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(Easybourse.com) Dans le secteur de la distribution, Morrison noté A3 est une des seules actions positives dont la notation a été revue à la hausse en Europe. Comment l'expliquez-vous ?
La société Morrison a continué à surprendre le marché avec des ventes à périmètres comparables  positives, au-delà de 6%. La société bénéficie d'un positionnement historique basé sur des prix compétitifs.
Au-delà de ce relèvement de note, il est également bon de signaler une stabilisation de notre perspective sur Next plc.

On observe un écart de plus en plus marqué entre les résultats des hard discounters et les autres sociétés de distribution ?
Marks and Spencer qui est davantage sur  un positionnement haut de gamme a plus souffert, en particulier en 2008.

Mais clairement des sociétés comme Aldi ont connu des chiffres d'affaires en forte croissance.

L'exposition à l'international recouvre une importance toute particulière aujourd'hui ?
Les performances de ventes à périmètre comparable ont été difficiles sur les marchés domestiques pour des sociétés comme Carrefour, Casino ou encore Métro.
L'exposition à l'international a permis de porter la croissance des ventes dans ce contexte de crise.
Kingfisher dont le marché d'origine est la Grande Bretagne a connu des profits opérationnels presque aussi importants en France.
Carrefour qui est un des retailers avec Metro dont l'exposition à l'international  est la plus importante,  a pu tirer son épingle du jeu de par son activité au Brésil, pays dont la notation a été récemment relevée par notre agence.
Tesco a une exposition dans divers marchés à l'étranger comme en Europe de l'Est et en Asie où il a enregistré de bons résultats initiaux de ses magasins acquis en Corée en 2008.

Nous pouvons opposer les sociétés spécialisées dans l'alimentaire et les sociétés davantage spécialisées dans le non alimentaire ? 
Nous avons mis en place dans notre approche méthodologique une échelle de volatilité. On observe que le non alimentaire est clairement plus affecté que l'alimentaire.
Ainsi les différences de résultats sont notables entre Kingfisher et DSGI, deux sociétés exclusivement positionnées sur le non alimentaire, (une société de bricolage et une société d'électronique) et Metro et Carrefour qui ont un positionnement plus marqué sur le non alimentaire. 
Par ailleurs dans cette catégorie du non alimentaire, nous pouvons distinguer des sous catégories. Ce faisant, l'habillement et l'ameublement font partie de ces secteurs plus volatils que le bricolage, que l'on appelle aussi «do it yourself».

Les variations du change ont eu des répercussions très négatives pour certaines sociétés ? 
Nous avons vu un mouvement très prononcé entre la fin du mois de juillet 2008 et le mois d'octobre dans certains pays d'Amérique Latine. Parmi les sociétés notées par Moody's qui donnent de la granularité d'information, nous comptons Carrefour et Métro. Cet effet de change a été particulièrement négatif pour Carrefour en Amérique latine (-10%) et pour Métro en Europe de l'est (rouble et zloty en Pologne : -13,4%). 

A-t-on une idée de la société qui a été le plus affectée par cet effet de change ?
Cela dépend du point de vue sur lequel nous nous plaçons. L'impact peut être constaté sur les ventes ou sur le bilan de la société.
En fin d'année 2008, la livre sterling s'est dépréciée de manière historique face à l'euro et au dollar.
Aussi une société comme Tesco a vu le montant de sa dette libellée en monnaie étrangère (c'est-à-dire autre que la livre sterling) s'apprécier de manière significative suite à la conversion en livre sterling dans ses comptes. 

Les déficits de fonds de pension se sont accrus pour un certain nombre d'acteurs. Ces déficits pèsent sur vos ratios…
Tesco et Sainsbury ont vu leur déficit de fonds de pension s'étendre de manière comptable sur leur dernier exercice fiscal. Difficile d'envisager quel sera le résultat final pour l'année fiscal en cours.

Les marchés de capitaux ont beaucoup progressé depuis le début de l'année. Cela contribue à la revalorisation  des actifs investis par les fonds de pension.
Mais dans le même temps, l'effet sur les spreads des taux des obligations d'entreprises est tel que l'impact pourrait compenser l'amélioration sur le marché des actions.

Les deux phénomènes s'opposent. Nous faisons face à une interrogation qu'il faudra surveiller avec beaucoup d'attention au fur et à mesure que les sociétés clôtureront leurs comptes.

Un creusement de déficit peut-il vous conduire à abaisser des notations ?
Cela aura un impact sur le profil financier et devra être analysé, au cas par cas.

La volatilité n'a pas eu de répercussion négative sur la liquidité des distributeurs…
Pour réduire leur dépendance vis-à-vis des lignes bancaires et compte tenu du resserrement des conditions d'octroie du crédit, de plus en plus de sociétés de distribution ont cherché à diversifier leur source de financement.
Les sociétés de distribution notées par Moody's en Europe ont en général pu avoir accès aux marchés de capitaux au travers d'émissions d'obligations, ou d'augmentations de capital.   Cependant, nous n'avons pas observé de fermeture du marché comme nous aurions pu le craindre à un moment donné. C'est un point à mettre au crédit du secteur.
Cette accessibilité a été également constatée sur le marché court terme pour répondre aux problématiques de trésorerie bien que des ajustements aient pu être faits sur les volumes émis ou la maturité de certaines émissions à court terme.

Pensez-vous que cette tendance a vocation à perdurer ?
Il est difficile de le dire à ce stade. Nous apprécions la situation suivant une optique dynamique. Il y a eu manifestement jusque là un appétit des investisseurs pour la dette émise par les sociétés du secteur.

Quel regard portez-vous sur la question des covenants ?
Les informations ne sont pas toujours du domaine public. Les covenants se décident en toute discrétion. Les risques sont suivis pour chaque société concernée et nous avons eu peu de cas avec d'importantes inquiétudes de violation de covenants financiers.
Il est très probable que plus les prémisses de la reprise économique se préciseront, moins nous aurons de craintes.

S'agissant de la politique financière des sociétés du secteur, la politique d'investissement a été un des leviers les plus puissants actionnés pour préserver le cash...
Nous opposons traditionnellement la politique d'investissement à la politique de dividendes. Nous n'avons pas eu d'indications, si ce n'est pour Kingfisher et DSGI, sur le fait que les sociétés pourraient changer leur fusil d'épaule à court terme s'agissant de la politique de dividendes. L'histoire montre que l'argument est souvent utilisé en dernier ressort bien que récemment nous ayons eu des exemples en France d'ajustements de la politique de dividendes, dans le secteur des boissons alcoolisées.
Pernod Ricard et Remy Cointreau ont récemment proposé à leurs actionnaires de payer une partie de leurs dividendes en actions.

En revanche, la structure de comptes ou la génération de cash flows d'une société de distribution fait qu'elles sont amenées à utiliser la marge de manœuvre disponible au niveau de la politique d'investissement.
Une société comme Tesco qui dans le passé avait investi de manière massive dans le circuit de distribution et les magasins, a coupé ses dépenses d'investissement sur l'année de manière très marquée (de 4,5 milliards de livres sterling à environ 3,5 milliards annoncé pour cette année par la société). De manière comparable Métro a abaissé son enveloppe de 2,5 à environ 1,6 milliards d'euros.

Propos recueillis par Imen Hazgui

- 27 Octobre 2009 - Copyright © 2006 www.easybourse.com

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