire économique a pourtant montré à plusieurs reprises qu’il s’agit d’une "vraie fausse" idée. Si ces droits de douane tendent à préserver le secteur de l’acier aux Etats-Unis (du moins dans un premier temps), ils auront en revanche des effets indésirables bien concrets sur le reste de l’économie américaine via une inflation des coûts de production, qui viendront ronger production, investissement et consommation globale pour finalement bel et bien détruire des emplois. A cela s’ajoute la possibilité de voir naître des mesures de rétorsion de la part d’autres pays, qui viendront envenimer davantage la situation en pénalisant des secteurs exportateurs.

Il convient de s’attarder sur un exemple précis pour mieux appréhender cette réalité économique. En l’occurrence, les tarifs à l’importation sur l’acier devraient sensiblement pénaliser l’ensemble du secteur du pétrole et du gaz de schiste américain. L’acier utilisé dans les oléoducs est majoritairement importé puisqu’il doit répondre à des spécificités techniques bien précises, que ne maîtrisent pas (ou peu) les aciéristes américains. Par conséquent, les exploitants de pipelines verront leurs coûts augmenter et devront nécessairement le répercuter sur les producteurs utilisant leur réseau. L’enveloppe à ajouter en termes de frais supplémentaires dans des mégaprojets tels que celui du Dakota Acesss Pipeline (reliant les bassins de production de l’Alberta au réseau pétrolier des raffineries du Golfe du Mexique) serait alors considérable, entrainant des retards, voire des annulations de projets, synonyme de destruction d’emplois.

En somme, le droit de douane ne constitue en aucun cas un instrument pour agir sur l’emploi. Il est, au contraire, brandi pour des considérations purement commerciales. L’administration Trump entend bien sanctionner ses partenaires dont les échanges ne seraient pas équitables dans le but de contrôler son déficit commercial. Contrairement aux idées reçues, ces barrières tarifaires ne visent pas ouvertement la Chine, les importations d’acier en provenance du géant asiatique représentant moins de 2% des importations totales. Il s’agit plutôt d’un signal belliqueux envoyé à ses plus proches voisins, notamment le Canada, qui constitue la majorité des importations américaines d’acier. L’intérêt demeure de toute évidence de renforcer le pouvoir de négociation des Etats-Unis dans la réécriture de traités commerciaux, en particulier l'ALENA (l'Accord de libre-échange nord-américain) que veut renégocier Trump, jugé contraire aux intérêts américains. Le porte-parole de la Maison Blanche l’a d’ailleurs plus ou moins infirmé à travers l’annonce de « dérogations possibles pour le Mexique et le Canada », sous-entendant que des négociations sont en cours. Tout ça pour ça.