Francfort (awp/afp) - La Cour constitutionnelle allemande a annoncé mardi avoir saisi la justice européenne après plusieurs requêtes visant un programme de la Banque centrale européenne pour relancer l'inflation, lequel a reçu le soutien de la Commission européenne.

Les juges de la haute Cour de Karlsruhe (sud) voient des "raisons importantes" de penser que le rachat d'obligations souveraines, en anglais le "QE" pour "quantitative easing", viole l'interdiction de financer directement les Etats. La BCE aurait ainsi outrepassé les limites de son mandat qui vise stricto sensu à garantir la stabilité de la monnaie unique, a expliqué la Cour dans un communiqué.

Le juge suprême allemand a été saisi de quatre requêtes contestant l'action de la BCE, portées par le cofondateur du parti populiste AfD, Bernd Lucke, l'ancien responsable des conservateurs bavarois de la CSU, Peter Gauweiler, et le professeur de droit Markus Kerber, rejoints par plus de 1.700 autres requérants.

La Cour de justice européenne, déjà saisie par la Cour de Karlsruhe dans une précédente plainte visant un dispositif anti-crise de la BCE, les "OMT", avait donné en 2015 son feu vert à cette mesure controversée, quoi que jamais utilisée, tout en fixant des limites pouvant s'appliquer à d'autres mesures de politique monétaire.

Aujourd'hui, le juge suprême allemand soupçonne que le "QE" ne respecte pas ces barrières posées par l'arrêt "OMT" et soumet donc cette question au juge européen.

Mais la Commission européenne est de son côté "convaincue que la BCE agit actuellement sur la base et au sein des limites fixées par les Traités quand elle achète des obligations d'Etats sur le marché secondaire dans le cadre de ses opérations de politique monétaire", a déclaré une porte-parole jointe par l'AFP, prédisant l'échec de la procédure.

Pour stimuler l'économie en zone euro, la BCE a commencé à partir de mars 2015 d'inonder les marchés de liquidités, en rachetant principalement des titres émis par les pays de la zone euro, à l'exception de la Grèce et de Chypre, et dans une moindre mesure ceux émis par des entreprises.

Au dernier décompte début août, la BCE et les banques centrales de la zone euro avaient acheté pour 1.671 milliards d'euros d'obligations souveraines contre 103 milliards d'obligations d'entreprises.

"A notre avis, le programme étendu de rachats d'actifs respecte pleinement notre mandat", a indiqué mardi la BCE dans un communiqué.

"Les statuts de la BCE autorisent explicitement les rachats sur le marché secondaire comme un outil de politique monétaire" destiné à favoriser la stabilité des prix, a renchéri Frederik Ducrozet, analyste chez Pictet WM.

En attendant que le juge européen se prononce, sans doute dans plusieurs mois, le programme de rachat va continuer son cours. Il reviendra ensuite au juge allemand de régler définitivement le litige.

La BCE estime que le QE a éloigné le spectre de la déflation et favorisé la reprise économique. Les observateurs attendent une décision des gardiens de l'euro au plus tard en octobre, concernant l'annonce d'un retrait progressif du "QE" à partir de début 2018.

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