MOSCOU, 17 août (Reuters) - La hausse en urgence du taux directeur russe à 12% cette semaine a permis d'enrayer la chute du rouble, mais d'autres mesures seront probablement nécessaires pour avoir un impact plus durable sur la devise.

La monnaie russe a perdu plus d'un cinquième de sa valeur depuis que la Russie a envahi l'Ukraine en février 2022 et a franchi le seuil symbolique de 100 roubles pour un dollar lundi.

Les sanctions imposées par les pays occidentaux à la Russie ont réduit les recettes d'exportation et augmenté les coûts des importations, ce qui a fait pression sur le rouble, tout comme la forte augmentation des dépenses militaires de Moscou pour poursuivre la guerre.

Avec l'accélération de l'inflation qui entraîne une hausse des prix des produits de base et une élection présidentielle qui se profile en mars 2024, le rouble est un sujet sensible pour les autorités russes.

Le moyen le plus sûr de stabiliser le rouble serait que la Russie retire ses troupes d'Ukraine et réduise ses dépenses militaires, mais d'autres mesures peuvent aussi être prises:

1. AUGMENTER À NOUVEAU LES TAUX D'INTÉRÊT

L'une des options possibles serait de relever à nouveau les taux d'intérêt. L'augmentation du taux directeur à 20% l'année dernière a calmé les marchés et soutenu le rouble avant que les contrôles de capitaux ne commencent à se mettre en place.

Mais les coûts d'emprunt plus élevés réduisent les perspectives de croissance économique et rendent la vie plus difficile aux entreprises et au gouvernement qui finance les opérations militaires en Ukraine.

Le ministère des Finances a déclaré que des taux plus bas réduiraient la pression sur le déficit budgétaire et les besoins de financement.

En outre, il est peu probable que de nouvelles hausses de taux découragent les sorties de capitaux, a déclaré UBP dans une note, jugeant que "des taux d'intérêt plus élevés ne feront que ralentir le rythme de la dépréciation du rouble".

2. CONTRÔLE DES CAPITAUX

Les autorités russes envisagent de rétablir la conversion obligatoire des revenus en devises étrangères pour les exportateurs, ont déclaré mercredi à Reuters cinq sources au fait du dossier, parmi d'autres mesures de contrôle des capitaux qui devraient soutenir le rouble.

Une source a déclaré que quatre mesures étaient envisagées :

* Les exportateurs devront rapatrier jusqu'à 90% des recettes d'exportation en Russie.

* Les exportateurs qui ne se conforment pas à cette règle perdraient l'accès au soutien du gouvernement.

* Interdiction de verser des dividendes et des prêts à l'étranger, y compris dans des juridictions que la Russie considère comme "amicales".

* Interdiction des subventions à l'importation.

L'année dernière, la Russie a ordonné aux exportateurs de convertir 80% de leurs revenus en devises afin de soutenir la stabilité financière, ce qui a poussé le rouble à son plus haut niveau depuis plus de sept ans en juin 2022.

Selon certaines sources, si le rouble ne montre pas de signes d'amélioration d'ici vendredi, le contrôle des capitaux pourrait être réintroduit.

3. RÉDUIRE L'EXCÉDENT DE LIQUIDITÉS

Les autres options sont peut-être trop limitées pour faire une grande différence, mais la banque centrale a d'autres outils à sa disposition.

Elle pourrait tenter de réduire l'excédent de liquidités en roubles en augmentant les réserves obligatoires des banques, ce qui réduirait la masse monétaire pouvant être échangée contre des devises étrangères.

La Banque de Russie a montré qu'elle n'était pas indifférente à la volatilité du rouble et la perspective de nouvelles mesures enrayera au moins temporairement la demande de devises étrangères, ont déclaré les analystes de la Promsvyazbank.

La banque centrale a déjà annoncé qu'elle cesserait ses opérations de prise en pension (repo) à un an, qui permettent aux banques de gérer leurs liquidités. Les banques doivent actuellement à la banque centrale 1.280 milliards de roubles (12,37 milliards d'euros) dans ce cadre.

Le vice-gouverneur de la banque centrale Alexei Zabotkin a déclaré que la décision d'arrêter les prises en pension n'était pas liée à l'affaiblissement du rouble et qu'il s'agissait d'une simple coïncidence.

4. INTERVENTIONS SUR LE MARCHÉ DES CHANGES

L'un des moyens de défendre le rouble consiste pour la Russie à vendre des devises étrangères à partir de son Fonds de richesse nationale. Après une interruption de plusieurs mois, la Russie a repris ses interventions sur le marché des changes en janvier, en vendant des yuans chinois.

Elle a tenté de passer à l'achat de devises en août, mais cette tentative a été rapidement abandonnée.

Cependant, la vente de grandes quantités de devises étrangères épuiserait les réserves de change de Moscou. Les sanctions ont gelé environ la moitié des réserves de change de Moscou, qui s'élevaient à plus de 600 milliards de dollars avant la guerre.

La semaine dernière, Alexei Zabotkin a déclaré que la banque prendrait cette mesure si elle le jugeait nécessaire.

5. AUGMENTER LES EXPORTATIONS DE PÉTROLE

Selon les analystes d'Alfa Bank, la décision de la Russie de limiter les exportations de pétrole pour soutenir les prix mondiaux est la raison structurelle de la faiblesse du rouble.

Moscou prolonge la réduction de ses exportations de pétrole jusqu'en septembre, les exportations de pétrole du mois prochain devant être réduites de 300.000 barils par jour.

Les exportations de pétrole et de gaz de la Russie sont en forte baisse cette année, principalement en raison du plafonnement des prix du pétrole et de l'embargo décrétés par les pays occidentaux. D'autres marchés se sont ouverts à la Russie, mais Moscou est obligée de vendre au rabais.

6. CREATIVITE FISCALE

Une option plus originale pourrait consister à imposer de nouvelles taxes sur les transactions en devises étrangères, comme l'a proposé mardi un député de la chambre basse du Parlement, la Douma.

Vladimir Koshelev, membre de la Douma, a proposé de taxer les transactions en devises sur le marché boursier et de renforcer la réglementation des bénéfices en devises.

L'agence de presse Interfax a cité une source selon laquelle les autorités ont discuté d'un nouvel impôt sur les bénéfices excédentaires pour les exportateurs qui refusent de coopérer à la restitution des recettes. (Reportage bureau de Reuters, rédigé par Alexander Marrox, version française Corentin Chappron, édité par Blandine Hénault)