Au moment où la Chine semble vouloir emboîter le pas à la France et à la Grande-Bretagne pour interdire à terme la production et la commercialisation de voitures équipées d'un moteur thermique, certains dirigeants du secteur appellent de ce fait les Etats à accompagner un tel bouleversement.,,

"Si on nous donne instruction de faire des véhicules électriques, il faut aussi que les administrations et les autorités assument la responsabilité scientifique. Parce que je ne voudrais pas que dans 30 ans on ait découvert les uns ou les autres quelque chose qui n'est pas aussi beau que ça en a l'air.", a observé Carlos Tavares, président du directoire de PSA Peugeot Citroën.

La question de la pérennité des emplois dans le secteur automobile est au coeur de la campagne législative en cours en Allemagne, où la chancelière Angela Merkel semble bien partie pour décrocher un quatrième mandat de suite à l'occasion du scrutin du 24 septembre.

Selon l'institut économique Ifo, la fin des véhicules à combustion pourrait entraîner la suppression de 600.000 emplois en Allemagne.

Dans un entretien publié ce mardi par le Berliner Zeitung, Angela Merkel a dit ne pas être une "amie des interdictions". La veille, lors d'une émission télévisée, elle a dit que le secteur automobile devait être soutenu dans sa transformation.

NE PAS ALLER TROP VITE

Dieter Zetsche, président du directoire de Daimler, a fait écho aux positions de la chancelière en disant être opposé aussi bien à la mise en place de quotas pour les véhicules électriques qu'à l'interdiction des voitures à combustion, estimant qu'il valait mieux laisser jouer les forces du marché.

"Nous voulons atteindre la vitesse maximale nous-mêmes, nous n'avons pas besoin de quotas pour cela", a-t-il dit à l'occasion du 67e salon automobile de Francfort.

Malgré le "Dieselgate" et ses révélations sur le trucage de niveaux d'émissions polluantes qui a secoué Volkswagen il y a deux ans, malgré la volonté de certaines villes allemandes de bannir le diesel, Dieter Zetsche a noté que les ventes de Mercedes-Benz équipées d'une telle motorisation étaient en hausse depuis le début de l'année.

Cette résistance du diesel conduit Carlos Tavares à mettre en garde contre le risque d'une ruée vers l'électrique, ajoutant au passage se dire "attristé" par la confusion qui règne sur le diesel "dans un contexte de totale conformité".

Si le constructeur américain de voitures électriques haut de gamme Tesla Motors s'est taillé une jolie niche - ce qui a permis au groupe de voir sa capitalisation boursière dépasser celle de General Motors - les ventes de voitures électriques représentent moins de 1% des livraisons mondiales de voitures neuves.

"Si cela (les voitures électriques) ne parvient pas à être accepté sur le marché, alors tout le monde - l'industrie, les employés et les responsables politiques - a un gros problème", selon des propos de Carlos Tavares rapportés ce week-end par le magazine Bild am Sonntag.

BONNE TENUE DES VALEURS AUTOMOBILES EN BOURSE

Cette mise en garde n'empêche pas tous les constructeurs, y compris PSA, de présenter leurs ambitions dans l'électrique. Le constructeur français a ainsi dit que les futures Peugeot 208 et Opel Corsa auraient, à l'horizon 2020, une version électrique mais leur offre en moteurs diesel serait en revanche sensiblement réduite.

Lundi, Volkswagen a annoncé qu'il allait doubler ses investissements dans les voitures électriques pour les porter à plus de 20 milliards d'euros d'ici 2030, avec l'ambition de concurrencer Tesla sur le marché des véhicules propres grand public.

Daimler a dit de son côté que Mercedes-Benz proposerait une version électrique de chacun de ses modèles à partir de 2022, ajoutant que la marque Smart spécialisée dans les petites voitures urbaines allait pour sa part devenir entièrement électrique.

Mais, notant que la rentabilité des futures Mercedes électriques pouvait dans un premier temps être divisée par jusqu'à deux par rapport aux modèles à combustion actuels, en raison notamment du coût de la batterie, Daimler a également présenté un nouveau plan d'économies de quatre milliards d'euros.

Dieter Zetsche a assuré que ce plan n'entraînerait pas de suppressions de postes. Cependant, selon le cabinet de conseil AlixPartners, la fabrication d'une motorisation électrique avec batterie nécessite 40% de travail manufacturier de moins que des traction mécaniques.

Cet état de fait, avant même toute externalisation de la production, fait peser un risque sur 112.000 emplois parmi les fournisseurs européens, poursuit le cabinet.

BMW, qui a dit jeudi dernier être prêt à lancer la production de masse de véhicules électriques d'ici 2020, a également souligné que les voitures électriques dégageaient à ce stade une moindre rentabilité que les modèles équivalents à combustion classique, tout en maintenant son objectif de rentabilité comprise entre 8% et 10%.

En Bourse, les valeurs automobiles réagissent plutôt bien aux différentes annonces venues de Francfort, avec un indice sectoriel qui affiche l'une des meilleures progressions de la séance (+1,4%), entraîné notamment par le titre PSA (+3,5%), plus forte hausse d'un CAC 40 qui gagne lui-même 0,65% vers 15h15.

(Avec la contribution d'Ilona Wissenbach et Georgina Prodhan, Benoit Van Overstraeten pour le service français, édité par Jean-Michel Bélot)

par Laurence Frost, Edward Taylor et Gilles Guillaume

Valeurs citées dans l'article : Peugeot, Renault, Bayerische Motoren Werke, Daimler, Volkswagen, Tesla