"Je confirme le soutien plein et entier de la BEI à cette initiative (...) et confirme que nous mettrons à sa disposition toute la palette de nos instruments", a déclaré Andrew McDowell, vice-président de la banque européenne, lors d'une conférence de presse conjointe, lundi à Bruxelles, avec le commissaire européen à l'Energie, Maros Sefcovic.

"Il y a aura d'autres annonces de la BEI dans ce domaine précis dans les prochains mois", a-t-il ajouté.

Andrew McDowell a indiqué que la banque s'associerait à l'Union européenne pour développer la capacité du continent en batteries électriques, et qu'elle a approuvé la semaine dernière un financement de 52,5 millions d'euros, aux côtés du gouvernement suédois, pour le projet Northvolt.

Ce site pilote, situé en Suède, sera la plus grosse usine européenne de cellules de batteries lithium-ion. Il s'agira aussi de l'initiative la plus avancée pour concurrencer l'Asie et les Etats-Unis et tenter de réduire la dépendance européenne vis-à-vis de ses importations de batteries. La compagnie Northvolt est dirigée par Peter Carlsson, un ancien de Tesla.

Maros Sefcovic, également vice-président de la Commission européenne, avait réuni le 11 octobre de nombreux acteurs industriels pour lancer l'initiative surnommée "Airbus des batteries". Ce projet ambitieux, visant à créer en Europe l'intégralité de la chaîne de valeur des batteries, est débattu depuis au sein de plusieurs groupes de travail.

LA QUESTION DE LA COMPÉTITIVITÉ

L'Europe est quasi absente aujourd'hui de cette partie du véhicules hybride ou entièrement électrique, qui peut représenter pourtant jusqu'à la moitié de la valeur d'une voiture et qui est appelée à se tailler la part du lion dans les immatriculations futures de véhicules neufs.

Or l'Asie est en situation de quasi-monopole sur le lithium-ion, avec les coréens LG Chem - qui fournit par exemple Renault et PSA - et Samsung SDI - les deux approvisionnent Audi et BMW; les japonais Panasonic - dont des éléments équipent les batteries de Tesla - et NEC; ou encore les chinois CATL - dont PSA est également client - et BYD.

Dans le cadre de la stratégie commune de l'Union en matière d'énergie, Bruxelles a identifié les batteries comme une initiative technologique clé au nom de l'indépendance du continent, un point sur lequel l'exécutif européen est rejoint en France par Emmanuel Macron.

En revanche, s'ils investissent aujourd'hui de manière croissante dans les moteurs électriques, les réducteurs, l'électronique de puissance et le packaging final des batteries, les constructeurs automobiles et nombre de leurs équipementiers européens estiment toujours que la chimie des cellules ne relève pas de leur cœur de métier.

Renault et PSA ont ainsi salué la possibilité qu'un fournisseur européen de batteries vienne compléter l'offre asiatique, mais se sont empressés de souligner qu'il lui faudrait d'abord être compétitif. Carlos Ghosn, PDG de Renault, a ajouté qu'un tel projet devait être porté par les fournisseurs, non par les constructeurs.

Certains équipementiers semblent à leur tour sceptiques. Lors des résultats 2017 du groupe, le président du directoire de Bosch, Volkmar Denner, a estimé que l'équation économique serait difficile à trouver en Europe pour la partie automobile.

"Aujourd'hui, le marché des cellules est essentiellement aux mains de cinq fabricants asiatiques. Et avec l'évolution des technologies, il va être le théâtre d'une guerre des prix farouches. La marge pour créer et exploiter un avantage compétitif restera très étroite", a-t-il dit.

L'Europe n'est toutefois pas totalement absente de la partie. Outre l'allemand Bosch, qui travaille sur le stockage d'électricité, mais surtout pour le marché de l'énergie, Saft, grand spécialiste du lithium, fête cette année ses 100 ans et participe à un des groupes de travail européens.

Le secteur compte également le groupe Bolloré, expert du LMP solide, et l'allemand Continental, qui travaille lui aussi sur la technologie des batteries solides.

Tous pensent que sans un soutien actif des constructeurs, un Airbus des batteries aura du mal à voir le jour. Le sidérurgiste allemand ThyssenKrupp estime même qu'il revient à ceux qui ont besoin des batteries de construire l'infrastructure pour les produire.

La création d'une filière européenne pourrait permettre à Saft, aujourd'hui filiale de Total, et à l'activité batteries de Bolloré, qui maîtrisent la chaîne de A à Z, de changer d'échelle. En élargissant leur présence au-delà des seules batteries pour l'armée, le ferroviaire, les bus et les Autolib grâce au vaste débouché de l'automobile grand public.

(Avec Edward Taylor à Francfort et Georgina Prodhan à Londres, édité par Jean-Michel Bélot)

par Alissa de Carbonnel et Gilles Guillaume