* ICE paiera une prime de près de 38%

* Il prévoit d'introduire Euronext en Bourse fin 2013

* Les dérivés, principale motivation de l'opération

* S&P place les notes de Nyse Euronext sous surveillance négative (Actualisé avec la mise sous surveillance par S&P)

par Lauren Tara LaCapra et Sophie Sassard

NEW YORK/LONDRES, 20 décembre (Reuters) - Le groupe américain IntercontinentalExchange (ICE) a annoncé jeudi le rachat de Nyse Euronext , une opération de 8,2 milliards de dollars (6,2 milliards d'euros) motivée avant tout par les perspectives du marché des produits dérivés financiers.

ICE a d'emblée déclaré qu'il chercherait à se séparer d'Euronext, la branche européenne de Nyse Euronext, en l'introduisant en Bourse une fois l'acquisition achevée au second semestre de l'an prochain.

"Notre opération vise à répondre à l'évolution actuelle des infrastructures de marché et présente toute une série d'opportunités de croissance", déclaré le PDG du groupe, Jeff Sprecher, cité dans un communiqué.

ICE déboursera 33,12 dollars en numéraire et en titres par action Nyse Euronext, soit une prime de plus de 37% par rapport au cours de clôture de mercredi.

Vers 20h GMT, le titre Nyse Euronext s'envolait de 33,85% à Wall Street, tandis que l'action ICE gagnait 0,61% après avoir pris près de 2% à l'ouverture.

En réaction à cette annonce, Standard & Poor's a placé les notes 'A+/A-1' de Nyse Euronext sous surveillance, avec implication négative, soulignant que la nouvelle entité aurait un endettement significatif. (voir )

ICE, jusqu'à présent implanté principalement sur les marchés à terme de l'énergie, s'apprête à prendre le contrôle du New York Stock Exchange, l'emblématique et bicentenaire marché actions de Wall Street, ainsi que sur les Bourses de Paris, Bruxelles, Amsterdam et Lisbonne.

L'opération permettra surtout à ICE de mettre la main sur le marché de produits dérivés Liffe, le deuxième d'Europe, ce qui le renforcera considérablement face à son principal concurrent, CME Group, l'opérateur du Chicago Board of Trade.

"L'ICE veut le Liffe, c'est le joyau de la couronne de Nyse Euronext", souligne Peter Lenardos, analyste de RBC Capital Markets. "Sur un plan stratégique, l'entrée d'ICE sur le segment des dérivés en Europe a du sens."

Fondé en 2000, ICE était initialement un opérateur de transactions électroniques spécialisé dans les matières premières. Un rapprochement de ces activités avec celles du Liffe lui permettrait donc de renforcer son offre sur des produits comme le sucre et d'augmenter sa rentabilité.

UN NOUVEAU NUMÉRO TROIS MONDIAL

Le nouveau groupe issu du rapprochement ICE-Nyse Euronext deviendra le numéro trois mondial, en valeur boursière, des opérateurs de marchés financiers, dépassant l'allemand Deutsche Börse avec une capitalisation globale de 15,2 milliards de dollars.

CME Group affiche pour sa part une valeur de marché de 17,5 milliards selon les données Thomson Reuters, contre 19,5 milliards pour Hong Kong Exchanges and Clearing, le numéro un.

A la différence de Nyse Euronext, ICE était jusqu'à présent resté à l'écart des actions et des options sur actions. Les activités des deux groupes ne se recoupent donc que très peu, ce qui devrait faciliter la validation de leur rapprochement par les autorités de la concurrence, estiment des analystes.

L'an dernier, la justice américaine s'était opposée à une offre d'achat hostile de 11 milliards de dollars d'ICE et Nasdaq OMX Group sur Nyse Euronext, en arguant du risque de concentration excessive sur le marché actions américain.

Si le projet avait abouti, ICE aurait repris les activités de dérivés de Nyse Euronext tandis que Nasdaq OMX aurait pris le contrôle des Bourses.

Une offre concurrente de 9,3 milliards de dollars de Deutsche Börse avait elle aussi échoué, là encore pour des raison de concurrence.

"La motivation de l'opération reste la même qu'avec Deutsche Börse: faire migrer la compensation des dérivés du Liffe vers les services d'ICE à Londres et monter en puissance pour attirer la compensation des dérivés OTC (de gré à gré)", note Richard Perrott, analyste de Berenberg Bank.

Le rachat de Nyse Euronext confirme le déclin progressif du New York Stock Exchange, le "Big Board" longtemps symbole du capitalisme américain triomphant, qui a vu son étoile pâlir avec l'essor des transactions électroniques et des plates-formes privées alternatives créées par des banques de Wall Street.

ICE, lui, s'est construit au fil d'acquisitions successives, allant du marché pétrolier londonien IPE (International Petroleum Exchange) à une plate-forme d'échanges de droits à polluer et une participation dans une chambre de compensation au Brésil. (Marc Angrand pour le service français, édité par Benoît Van Overstraeten)