BERLIN, 20 août (Reuters) - La chancelière allemande Angela Merkel a critiqué dimanche le recours d'Ankara à un mandat d'Interpol pour arrêter un écrivain allemand d'origine turque en Espagne, jugeant que la pratique représentait un abus.

L'écrivain Dogan Akhanli, critique de Recep Tayyip Erdogan, a été arrêté samedi à Grenade, en Espagne, à la suite d'un mandat d'arrêt émis par Interpol à la demande de la Turquie.

Il a été libéré dimanche mais doit rester à Madrid le temps de l'examen de la demande d'extradition turque par les autorités espagnoles.

"Cela n'est pas correct et je suis ravie que l'Espagne l'ait maintenant libéré", a déclaré Angela Merkel dimanche lors d'une réunion électorale diffusée par la chaîne de télévision RTL. "Nous ne devons pas détourner les organisations internationales comme Interpol pour de tels motifs", a-t-elle ajouté.

Les relations entre l'Allemagne et la Turquie sont particulièrement tendues en raison de la répression engagée par le président turc Recep Tayyip Erdogan, y compris contre des personnes possédant la nationalité allemande, depuis qu'il a échappé à une tentative de coup d'Etat en juillet 2016.

La chancelière s'est montrée plus mesurée que certains de ses adversaires politiques dans ses critiques du président Erdogan, et certains l'accusent de vouloir ménager le pays, pour son rôle d'Etat tampon face aux flux d'immigrants rejoignant l'Europe.

"(Dogan) est l'un des nombreux cas, malheureusement", a déclaré Angela Merkel dimanche, durcissant le ton contre Ankara. "C'est pourquoi nous avons largement changé notre politique à l'égard de la Turquie récemment (...) car il est tout à fait inacceptable qu'Erdogan fasse cela."

Le président turc a affirmé vendredi qu'Angela Merkel était une ennemie de la Turquie et a appelé ses compatriotes ayant la nationalité allemande à voter contre la chancelière lors des élections législatives du 24 septembre.

Le ministre allemand des Affaires étrangères, Sigmar Gabriel, a invité le président turc à ne pas s'immiscer dans les affaires politiques allemandes.

"Qui êtes-vous pour parler au président de la Turquie ? Parlez au ministre des Affaires étrangères turc. Restez à votre place", a déclaré samedi Erdogan lors d'un meeting du Parti de la justice et du développement (AKP) dans la province de Denizli (sud).

Le malaise va grandissant dans les pays européens abritant d'importantes diasporas turques, qui voient les discours d'Ankara comme des tentatives d'influencer les électeurs d'origine turque.

"Le président Erdogan tente d'instrumentaliser les communautés d'origine turque, particulièrement en Allemagne et en Autriche", déclarait le ministre autrichien des Affaires étrangères, Sebastian Kurz, au journal Die Welt.

"Il polarise et introduit les conflits turcs à l'intérieur de l'Union européenne."

En mars dernier, les élections législatives aux Pays-Bas ont déclenché des manifestations de partisans locaux de l'AKP émaillées de violences. Les autorités allemandes ont dit craindre des troubles similaires à l'occasion des élections législatives de septembre.

(Thomas Escritt à Berlin et Daren Butler à Istanbul, Julie Carriat pour le service français)