L'erreur est humaine. Désormais sur les marchés financiers, les boulettes des opérateurs sont parfois remplacées par celles des machines, même si l'automatisation a créé un grand nombre de garde-fous. Mais les bourdes de saisie existent toujours… et le droit à l'erreur aussi. La plupart des opérateurs boursiers offrent la possibilité, selon un processus encadré, de faire annuler des ordres qui auraient été passés par erreur. Ils ont même le pouvoir, dans certains cas, de lancer eux-mêmes le processus. C'est vrai pour des ordres aberrants mais aussi pour des opérations réalisées à vil prix. Un investisseur qui tombe sur un produit dérivé à cours très faible sans connexion avec les fondamentaux réels du sous-jacent par exemple. Le décalage peut être dû à une erreur de saisie ou à un défaut de mise à jour. A ce titre, ne manquez pas un cas rendu célèbre par la saisine de la médiatrice de l'AMF l'année dernière et abondamment commenté : le mythe de l'investisseur individuel qui profite d'une bévue du professionnel sur un produit dérivé en prend un coup.

Sur Euronext, le règlement permet de revenir sur certaines opérations. Les conditions ont été rappelées récemment dans la Notice 4-02 qui traite des "Retraits d'ordres et des annulations de négoce" (Order withdrawal and trade cancellation). Globalement, lorsqu'un membre de marché veut faire annuler un ordre, il faut qu'il y ait erreur matérielle manifeste et que la requête d'annulation intervienne dans les 30 minutes de l'exécution, sauf pour les certificats et warrants pour lesquels le délai est porté à 120 minutes. En tout état de cause, la requête doit être introduite avant 18h45 heure d'Europe Centrale pour une demande visant une opération qui a eu lieu le même jour. C'est l'autorité de supervision de l'opérateur boursier qui examine les circonstances de l'opération et son éligibilité à l'annulation, interprétée strictement.

Le doigt dans l'œil

Il existe un historique très copieux d'exemples de ce que les anglo-saxons ont appelé des "fat finger trades", ou l'art d'appuyer sur deux touches en même temps, d'entrer un, deux ou trois zéros de trop, de confondre deux devises ou d'inverser prix et quantités. On trouve même des palmarès un peu partout sur la toile, comme sur le blog Alphaville du Financial Times reprenant les données de Barry Ritholz pour la période 1997 / 2005 ou dans un article du 'New Daily' avec des exemples plus récents. Dernièrement, une affaire de ce type a éclaboussé BNP Paribas Securities en Asie. En mars dernier, un bug informatique attribué à la filiale de la banque française avait fait plonger de plus de 8% Taiwan Formosa Petrochemical, la troisième plus grosse capitalisation de la Bourse de Taipei. Le titre avait rebondi le lendemain, mais les remous avaient évidemment affecté beaucoup d'investisseurs. Un emballement des cours peut susciter des ordres automatiques suiveurs, des stops par exemple, qui amplifient le mouvement jusqu'à devenir incontrôlables… Dès lors, c’est le programme qui prend, bêtement, le relai de l’erreur humaine.

Sur le marché, on utilise souvent l'hypothèse du "fat finger trade" pour expliquer un mouvement irrationnel qui ne trouve pas de justification. Lorsque des sommes très conséquentes sont en jeu, l'explication finit toujours par sortir, notamment parce que les superviseurs enquêtent pour comprendre les dysfonctionnements et sanctionner éventuellement les intermédiaires concernés. Pour les opérations plus petites, le fin mot de l'histoire n'est pas toujours rendu public. En fin de séance le 8 mai 2018, l'action Suez s'est brutalement envolée pour terminer sur un gain de 8% sans qu'aucune information ne le justifie. Elle a brutalement corrigé dans les mêmes proportions dès le lendemain, rendant très crédible l'hypothèse d'une erreur de manipulation. C'est en tout cas l'explication la plus plausible avancée par les professionnels, les observateurs aguerris et par la société elle-même.