"Quel regard portez-vous sur l’évolution des flux sur le marché des ETF européen depuis le début de l’année ? Où en est-on en termes de collecte nette ? En termes d’encours ?
A fin mai 2017, les encours sont en forte progression, de +19% depuis le début de l’année à 682 milliards de dollars. Cette croissance est particulièrement forte sur ces cinq premiers mois de l’année car on constate ce même taux de croissance historique en année pleine en moyenne sur ces 10 dernières années.
Contrairement à l’année 2016, les flux de 2017 sont principalement orientés vers les ETF actions (près des deux tiers).

Sur un plan géographique, la collecte nette action est principalement tournée vers les actions européennes (+ de 13 milliards de dollars). Viennent ensuite les expositions mondiales (8,5 milliards de dollars), émergentes (4,3 milliards de dollars), et enfin nord-américaines (4,2 milliards de dollars). C’est une inversion de tendance par rapport à 2016.

Du côté de l’obligataire, l’appétit des investisseurs est observé sur la dette émergente (5,8 milliards), la dette corporate (4,2 milliards de dollars), la dette high yield (1,3 milliards de dollars).
Les obligations souveraines sont majoritairement investies en direct par les investisseurs institutionnels.

Quelle comparaison pouvez-vous faire avec le mouvement observé outre-Atlantique ?

Les encours sont en hausse de 14,7% aux Etats-Unis sur la même période contre une moyenne annuelle sur dix ans proche de 19%. Les encours se situent autour de 2900 milliards de dollars.

Quelle vision avez-vous des dernières tendances de création des ETF ? Sur le marché actions (smart beta, ETF thématique, ETF leveragé, ETF d’ETF) ? Sur le marché obligations (inflations linked bonds, flotters) ?

Dans la sphère actions, le smart beta est en forte expansion que ce soit en mono ou multi factoriel. Les produits qui permettent de bénéficier du rendement des sociétés lié à la prime de risque sur un facteur sont de plus en plus utilisés de manière tactique.
La thématique « dividendes » est plébiscitée depuis plusieurs années dans un contexte de faibles rendements. Initialement sollicitée par les investisseurs anglo-saxons, elle a progressivement atteint une clientèle plus élargie.

Parmi les ETF thématiques, l’ISR est une thématique qui gagne clairement du terrain. Les ETF Fintechs ont moins de succès qu’aux Etats-Unis car nous avons en Europe un marché de certificats plus flexible et plus adapté pour vendre des thématiques en vogue.

Il n’est pas possible d’avoir en Europe un ETF avec un levier supérieur à 2. Pour avoir un levier plus important il faut se diriger vers des certificats ou des ETP.
Ces ETP restent réservés à un petit nombre d’investisseurs avertis, souvent des traders, qui en saisissent le fonctionnement. Ils sont par ailleurs rarement éligibles au PEA et à l’assurance-vie.

Les ETF d’ETF ont davantage fait leur apparition sur les marchés allemand et italien, mais pas encore sur le marché français.

On voit de plus en plus d’ETF utilisés dans les contrats d’assurance vie avec une gestion déléguée profilée 100% ETF proposée notamment par des robo-advisors ou des assureurs auprès des CGPI.

Dans le segment obligataire, l’engouement pour les obligations liées à l’inflation s’est notablement accentuée après les élections présidentielles aux Etats-Unis en novembre 2016.
Le positionnement sur les flotters se justifie par la perspective de voir les taux remonter.

Nous voyons aux Etats-Unis de plus en plus d’ETF actifs... Pourrait-on voir ces derniers arriver également en Europe ?
Les gérants actifs américains mettent leur gestion sous format ETF afin de tirer avantage d’une fiscalité avantageuse par rapport au format mutual fund.
Ces ETF qui sont en cotation continue suivent un process d’investissement de gérant d’actifs. Ces derniers ont l’obligation de diffuser au moins une fois par jour un panier qui correspond plus ou moins à ce que le fonds détient à son actif afin que les apporteurs de liquidités puissent intervenir et couvrir leur risque de marché durant la séance de cotation.
Le phénomène est très embryonnaire en Europe car nous n’avons pas la même incitation fiscale.

Quelle vision avez-vous des dernières tendances d’utilisation des ETF ? Par les investisseurs institutionnels ? Par les investisseurs particuliers ? Par les gérants de fonds actifs ?

Cela fait plusieurs années que les investisseurs institutionnels ont fait le choix de mettre de l’indiciel dans leurs allocations. Les assureurs ont été très friands d’ETF. Les plus grands investisseurs institutionnels aujourd’hui comme le Fonds de réserve des retraites ou l’ERAFP, en quête de performance, sont davantage demandeurs d’allocation smart beta dans le cadre de mandat dédiés.

La possibilité de loger un ETF dans un PEA ou un contrat d’assurance-vie devrait inciter davantage les investisseurs particuliers à s’exposer aux ETF. On pourra voir la proportion d’ETF détenus par les investisseurs particuliers augmenter quand de plus en plus d’ETF seront proposés dans les contrats d’assurance vie.
Cette éventualité est d’autant plus plausible qu’au regard de la nouvelle réglementation européenne, les ETF ont vocation à être plus activement distribués par les conseillers en gestion indépendants auprès des investisseurs particuliers conformément à ce que préconise la directive MIFID 2. Il est à rappeler qu’aux Etats-Unis, ces conseillers qui ont dès 1990 dû se baser sur un modèle de commissions liées au conseil ont substantiellement contribué à l’essor des ETF auprès de leurs clients.

Les plus grands utilisateurs d’ETF actuellement en Europe sont les gérants diversifiés et les gérants de fonds de fonds. Ce mouvement ne cesse de s’amplifier.

A propos de la directive MIFID, quels apports escomptez-vous de sa mise en application pour l’industrie des ETF ?
MIFID 2 devrait entrainer des changements structurels significatifs favorables à l’industrie des ETF. Mais les effets induits de ces changements mettront probablement du temps à se faire sentir.
Outre l’incidence découlant de l’évolution de la tarification proposée aux intermédiaires financiers, qui supposera une transparence sur les rétrocessions reçues et offrira la possibilité de passer à un modèle de commissions sur conseil ; il est également question d’accroitre la visibilité du marché secondaire des ETF.
Typiquement, un reporting des transactions sera requis sur ce marché, y compris de gré à gré. Il sera par la suite possible, le cas échéant d’agréger tous les volumes de toutes les bourses et de tous les marchés multilatéraux qui existent en Europe.

De quelle manière appréhendez-vous la compétitivité accrue des ETF à l’égard des fonds indiciels et à l’égard du cash equities ?

Les fonds indiciels sont souvent incorporés dans une offre dédiée qui donne la primeur à l’inclusion de critères ESG ou qui s’accompagne d’un impératif d’exclusion de certains titres. Ces offres ont l’avantage d’éviter les couts liés à la cotation.
Nous admettons que les ETF sont une vitrine de notre savoir-faire pour ces fonds indiciels. Ils témoignent de la capacité d’une société de gestion à faire de la réplication d’indices, à avoir un tracking error très faible à faible cout.

Les ETF sont des concurrents des futures et des swaps avec l’atout d’une pleine simplification des tâches administratives (ex : pas d’appels de marge) et d’un solide encadrement de la gestion des risques (ex : avec des limites définies pour le risque de contrepartie).

Quelle perspective pressentez-vous pour l’industrie si l’on se projette à fin 2018 ?

Les ETF devraient continuer à prendre de l’essor dans l’industrie de la gestion d’actifs. Ils devraient de plus en plus être perçus comme des solutions d’investissement à utiliser de façon systématique au sein d’un portefeuille.
L’évolution de la collecte depuis le début de l’année confirme pour l’heure cette tendance.

Quels principaux risques identifiez-vous pour le marché d’ici là ? Le dysfonctionnement d’un ETF phare en raison de problèmes de liquidité qui aurait un effet de contagion sur l’ensemble de l’industrie ?

Sur ce point, plusieurs publications consécutives à une consultation de place mettent en exergue que l’organisation des marchés en Europe et particulièrement en France limiterait ou éviterait un incident comme celui qui a eu lieu aux Etats-Unis. D’ailleurs on observe que l’industrie américaine en association avec les opérateurs de marché ont décidé de se caler sur les dispositifs existant en Europe.

Quid du marché obligataire ?
Une vigilance est certainement requise à l’égard des développements ces dernières années en termes de collecte en ETF sur certains types d’indices larges sur des obligations comme le high yield. Les régulateurs l’ont bien à l’esprit. Certains demandent aux sociétés de gestion de reporter le risque de liquidité non sur le porteur de parts mais sur l’apporteur de liquidités.


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