Les deux dernières méga-fusions sont en train de se faire sans eux : Vantiv a bouclé début août son offre de rachat du britannique Worldpay, tandis que les géants américains du paiement Visa et Mastercard sont cités comme repreneurs potentiels du danois Nets.

Le PDG d'Ingenico avait déclaré en juin à Reuters que Worldpay, qu'il avait regardé en 2015, était désormais "hors de portée", et Worldline figurait en 2014 parmi les candidats au rachat de Nets, ce qui n'est plus le cas aujourd'hui.

L'évolution boursière parle d'elle-même : les hausses depuis le début de l'année d'Ingenico et de Worldline sont sans commune mesure avec les envolées de Worldpay ou de l'allemand Wirecard.

Le duo tricolore a du coup largement décroché en terme de capitalisation boursière, se retrouvant en seconde division, alors qu'un groupe comme Ingenico affichait une valeur assez proche de celle de Wirecard au début de l'année.

"La vague initiale de consolidation du secteur des services des paiements, qui a démarré il y a quelques années, pourrait s'accélérer encore dans les années à venir", constate Kepler dans une note récente, citant comme prédateurs de choix de gros fournisseurs de systèmes de paiement, des banques et des fonds de private equity.

Le britannique Paysafe a ainsi accepté début août une offre de trois milliards de livres d'un consortium de fonds gérés par Blackstone et CVC Capital Partners.

Worldline et Ingenico, qui ont le M&A dans leur ADN, restent parmi les consolidateurs phares du secteur européen des paiement, avec des trésors de guerre compris entre un milliard et 1,5 milliard d'euros pour chacun d'entre eux, selon HSBC.

Mais les spécificités réglementaires et fiscales de la trentaine de pays européens rendent la consolidation sur le Vieux continent bien plus ardue qu'aux Etats-Unis, vaste marché comptant de grandes banques nationales, souligne HBSC.

"Les acquisitions transfrontalières sont moins probables", estime la banque dans une note, disant voir plutôt de nouvelles acquisitions de technologies de niche.

Du coup, de consolidateurs potentiels, les champions françaises sont devenues cibles de choix, suscitant des spéculations récurrentes.

Worldline, introduit en Bourse en 2014 par son actionnaire majoritaire Atos, attend toujours le rachat qui le fera changer de braquet, et enchaîne les petites acquisitions, grignotant du terrain petit à petit.

Ingenico a racheté le suédois Bambora pour 1,5 milliard d'euros (contre une offre de 8,8 milliards faite sur son ex-cible Worldpay) et cherche à monter en taille aux Etats-Unis où il a tardé à démarrer.

"Il se trouve qu'il y a eu une conjonction de deux possibilités de gros deals dans l'industrie du paiement. Mais, avant que tout ceci éclose, le marché de paiement était effervescent en termes d'opportunités de M&A", a souligné le directeur financier d'Atos, Elie Girard, lors des résultats semestriels.

Si l'on se base sur le PER sur les 12 prochains mois, Ingenico apparaît aussi attractif que Nets, Worldline affichant un multiple bien plus élevé aux côté de Worldpay et Wirecard.

La capacité d'Ingenico et Worldline à tirer leur épingle du jeu dépendra de leur capacité à s'adapter à la convergence croissante des canaux commerciaux (magasins, internet et mobile) et aux innovations offrant des formules de paiement de plus en plus variées, comme les systèmes permettant de commander à nouveau un produit en fonction des habitudes de consommation d'un client.

Très fragmenté, le secteur européen des paiements affichent aussi une pénétration plutôt faible, environ 50% actuellement.

Mais les géants de la technologie rodent: les Gafaa (Google, Amazon, Facebook, Apple & le chinois Alibaba) cherchent eux aussi leur part du gâteau du lucratif marché du paiement et, en Chine, les nouveaux systèmes de paiements par "QR Codes" font fureur auprès des consommateurs.

(Avec la contribution de Blandine Henault, édité par Jean-Michel Bélot)

par Cyril Altmeyer