Les industries canadiennes s'opposent à la date d'entrée en vigueur de la loi sur l'esclavage moderne (Modern Slavery Act) prévue en janvier, qui vise à lutter contre le travail forcé et le travail des enfants dans les chaînes d'approvisionnement. Les groupes commerciaux des secteurs de l'exploitation minière et de l'habillement affirment que le gouvernement n'a pas précisé les détails des exigences de la loi.

Cette loi, adoptée en mai, vise à inciter les entreprises à faire preuve d'une plus grande transparence dans leurs chaînes d'approvisionnement afin d'éviter d'encourager ce qui, selon les critiques, s'apparente à de l'esclavage moderne. La nouvelle mesure entrera en vigueur le 1er janvier 2024.

Toutefois, des groupes de pression, dont des sociétés minières et des fabricants de vêtements, avertissent qu'un manque de clarté des règles pourrait entraîner des pénalités non souhaitées et empêcher l'entrée au Canada de marchandises essentielles.

L'industrie minière canadienne a été l'une des premières à soutenir l'initiative du gouvernement, qui vise à mettre le Canada sur un pied d'égalité avec l'Australie et le Royaume-Uni, qui ont adopté des lois similaires en 2017 et 2015, respectivement.

"Nous ne contestons pas le principe de ce que ce projet de loi tente de réaliser, ni les détails de ce qu'il inclut", a déclaré Ben Chalmers, vice-président de l'Association minière du Canada, lors d'une récente interview.

"Nous voulons simplement avoir le temps de faire un meilleur travail lorsque nous commencerons à rendre des comptes, c'est pourquoi nous demandons une prolongation d'un an.

En vertu de la nouvelle loi, les entreprises en infraction s'exposent à des sanctions pouvant aller jusqu'à 250 000 dollars canadiens (186 372 dollars), ce qui témoigne de l'importance croissante accordée par les investisseurs mondiaux aux questions d'éthique et de gouvernance sociale.

Une enquête publiée par le cabinet de conseil KPMG en décembre 2022 auprès de 200 entreprises canadiennes sur leurs performances ESG a montré que seulement 50 % des entreprises divulguent l'approche et les performances de la direction en matière de respect des droits de l'homme. Les entreprises des secteurs de l'automobile, de l'énergie et des transports sont les plus transparentes en ce qui concerne la divulgation de leurs normes en matière de droits de l'homme.

Un porte-parole du nouveau ministre canadien de la sécurité publique a déclaré que le ministère "travaillait rapidement" à la mise en œuvre de la loi d'ici janvier et que les entreprises devaient présenter leur premier rapport au plus tard le 31 mai 2024. Le porte-parole a ajouté qu'aucune modification de cette échéance n'était prévue à ce stade.

Bob Kirke, directeur exécutif de la Fédération canadienne de l'habillement, a déclaré à Reuters qu'une prolongation était dans l'intérêt de tous, car il n'y a pas de clarté sur la nature exacte de ces "règles".

La loi modifie également la loi canadienne sur les douanes afin d'interdire les marchandises fabriquées avec le travail des enfants, mais il n'y a pas de clarté sur la manière dont cela sera mis en œuvre, a ajouté M. Kirke.

UNE VÉRITABLE ANGOISSES

John McKay, le député libéral canadien à l'origine du projet de loi, a également exprimé des inquiétudes quant à sa mise en œuvre.

"Il incombe au gouvernement fédéral d'être prêt à recevoir les déclarations et à donner des conseils sur le contenu de ces déclarations", a déclaré M. McKay à l'agence Reuters. "Je ne pense pas que le gouvernement soit encore prêt.

M. McKay a déclaré qu'il y avait un manque de lignes directrices en matière de rapports et de procédures, ce qui, selon lui, était le signe que le gouvernement n'était pas prêt à respecter la date d'entrée en vigueur fixée à janvier. Il s'attend toutefois à ce que la plupart des entreprises canadiennes concernées par la loi respectent les nouvelles règles.

En mai, l'organisme canadien de surveillance de l'éthique des entreprises a ouvert une enquête sur Nike et Dynasty Gold Corp. à la suite d'allégations selon lesquelles ces entreprises auraient eu recours au travail forcé dans la province chinoise de Xinjian dans leurs chaînes d'approvisionnement.

Les deux entreprises ont nié avoir recours au travail forcé dans leurs chaînes d'approvisionnement. L'enquête gouvernementale est toujours en cours.

Les cabinets d'avocats ont commencé à conseiller à leurs clients de préparer leurs documents relatifs à l'approvisionnement en marchandises provenant de diverses régions du monde, mais ils sentent également l'inquiétude de leurs clients quant aux attentes du gouvernement.

"La véritable inquiétude, à l'heure actuelle, est de savoir quelles sont les attentes du gouvernement canadien (en ce qui concerne le projet de loi) et ce qui sera suffisant en termes de détail ou de niveau de détail", a déclaré Sabrina Bandali, associée en commerce international et en investissement au sein du cabinet d'avocats torontois Bennett Jones. (1 $ = 1,3414 dollar canadien) (Reportage de Divya Rajagopal à Toronto Rédaction de Denny Thomas et Matthew Lewis)