* La police a identifié l'auteur présumé de l'attentat suicide

* Salman Abedi serait rentré il y a peu de Libye, pense Londres

* Il pourrait aussi s'être rendu en Syrie, dit Paris

* Le groupe Etat islamique a revendiqué l'attentat

* Trois personnes arrêtées à Manchester, une à Wigan, une autre à Nuneaton (Septième arrestation, réaction du père du kamikaze)

par Michael Holden et Andy Bruce

MANCHESTER, Angleterre, 25 mai (Reuters) - Salman Abedi, le kamikaze qui a tué 22 personnes à la sortie d'un concert à Manchester lundi soir, faisait partie d'un réseau plus large, a déclaré mercredi le chef de la police de la ville.

Face à la recrudescence d'une menace terroriste dans le pays, l'armée a été déployée à travers la Grande-Bretagne, où le niveau d'alerte maximale est désormais en vigueur.

La police, qui dit que l'enquête avance vite, a effectué plusieurs arrestations à Manchester et alentour et perquisitionné dans un logement du centre-ville.

Parmi les personnes arrêtées, figure un homme interpellé à Wigan, ville toute proche de Manchester. Ce suspect transportait un colis qui est en cours d'examen.

"Je pense qu'il est très clair que nous enquêtons sur un réseau", a dit à la presse le chef de la police de Manchester, Ian Hopkins. "Des investigations approfondies sont en cours et des opérations se déroulent à travers l'agglomération du Grand Manchester au moment où nous parlons", a-t-il ajouté.

De source proche de l'enquête, on précise que l'accent est mis sur l'aide dont pourrait avoir bénéficié Salman Abedi pour confectionner sa bombe et sur l'identification du lieu où elle a été assemblée. D'après la BBC, les services de sécurité estiment que l'engin était trop perfectionné pour que le kamikaze ait pu le fabriquer seul.

Les autorités britanniques ont dit craindre mardi qu'une nouvelle attaque ne soit "imminente", même si Mark Rowley, le patron de l'antiterrorisme, a parlé d'un relèvement du niveau d'alerte "à titre de précaution".

Une première interpellation avait eu lieu mardi à Manchester et, mercredi, les services libyens de contre-terrorisme ont annoncé que le frère cadet de Salman Abedi, Hachem, et son père avaient été arrêtés à Tripoli.

Une autre personne a été arrêtée à Nuneaton, dans le centre de l'Angleterre.

CONNEXION LIBYENNE

Hachem Abedi est soupçonné d'être lié à l'organisation Etat islamique (EI), qui a revendiqué l'attentat, a précisé un porte-parole libyen. Il a été interpéllé mardi soir et le père, Ramadan Abedi, mercredi à Ayn Zera, un faubourg de Tripoli.

Interrogé par Reuters juste au moment de son arrestation, il a confié avoir parlé à son fils il y a cinq jours, que "tout allait bien, tout était normal" et qu'il prévoyait de se rendre en pélerinage à La Mecque.

"Salman n'appartenait à aucune organisation (...) il n'a pas cette idéologie, ces croyances", a-t-il encore dit de son fils, assurant qu'il ne s'était pas rendu en Syrie.

Selon le centre de réflexion Kalam Research & Media, qui a un bureau à Tripoli, Ramadan Abdedi avait lui même intégré un groupe islamiste armé formé par des vétérans du djihad contre les Soviétiques en Afghanistan, le Groupe islamique combattant en Libye, deux ans environ après être arrivé à Londres, puis Manchester, en provenance d'Arabie saoudite en 1992. Le groupe, lié à Al Qaïda, n'a été interdit en Grande-Bretagne qu'en 2005.

Ramadan Abedi est retourné s'installer en Libye après la chute de Mouammar Kadhafi en 2011, a dit à Reuters un curateur de la mosquée de Disbury, dans le sud de Manchester, où la famille Abedi avait ses habitudes.

Invitée mercredi matin sur la BBC, la ministre britannique de l'Intérieur, Amber Rudd, a dit "penser" que Salman Abedi était lui-même rentré récemment d'un voyage en Libye. Elle a au passage critiqué des fuites en provenance des Etats-Unis sur certains éléments de l'enquête.

Son homologue français, Gérard Collomb, a pour sa part déclaré que le kamikaze était "sans doute" passé également par la Syrie. Il avait "en tout cas des liens avec Daech qui sont avérés", a-t-il ajouté sur BFMTV.

Amber Rudd a jugé "probable" que Salman Abedi n'ait pas agi seul. Elle a confirmé que le jeune homme de 22 ans était connu des services de sécurité britanniques.

"Il semble probable, possible, qu'il n'a pas agi seul; les services de renseignement et la police remontent par conséquent leurs pistes afin d'obtenir toutes les informations dont ils ont besoin pour assurer notre sécurité", a-t-elle dit.

20 BLESSÉS DANS UN ÉTAT GRAVE

Le relèvement de l'état d'alerte au niveau "critique", le degré maximal correspondant à un risque d'attentat "imminent", a été annoncé par Theresa May. C'est une première en Grande-Bretagne depuis juin 2007.

La Première ministre britannique, dont le Parti conservateur a annoncé qu'il devrait reprendre vendredi la campagne en vue des élections législatives anticipées du 8 juin, suspendue depuis l'attentat, a également ordonné le déploiement de l'armée pour sécuriser le pays.

Des soldats pourront être appelés en renfort pour assurer la sécurité de rassemblements publics comme les concerts ou les événements sportifs.

Amber Rudd a précisé que ces renforts militaires seraient sous le commandement de la police. Jusqu'à 3.800 soldats pourraient être déployés pour alléger la charge des forces de police et leur permettre de se consacrer à d'autres tâches.

L'identification des victimes se poursuit.

Une petite fille de huit ans, deux adolescentes et un homme de 28 ans sont au nombre des personnes décédées, ainsi qu'un couple de Polonais venus récupérer leurs deux filles à la sortie du concert. Les deux enfants sont indemnes.

Mercredi matin, selon les autorités médicales, vingt des 64 blessés se trouvaient toujours dans un état grave.

(Avec la rédaction de Londres et Hani Amara eet Ahmed Elumami à Tripoli, Henri-Pierre André, Tangi Salaün et Gilles Trequesser pour le service français)