Avare en explications de textes, le milliardaire Vincent Bolloré, premier actionnaire du géant français des médias avec 20,65% du capital, défendait son bilan ce mardi devant les actionnaires réunis en assemblée générale.

Depuis son accession à la présidence du conseil de surveillance voici trois ans, Vivendi a dépensé l'essentiel de la gigantesque cagnotte héritée d'une vague de cessions en acquisitions et prises de participations (environ 7 milliards d'euros) et en retour aux actionnaires (8 milliards d'euros).

Pourtant, son ambition affichée de bâtir un géant des contenus ancré dans la culture latine peine pour l'instant à se concrétiser, entravée par ses démêlés avec la dynastie Berlusconi en Italie, tandis que l'action Vivendi affiche sur la période un recul de 2%.

"Vivendi va passer à la deuxième étape. Tout va se faire en 2017", estime l'une des deux sources.

Le groupe publicitaire Havas et le spécialiste des jeux vidéo Ubisoft figurent parmi les cibles les plus probables, ont précisé les deux sources.

Le rapprochement avec Havas a été évoqué entre les lignes par l'entrepreneur breton sans pour l'instant se concrétiser.

Sixième groupe publicitaire mondial, Havas, contrôlé à 60% par le groupe Bolloré, partage avec Vivendi le même actionnaire principal. Son PDG Yannick Bolloré, l'un des fils de Vincent Bolloré, a été coopté l'an dernier au conseil de Vivendi.

Selon les sources, Vivendi est par ailleurs déterminé à renforcer dès cette année sa présence sur le secteur prometteur des jeux vidéo après avoir acquis l'an dernier le spécialiste des jeux sur mobile Gameloft et être monté à hauteur de 25% au capital de son grand frère Ubisoft.

"Il serait logique pour Vivendi de croquer Ubisoft", a commenté l'une des sources, tout en précisant que Vincent Bolloré pourrait changer son fusil d'épaule et lorgner d'autres actifs, notamment en Asie, en cas de bras de fer prolongé avec la famille fondatrice qui mènerait à une coûteuse OPA.

En Bourse, l'action Ubisoft (+3%) a touché un nouveau plus historique à 43,45 euros, dopée par cette information de Reuters selon un trader en poste à Paris.

Lors de l'assemblée générale, Vivendi a déclaré que le rachat de Gameloft lui donnait envie d'aller plus loin dans les jeux, ajoutant que cela passerait peut-être par des acquisitions externes.

RISQUE RÉDUIT À L'AG

Une avancée sur ces deux fronts permettrait de lever une partie des incertitudes engendrées par la multiplication des prises de participation de Vivendi, également présent au capital des italiens Telecom Italia et Mediaset, de la Fnac ou de l'espagnol Telefonica.

Vivendi a notamment expliqué vouloir faire du renforcement de ses liens avec les opérateurs télécoms une priorité afin d'améliorer la distribution de ses contenus.

Des acteurs du secteur y voient surtout une stratégie opportuniste de la part de Vincent Bolloré, qui a réalisé par le passé des plus-values grâce à des allers-retours boursiers.

"Toute transparence accrue concernant la stratégie d'investissement, la politique stratégique sur les participations dans les télécoms et la vague stratégie en Europe du Sud ainsi que la vision sur les jeux vidéo serait bienvenue pour les actionnaires actuels comme à venir", souligne Deutsche Bank dans une note publiée ce mois-ci, rappelant que l'horizon d'investissement de Vincent Bolloré peut s'étaler parfois sur de longues années.

Si les analystes financiers comme les banquiers peinent à lire les intentions du milliardaire, sa stratégie et sa prise de contrôle de fait de Vivendi avec une participation minoritaire ne semblent pas faire sourciller les actionnaires.

Vivendi n'a connu à ce jour qu'une seule fronde d'ampleur menée par le fonds américain PSAM, rapidement éteinte après une révision à la hausse de l'argent redistribué aux actionnaires.

A l'approche de l'assemblée générale, les agences de conseil aux actionnaires ont cependant donné de la voix, ciblant notamment la recomposition envisagée du conseil de surveillance qui aurait pour conséquence de réduire le nombre d'administrateurs indépendants et de renforcer de fait l'influence de Vincent Bolloré.

Le risque est toutefois limité pour l'industriel, qui est quasi assuré de l'emporter en AG avec 29% des droits de vote.

Vivendi a déjà promis au marché une nette amélioration de ses résultats en 2017 après un exercice 2016 plombé par les difficultés de sa filiale de télévision Canal+ en France, qui a perdu un demi-million d'abonnés.

La chaîne cryptée mise sur la refonte de ses offres commerciales, qui ont déjà dopé les recrutements d'abonnés ce printemps sans parvenir à endiguer les départs.

Lors de l'assemblée générale, Vivendi a indiqué que l'impact de cette refonte des offres se verrait dès septembre-octobre, avec un redressement des résultats de Canal+ attendu à partir du troisième trimestre, précisant que son ambition était de doubler la base d'abonnés de Canal+ en France.

Selon les sources, Vivendi espère par ailleurs toujours parvenir à un accord avec les Berlusconi sur le diffuseur Mediaset en dépit de plusieurs revers récents.

(Edité par Dominique Rodriguez)

par Gwénaëlle Barzic et Mathieu Rosemain