Le Royaume-Uni souhaite parvenir à un accord avec l'Union européenne (UE) pour le sommet européen des 14 et 15 décembre afin que les discussions entrent dans leur deuxième phase, à savoir un accord de transition visant à accompagner en douceur le Brexit en mars 2019.

Mais ce calendrier a été remis en question après l'échec d'une réunion lundi à Bruxelles entre La Première ministre britannique Theresa May et le président de la Commission européenne Jean-Claude Juncker.

Des responsables du secteur des services financiers, qui représente environ 12% de l'économie britannique, ont indiqué à Reuters que les tentatives de Theresa May de conclure un accord de transition avec l'UE arrivaient trop tard et qu'ils n'avaient pas d'autre choix que de commencer à restructurer.

Les grandes chaînes de supermarchés comme Tesco ou Sainsbury's travaillent avec leurs fournisseurs pour identifier retards, pénuries et hausses de prix susceptibles d'intervenir et ont repéré des fournisseurs alternatifs, selon des sources du secteur.

L'incertitude est particulièrement pesante pour le secteur manufacturier pour lequel toute restructuration de la production est risquée vu la faiblesse de ses marges. Il retient ses investissements et se prépare à de nouvelles règles qui lui permettraient de vendre en Europe même s'il n'y a pas d'accord.

"Le retard est si important et l'incertitude si grande que les entreprises sont obligées de lancer la mise en oeuvre de leurs plans", souligne le patron d'un grand groupe britannique.

Paul Drechsler, président de la fédération patronale CBI (Confederation of British Industry), conclut que les entreprises doivent se préparer au pire, tout en espérant le meilleur.

"Aucune société ne souhaite déplacer des emplois ou sa production mais elles le feront s'il le faut", a-t-il dit. "Il n'y a pas de temps à perdre. Pour l'instant, elles ont besoin de connaître les détails d'un éventuel accord de transition; il y a péril en la demeure à ce sujet".

Londres et Bruxelles s'efforcent de reprendre les négociations cette semaine mais le président d'une banque internationale a rapporté que ses dirigeants avaient décidé de se préparer au pire lors d'une conférence téléphonique mardi.

"La question n'est plus de savoir si nous transférons (des activités vers l'UE) mais l'ampleur de ces transferts", a-t-il dit.

Tout comme d'autres dirigeants d'entreprises, le conseil d'administration de son groupe et le gouvernement lui ont demandé de ne pas divulguer leur stratégie à ce sujet.

FRUITS ET BOEUF

Il a précisé que certains cadres avaient été informés en novembre qu'ils seraient relocalisés sur des sites en Europe.

Un responsable d'une grande banque américaine a ajouté qu'il redoutait de plus en plus que le gouvernement de Theresa May saute après la rupture des négociations concernant la frontière irlandaise.

"Nous sommes à un niveau de risque maximum", a-t-il dit.

Dans d'autres secteurs, les entreprises réalisent de petits changements qui leur permettront d'être actives en Europe après le Brexit, qui vont de la mise en conformité à l'établissement d'une liste de fournisseurs alternatifs ou encore à la recherche d'espaces de stockage supplémentaires.

Les distributeurs alimentaires dressent la liste de fournisseurs potentiels au Royaume-Uni ou en dehors de l'UE pour le cas où des blocages à la frontière ou de nouveaux droits de douane perturberaient les livraisons. Environ 30% des aliments et des boissons consommés au Royaume-Uni proviennent de l'Union européenne.

Certains de ces changements devraient se faire dès le début de l'an prochain pour être opérationnels d'ici mars 2019. Changer de fournisseur de fruits par exemple se décide parfois un an à l'avance, en fonction du cycle des cultures.

Dans l'industrie manufacturière, de nombreux dirigeants suspendent leurs projets tant qu'il ne savent pas de quoi l'avenir sera fait pour el Royaume-Uni.

Le secteur de la santé a été parmi les premiers à s'adapter. GlaxoSmithKline et AstraZeneca s'apprêtent à installer de nouveaux laboratoires en Europe continentale pour réaliser des essais sur une série de médicaments fabriqués au Royaume-Uni et s'adaptent pareillement pour ce qui est de la propriété intellectuelle.

L'automobile et l'aéronautique se concentrent sur les questions de certification de leurs produits.

Selon la fédération professionnelle ADS, certaines sociétés envisagent de solliciter auprès de lAgence européenne de la sécurité aérienne (AESA) un statut particulier qui leur permettraient de continuer à vendre dans l'UE après le Brexit.

Honda, qui construit environ 8% des voitures britanniques dans son usine de Swindon, envisage aussi d'augmenter sa capacité de stockage au Royaume-Uni.

"Finalement, le plus gros impact que nous pouvons constater est l'absence générale de volonté d'investir ou de prendre des décisions du fait de l'incertitude prolongée", souligne Stephen Cheetham, patron de l'équipementier aéronautique PK Engineering. "Nous nous attendons à une poursuite de cette paralysie et du court-termisme jusqu'à ce qu'un accord commercial ait été bouclé."

(Danielle Rouquié et Juliette Rouillon pour le service français, édité par Wilfrid Exbrayat)

par Kate Holton et Andrew MacAskill