Ford Motor a confirmé lundi le départ de son directeur général, Mark Fields, remplacé par James Hackett, le patron de la division en charge du développement de véhicules autonomes, un limogeage que plusieurs sources expliquent par des inquiétudes croissantes sur la performance boursière et les perspectives industrielles du deuxième constructeur automobile américain.

Le titre Ford avance de 1,3% à 11,01 dollars une heure après l'ouverture à Wall Street à la suite de cette annonce. L'indice Dow Jones gagne au même moment 0,5% et le Standard & Poor's 500 0,43%.

Le départ de Mark Fields, 56 ans, et la nomination de James Hackett, 62 ans, jusqu'à présent responsable de la filiale Ford Smart Mobility, s'accompagnent d'un remaniement plus large de l'équipe de direction, avec entre autres la nomination de deux vice-présidents exécutifs.

Jim Farley, le patron de Ford Europe depuis janvier 2015, devrait prendre la tête de toutes les filiales régionales du groupe, du marketing mondial et des ventes mondiales, ainsi que de la marque Lincoln Motor.

Joe Hinrichs, responsable des Amériques depuis décembre 2012, gérera le développement mondial des produits, la construction et les ressources humaines, les achats, l'environnement et de la sécurité, tandis que Marcy Klevorn, vice-présidente des technologies de l'information et responsable technique depuis janvier, sera en charge de Ford Smart Mobility.

Le constructeur va également remplacer son responsable de la communication, Mark Truby.

A la clôture de vendredi, l'action Ford avait perdu 37% de sa valeur depuis l'entrée en fonction de Mark Fields en juillet 2014, au moment où la reprise du marché automobile américain était au plus fort. Aujourd'hui, les ventes de voitures aux Etats-Unis montrent des signes de ralentissement et les marges de Ford sont inférieures à celles de son grand rival General Motors.

Le président exécutif du groupe, Bill Ford Jr, héritier de la famille fondatrice, et le reste du conseil d'administration sont mécontents de la performance du constructeur et veulent être certains que les investissements dans la voiture autonome, les véhicules électriques et les services de covoiturage seront un jour payants.

"Nous voulons changer l'avenir de Ford à partir d'une position de force", a déclaré Bill Ford. "Jim Hackett est le bon directeur général pour diriger Ford pendant cette période de transformation de l'industrie automobile et de l'espace de mobilité au sens large".

FORD VAUT MOINS CHER QUE TESLA EN BOURSE

Les trois grands constructeurs automobiles de Detroit subissent la pression de certains actionnaires ou des autorités dans un contexte de ralentissement du marché automobile américain, source essentielle de leurs profits, après une année 2016 record.

Fiat Chrysler Automobiles est ainsi accusé par les autorités américaines en général et californiennes en particulier d'avoir employé un logiciel permettant de contourner les tests d'émissions polluantes des moteurs diesel. Par ailleurs, l'administrateur délégué Sergio Marchionne peine à trouver un partenaire en vue d'une fusion.

Mary Barra, la directrice générale de GM, doit de son côté faire face aux assauts du fonds spéculatif Greenlight Capital qui veut installer trois de ses candidats au conseil d'administration et diviser l'action en deux catégories.

Ford a dégagé l'an dernier un bénéfice record de 1,2 milliard de dollars en Europe mais il a averti que le vote britannique sur la sortie du Royaume-Uni de l'Union européenne allait affecter son résultat 2017 dans la région.

Au total, le groupe a réalisé en 2016 un bénéfice imposable de 10,4 milliards de dollars (9,25 milliards d'euros). Mais sa capitalisation boursière, au cours de clôture de vendredi, n'atteignait que 43 milliards de dollars, huit milliards de moins que celle du constructeur de voitures électriques Tesla.

Plusieurs investisseurs se disent préoccupés par la faiblesse des résultats de Ford au premier trimestre et la révision à la baisse de la prévision de bénéfice 2017, ainsi que par le coûts des projets en cours dans les "opportunités émergentes", comme les voitures électriques et les véhicules autonomes.

La semaine dernière, le constructeur a annoncé son intention de supprimer 1.400 emplois en Amérique du Nord et en Asie, ce qui n'est selon les journaux qu'une petite fraction des 20.000 suppressions de postes qui pourraient être annoncées en tout.

LES DÉFIS

Sous la direction de Mark Fields, Ford a pourtant présenté plusieurs projets afin de répondre aux défis posés par des groupes technologiques comme Alphabet, maison mère de Google, qui veulent contrôler le marché naissant des voitures autonomes et les nombreuses données liées à leur développement.

"Il faut avoir un pied dans le présent (...) mais aussi un pied dans l'avenir", a-il dit le mois dernier à la presse. "Je crois que les investisseurs comprennent notre stratégie."

En février, Ford Motor avait également annoncé vouloir investir un milliard de dollars sur les cinq années à venir dans la start-up technologique Argo AI, pour se donner les moyens d'atteindre son objectif de construire une voiture autonome pour des services de covoiturage d'ici 2021.

Parallèlement, GM met la pression en Amérique du Nord sur les pick-ups et SUV, qui représentent 90% des bénéfices de Ford.

GM a lancé une "offensive" sur le marché nord-américain des pickups, a déclaré à Reuters la semaine dernière le président Dan Ammann, notamment avec la nouvelle génération de Chevrolet Silverado qui rivalise avec la gamme F-series.

Ford a également subi les critiques du président américain, Donald Trump, notamment sur son projet de construction d'une usine d'assemblage au Mexique, qui depuis a été annulé.

(avec Joe White à Detroit, Ismail Shakil à Bangalore et Andreas Cremer à Berlin, Catherine Mallebay-Vacqueur et Claude Chendjou pour le service français, édité par Wilfrid Exbrayat et Marc Angrand)

par Laurence Frost et David Shepardson