L'annonce mardi d'un accord entre Vivendi et la famille Guillemot solde le bras de fer engagé depuis octobre 2015 avec l'entrée surprise du groupe de médias et de divertissement au capital de l'éditeur des Lapins Crétins et Assassin's Creed.

Il s’agit d’une défaite pour Vincent Bolloré, président du conseil et actionnaire de contrôle de Vivendi, qui veut constituer autour des jeux vidéos une nouvelle branche d’activités aux côtés de la musique et des médias.

Le milliardaire réussit toutefois une belle opération financière, la transaction devant se solder par une plus-value de l'ordre de 1,2 milliard d’euros.

Aux termes de l'accord annoncé, le chinois Tencent et le régime de retraite des enseignants de l'Ontario (Ontario Teachers’Pension Plan) - actionnaire de Google, Sony ou Facebook - entreront au capital d'Ubisoft à hauteur de 5,0% et 3,4% respectivement.

L'éditeur français a en parallèle conclu avec Tencent un partenariat stratégique qui lui permettra d'étendre la portée de ses franchises en Chine.

Ubisoft et les frères Guillemot rachèteront pour leur part 8,1% et 2,7% du capital, tandis que le solde de la participation de Vivendi, soit 8,0%, sera cédé dans le cadre d'un placement privé accéléré auprès d'investisseurs institutionnels.

Les opérations annoncées se feront toutes au prix de 66 euros par action.

"L'évolution de notre actionnariat est une excellente nouvelle pour Ubisoft", a déclaré le PDG de l'éditeur, Yves Guillemot, cité dans un communiqué.

"Le partenariat stratégique que nous avons signé nous permettra d'accélérer dans les prochaines années notre développement en Chine, et d'exploiter un marché dont le potentiel est considérable", a-t-il ajouté.

UBISOFT S'ALLIE AVEC LE CHINOIS TENCENT

Le groupe de médias, qui avait déboursé près de 800 millions d'euros pour devenir le premier actionnaire d'Ubisoft avec 27,27% de son capital, a fini par jeter l'éponge face à la résistance que lui ont opposé depuis le début les Guillemot.

Dénonçant une tentative de prise de contrôle rampant, le PDG d’Ubisoft Yves Guillemot est parvenu à fédérer autour de lui les autres actionnaires de la société, en promettant notamment une nette amélioration de la rentabilité.

Depuis le début de l’offensive de Vivendi, qui ne possédait aucun représentant au conseil, l’action d’Ubisoft s’est envolée, rendant très coûteuse une hypothétique OPA hostile du groupe de médias.

Vivendi, déjà propriétaire de Gameloft, s'est engagé à ne plus acquérir d'actions Ubisoft pendant une période de cinq ans.

La société "confirme son intention de renforcer sa présence dans le secteur particulièrement dynamique des jeux vidéo qui constitue une des pierres angulaires du développement du groupe", a-t-il toutefois réaffirmé dans un communiqué.

Il s’agit d’un revers de plus pour le groupe de médias, qui accumule également les déconvenues en Italie où il doit désormais compter avec l’entrée de l’actionnaire activiste Elliott Management au capital de l’opérateur télécoms Telecom Italia dont Vivendi est le premier actionnaire.

Ubisoft, qui a confirmé ses objectifs financiers pour les exercices 2017-2018 et 2018-2019, estime de son côté que le partenariat conclu avec Tencent lui permettra d'accélérer son développement sur le marché chinois au cours des prochaines années.

Ce partenariat prévoit que Tencent édite les jeux mobiles et PC d'Ubisoft en Chine, le pays comptant plus de 500 millions de joueurs.

"Tencent est le partenaire idéal par sa puissance et son réseau social utilisé par un milliard de personnes par mois, il va nous permettre d'augmenter significativement la visibilité de nos franchises", a déclaré le directeur financier Alain Martinez lors d'une conférence téléphonique.

La Chine représente déjà le sixième ou septième territoire en termes de joueurs sur certains titres d'Ubisoft - Assassin's Creed par exemple - alors même que les jeux en question n'y sont pas officiellement autorisés, a-t-il dit.

Alain Martinez a aussi précisé que Vivendi avait fait connaître à Ubisoft son intention de se désengager il y a "quelques semaines, voire quelques mois".

Avant ces annonces, l'action Ubisoft a clôturé sur un cours de 68,56 euros, en hausse de 7% environ depuis le début de l'année, tandis que Vivendi a terminé à 21,40 euros (-4,6% depuis début 2018).

(Benjamin Mallet, avec Gwenaëlle Barzic, édité par Cyril Altmeyer)