La rumeur a commencé à circuler samedi soir : selon Bloomberg, le conseil d'administration du joaillier newyorkais a depuis peu, sur sa table, une offre de rachat à 120 USD par action formulée par le groupe de Bernard Arnault. Elle valorise Tiffany 14,5 Mds$, soit une prime d'environ 22% sur le dernier cours coté de 98,55 SUD (lequel est en hausse de 22,4% depuis le 1er janvier). LVMH a confirmé, dans un bref communiqué diffusé autour de 9h00 ce matin, avoir approché l'Américain, mais ne fournit aucune précisions chiffrée. 

Malgré son statut de premier acteur du luxe américaine, Tiffany ne boxe pas dans la même catégorie que LVMH.

  • De par leurs activités d'abord, puisque le Français est un généraliste tandis que l'Américain est un spécialiste de la joaillerie, que l'on classe dans la catégorie "Hard Luxury", au même titre que les montres par exemple, par opposition à la mode ou à la maroquinerie, du "Soft Luxury".
  • De par leurs poids respectifs ensuite : la capitalisation actuelle de LVMH, 210,6 Mds$, est presque 18 fois supérieure à celle de Tiffany (11,8 Mds$).
  • De par leurs finances, aussi : LVMH, c'est 46,83 Mds€ de revenus et 5,45 Mds€ de trésorerie générée par l'activité en 2018. Tiffany, c'est 4,42 Mds$ de ventes et 250 M$ de trésorerie générée par l'activité.

L'hypothèse d'une expansion de LVMH dans la joaillerie n'est pas nouvelle. Elle est même fréquemment envisagée depuis quelques années. En 2011, le groupe avait jeté son dévolu sur Bulgari, qui lui avait permis de prendre pied sur ce marché. "Une opération sur Tiffany aurait beaucoup de sens, et pour plusieurs raisons", explique ce matin Luca Solca, qui suite le secteur chez Bernstein. LVMH mettrait la main sur l'un des quatre seuls acteurs globaux de la joaillerie, avec un gros potentiel d'amélioration dans les montres ou le design. En outre, le géant européen bénéficierait d'une exposition plus équilibrée aux États-Unis, en particulier du côté des devises et de la réduction de l'exposition aux droits de douane.

Solca rappelle qu'avant de racheter Bulgari, Bernard Arnault lorgnait plutôt Tiffany. L'analyste pense qu'une telle opération serait aussi un souci pour la Compagnie Financière Richemont. "En combinant Bulgari et Tiffany, LVMH deviendrait un acteur encore plus sérieux dans le milieu de la joaillerie, même si Richemont possède la marque la plus connue, Cartier, et probablement la meilleure marque très haut de gamme, Van Cleef & Arpels", ajoute le spécialiste.

Chez Jefferies, Flavio Cereda juge le timing parfait pour LVMH, dont le titre s'est envolé de 50% cette année. Il y a peu de marques intéressantes sur le marché, précise l'analyste, avant d'ajouter que cela aurait aussi la vertu d'écarter l'hypothèse d'un rachat de Chanel (la rumeur tourne régulièrement), qui serait d'une autre envergure. "Cette opération doublerait potentiellement la taille et la rentabilité de la division la plus faible de LVMH, le Hard Luxury".

En s'adossant à LVMH, l'américain gagnerait une expansion rapide en Asie, une hausse de sa rentabilité et une sortie rapide du luxe accessible, selon Cereda, qui ne craint pas de cannibalisation avec Bulgari, dont les produits et les clients ne se chevauchent pas trop. "Evidemment, la nouvelle serait négative pour Richemont qui devrait combattre LVMH, ce qui n'est jamais une très bonne chose", juge lui aussi le représentant de Jefferies.

L'écart de capitalisation se creuse entre les grands acteurs et les autres (Source Zonebourse - Cliquer pour agrandir)

La consolidation dans le luxe était l'un des thèmes favoris de Zonebourse pour 2019. Nous avions détaillé l'année dernière les différents scénarios envisageables.  LVMH a réagi peu avant 9h00 en confirmant avoir "engagé des discussions préliminaires concernant une éventuelle opération avec Tiffany", tout en précisant, selon la formule consacrée, qu'il n’y a aucune certitude à ce stade que ces discussions puissent aboutir à un accord.