L'exécutif européen demande à présent à Google de mettre fin à ses pratiques sous 90 jours sous peine d'astreinte représentant jusqu'à 5% du chiffre d'affaires quotidien moyen d'Alphabet.

L'amende reçue par Google est la plus importante jamais infligée par l'Union européenne à un groupe américain. En 2009, le géant américain des semi-conducteurs Intel avait été sanctionné à hauteur de 1,06 milliard d'euros, ce qui constituait le record jusqu'à présent.

En 2016, le chiffre d'affaires quotidien moyen d'Alphabet était de 246,6 millions de dollars. L'amende infligée mardi représente 13,9% du bénéfice net hors exceptionnels du groupe en 2016 (19,478 milliards de dollars) et équivaut à 0,4% seulement de sa capitalisation boursière (665,57 milliards de dollars).

L'action Alphabet recule de 1,3% à 940 dollars dans les transactions en avant-Bourse à Wall Street.

Le groupe a décidé de faire appel de la sanction des autorités européennes de la concurrence, en exprimant son désaccord sur les reproches qui lui sont formulées.

Il souligne que les enquêtes ont prouvé que les utilisateurs préféraient les liens qui les conduisaient directement vers les produits qu'ils recherchaient, plutôt que vers des sites sur lesquels ils devaient refaire la même recherche.

"Nous exprimons respectueusement notre désaccord avec les conclusions annoncées aujourd'hui. Nous reverrons la décision de la Commission dans le détail en vue d'un éventuel appel et nous souhaitons continuer à faire valoir notre point de vue", a dit Kent Walker, directeur juridique du groupe, dans un communiqué.

L'exécutif européen reproche à Google d'avoir profité de sa position dominante sur le marché des moteurs de recherche en conférant un avantage systématique à son comparateur baptisé Google Shopping.

"Ce que Google a fait est illégal au regard des règles de concurrence de l'UE. Elle a empêché les autres sociétés de livrer concurrence sur la base de leurs mérites et d'innover. Et surtout, elle a empêché les consommateurs européens de bénéficier d'un réel choix de services et de tirer pleinement profit de l'innovation", a déclaré Margrethe Vestager, la commissaire européenne à la Concurrence, citée dans un communiqué de l'exécutif européen.

Google Shopping permet aux internautes de comparer des produits et des prix en ligne et de trouver des offres de distributeurs et d'autres revendeurs.

La Commission européenne a ouvert une enquête sur ce dossier il y a sept ans après des plaintes notamment du site américain de recommandation Yelp, du voyagiste TripAdvisor, du site britannique de comparaison de prix Foundem, du groupe de médias News Corp et du cabinet FairSearch.

Les pénalités en cas de non respect des exigences de la Commission, qui n'ont pas été précisées, seraient d'environ 12 millions de dollars par jour sur la base d'un chiffre d'affaires 2016 d'Alphabet de 90,3 milliards de dollars.

"Cette décision change la donne. La Commission a confirmé que les consommateurs n'ont pas accès à ce qui est le plus pertinent pour eux sur le moteur de recherche le plus utilisé dans le monde mais plutôt à ce qui est le mieux pour Google", a déclaré pour sa part Monique Goyens, directrice générale du Bureau européen des unions de consommateurs, le BEUC.

Aux Etats-Unis, où une enquête avait également été ouverte, Google a conclu un accord avec les autorités en 2013 en promettant d'arrêter de "supprimer" les commentaires et autres données provenant des sites web concurrents pour ses propres produits.

La Commission européenne mène deux autres enquêtes au sujet de Google.

Elle lui reproche d'utiliser Android pour évincer la concurrence, un dossier encore plus important car son système d'exploitation mobile est utilisé dans la plupart des smartphones.

Google est également sous le coup d'une enquête concernant sa plate-forme publicitaire Adsense, accusée de faire barrage aux concurrents dans la recherche sponsorisée.

Si le groupe américain était reconnu coupable sur ces deux dossiers, la Commission a prévenu qu'elle risquait de lui imposer de lourdes amendes.

(Claude Chendjou et Juliette Rouillon pour le service français, édité par Marc Joanny)

par Foo Yun Chee