* La contestation sur le terrain ne faiblit pas

* Des aménagements sur le travail, le délit de solidarité

* 1.063 amendements vont être déposés

* La majorité tolère l'abstention, moins l'opposition (Actualisé avec Gérard Collomb, nouveaux éléments)

par Julie Carriat

PARIS, 16 avril (Reuters) - Les députés ont commencé lundi l'examen du projet de loi asile et immigration, qui promet d'accélérer la demande d'asile et les expulsions en aval, au risque de désaccords au sein de la majorité présidentielle.

Le projet de loi pour une immigration maîtrisée et un droit d'asile effectif suscite aussi l'opposition des associations, avocats du droit d'asile et personnels de la Cour nationale du droit d'asile, qui le jugent inutilement répressif.

Dans son propos introductif, le ministre de l'Intérieur a défendu la nécessité d'un texte permettant selon lui une "intégration réussie", face à la "crise migratoire" européenne.

"Cette crise a bousculé nos structures de protection, contribué à faire monter les craintes et fait basculer un grand nombre de pays dans un populisme agressif et xénophobe", a-t-il estimé Gérard Collomb.

"Je vous présente avec confiance ce texte, un texte travaillé avec la Commission des Lois, la Commission des Affaires étrangères, avec l'ensemble des députés qui l'ont voulu, un texte qui permet de dépasser les doutes, les craintes et d'unir pleinement dans l'avenir l'ensemble de la société française", a ajouté le ministre.

Le projet de loi prévoit notamment de réduire le délai de dépôt de la demande d'asile à 90 jours, d'abaisser le délai de recours à quinze jours, d'allonger la durée de rétention, mais aussi de renforcer la protection des réfugiés mineurs et des jeunes filles exposées à un risque d'excision.

Le doublement de la durée maximale de rétention de 45 à 90 jours pour les personnes ayant reçu une "obligation de quitter le territoire" est contesté, la Cimade notant par exemple que la majorité de expulsions ont lieu dans les dix premiers jours de rétention et qu'au-delà, la non-délivrance de "laissez-passer consulaire" du pays d'origine conduit souvent à l'impasse.

Le texte a été amendé en commission sur ce point, puisque la durée de 135 jours initialement prévue en cas d'obstruction à la reconduite a été ramenée à 90 jours.

Après un dimanche marqué par un premier rassemblement contre le projet de loi devant l'Assemblée nationale, le Palais-Bourbon a vu affluer lundi des membres de la Cimade, présente dans plusieurs centres de rétention, demandant aux députés de ne pas adopter un "code de la honte".

ASSOUPLISSEMENTS MINEURS

Des assouplissements à la marge sont attendus en séance sur la possibilité pour les demandeurs d'asile de travailler dès six mois après leur requête (contre neuf aujourd'hui), conformément aux conclusions d'un rapport sur l'intégration des étrangers remis en février.

Emmanuel Macron s'est déclaré pour un aménagement du délit de solidarité pour les personnes aidant des migrants, mais il s'est opposé au projet d'interdiction de rétention des mineurs défendu par des députés de sa majorité.

"Le délit de solidarité, je souhaite qu'il soit adapté", a déclaré le chef de l'Etat à BFM TV, RMC et Mediapart. "Dans le délit de solidarité il y a aussi des gens qui aident consciemment ou inconsciemment des passeurs. Ceux-là je ne veux pas les affranchir parce ce que ce qu'ils font est grave."

"Mais parfois il y a des femmes et des hommes qui sauvent des vies", a-t-il ajouté. "Il faut là-dessus qu'on adapte notre droit pour que ces personnes ne soient pas condamnées".

"Les enfants qui sont seuls ne seront pas mis dans des centres de rétention", a ajouté le président, citant de fait la loi actuelle qui interdit la rétention des mineurs isolés et fermant la porte à une interdiction de rétention de ceux accompagnés de leurs parents.

Le Défenseur des droits, Jacques Toubon, a déploré en février une "augmentation massive" du nombre d'enfants en rétention administrative, avec un record de 275 enfants en rétention en métropole en 2017.

"Je sais que c'est un problème pour un certain nombre de députés, j'y suis sensible", a dit Gérard Collomb. "Nous veillerons à ce que ces familles restent le moins longtemps possible en CRA (centre de rétention administrative) sans pour autant fixer de date butoir."

"PÉCHÉ VÉNIEL" ?

Près de 1.063 amendements examinés jusqu'à vendredi soir, moment du vote solennel à la suite duquel l'Assemblée suspendra ses travaux en séance publique pour deux semaines.

Un député de La République en marche, Matthieu Orphelin, a annoncé qu'il ne voterait pas le texte, le jugeant "trop loin de (son) parcours, de (ses) convictions, (...) de compromis", tout en démentant un début de fronde. Martine Wonner, autre députée du pôle social de la majorité, lui a emboîté le pas lundi : "Pour le moment je m'abstiens", a-t-elle dit sur RTL, ajoutant ne pas exclure l'idée d'un vote contre.

Olivier Faure, premier secrétaire du Parti socialiste, a salué pour sa part le "courage" des élus LaRem hostiles à la loi controversée.

Dans l'entourage du chef de file de la majorité à l'Assemblée, Richard Ferrand, on assure que l'unité sera de mise au moment du vote : "Comme une famille, on se dit tout à la maison mais en société on se tient".

Un vote contre serait cependant susceptible de déclencher l'ire de la direction, laisse-t-on entendre. "Le péché par omission est véniel, le péché par action ne l'est pas", dit-on.

Gérard Collomb a dit pour sa part sa confiance en la majorité parlementaire et son opposition à l'exclusion d'éventuels élus qui voteraient contre le texte. (Avec Elizabeth Pineau, édité par Yves Clarisse et Elizabeth Pineau)