* L'arrivée des migrants sur les côtes italiennes a augmenté de 38%

* L'Italie et l'UE tentent de renforcer la présence de gardes-côtes libyens

* La faim règne dans les centres pour migrants en Libye

par Steve Scherer

A BORD DE L'AQUARIUS, 20 mai (Reuters) - Secourus la veille par un bateau humanitaire affrété par Médecins Sans Frontières (MSF) et SOS Méditerranée, des migrants sont revenus vendredi sur les conditions de détention, l'esclavage et la violence qu'ils ont subis en Libye.

"Les policiers nous arrêtent, (...) nous laissent deux, trois jours sans manger, sans boire. Ils nous battent", raconte Alseer Issa Ibrahim, 28 ans.

Le jeune homme, originaire de la région du Darfour, dans l'ouest du Soudan, fait partie des 600 personnes secourues ce jour-là par l'Aquarius, un bateau dédié au sauvetage en mer, qui fait maintenant route vers un port italien.

Six ans après la mort du président libyen Mouammar Kadhafi, la Libye semble glisser un peu plus chaque jour vers l'anarchie. Les passeurs ne cessent d'envoyer des embarcations bondées de migrants en direction de l'Europe.

L'Italie a enregistré cette année une hausse de 35% des arrivées de migrants par la mer. Mais plus de 1.300 d'entre eux ont disparu en Méditerranée en 2016.

John Osifo, un Nigérian de 29 ans, est resté 11 mois en Libye. Il n'avait aucun moyen d'aller en Europe. Après quelques mois passés à laver des voitures, un habitant a détruit son passeport et son permis de travail, le rendant illégal sur le territoire libyen. Il a dû travailler plus dur.

En Libye, "ils voient les Noirs comme des esclaves. C'est comme ça qu'ils nous appellent. Quand il veulent nous battre, ils le font avec un tuyau", raconte-t-il, en montrant une cicatrice sur sa main gauche.

"Ils nous prennent pour travailler, ils nous forcent à travailler dur, sans le moindre salaire (...). Parfois, ils nous emprisonnent, et là ils nous gardent et nous battent", affirme-t-il a bord de l'Aquarius, où l'équipage sert du thé et du pain aux migrants.

MALNUTRITION

En février, les dirigeants européens ont fixé comme objectif d'améliorer la situation économique des communautés locales en Libye et de coopérer avec le Haut commissariat aux réfugiés (HCR) de l'ONU et l'Organisation internationale pour les migrations (OIM) pour assurer de bonnes conditions d'accueil aux migrants dans le pays et assister les volontaires dans un retour vers leur pays d'origine.

L'Italie s'est s'engagée pour sa part à fournir des moyens financiers et matériels pour soutenir les initiatives libyennes. Il s'agissait pour elle de renforcer les gardes-côtes, dont leur nombre continue de baisser, et de mettre en place des camps sous autorité du ministère de l'Intérieur libyen, desquels doivent être organisés les retours. A cause du danger trop important, ces centres n'ont pas encore été ouverts.

Vendredi, MSF - l'une des seules associations pouvant accéder aux camps gérés par le gouvernement - a déclaré dans un communiqué avoir constaté un manque d'hygiène probant dans les camps. Elle relate y avoir également vu des adultes en malnutrition, des camps bondés et des personnes blessées à cause des violences.

"Durant les trois premiers mois de 2017, deux centres de détention n'étaient plus approvisionnés en nourriture, les détenus sont restés des jours sans manger", a affirmé MSF.

"On souffre encore de la faim en Libye, et les Libyens nous détestent, raconte Yagob Mobark Ibrahim, 21 ans, originaire du Soudan. Ils ne nous voient pas comme des personnes, ils nous voient plutôt comme des animaux." (Hélène Dauschy pour le service français, édité par Danielle Rouquié)