Point clé : Le moment opportun et l'ampleur des baisses de taux d'intérêt de la Banque du Canada dépendront des conditions de l'économie et de l'inflation au pays, et non de l'écart entre la politique monétaire canadienne et celle de la Réserve fédérale américaine (Fed) ou de la valeur du dollar canadien.

  • La faiblesse marquée de l'économie canadienne rend plus urgente qu'ailleurs dans le monde l'amorce d'une diminution des taux d'intérêt. Nous nous attendons à ce que la Banque du Canada réduise ses taux d'intérêt plus tôt que la Fed cette année, et de manière plus importante.
  • Un accroissement de l'écart entre les taux d'intérêt observés au Canada et aux États-Unis entraînera une plus forte dépréciation du dollar canadien que d'habitude et une hausse des prix des biens de consommation importés.
  • Les fluctuations des devises américaine et canadienne l'une par rapport à l'autre n'ont eu aucun effet sur les tendances générales de l'inflation par le passé. Plus de la moitié des dépenses de consommation au Canada se rapportent à des services. Les marchandises importées ne proviennent pas exclusivement des États-Unis. Les prix des biens de consommation dépendent aussi des coûts de transport au pays, lesquels diminuent à mesure que ralentit l'économie.

L'économie canadienne est nettement moins performante que celle d'autres pays - et surtout celle des États-Unis - du fait de la hausse brutale des taux d'intérêt, survenue plus tôt. La forte croissance démographique a soutenu les mesures de l'activité économique globale, mais cette situation voile la faiblesse sous-jacente exprimée par habitant.

Au Canada, depuis 2019, le produit intérieur brut (PIB) par tête a reculé de 2,8 %, alors qu'il a augmenté de 7 % aux États-Unis. Il s'agit là de la pire contre-performance de l'économie canadienne par rapport aux États-Unis sur une période comparable depuis au moins 1965. Au Canada, le taux de chômage a augmenté de 1,3 point de pourcentage depuis l'été 2022, par comparaison à 0,4 point de pourcentage seulement aux États-Unis.

L'écart constaté signale que la Banque du Canada devrait commencer à réduire ses taux d'intérêt plus tôt (et plus rapidement) que la Fed. Nous prévoyons une première baisse en juin, alors que la première diminution de la Fed devrait plutôt survenir en décembre. Nous nous attendons à ce que la Banque du Canada réduise les taux d'intérêt de 100 points de base d'ici la fin de l'année, comparativement à 25 points de base seulement pour la Fed.

Les marchés ont fait preuve de prudence en ce qui a trait à la prise en compte d'un écart considérable entre les attentes relatives aux taux d'intérêt fixés par la Fed et à ceux déterminés par les autres banques centrales ; en réalité, toutefois, l'histoire montre que les mesures d'ordre monétaire se sont avérées très différentes au-delà des frontières. Voilà la raison même de l'existence des banques centrales indépendantes. Un taux de change flottant permet des écarts dans les politiques sur les taux d'intérêt d'une région à l'autre et aide l'économie à absorber les coups durs en augmentant les échanges commerciaux nets.

Les risques de dévalorisation du huard ne devraient pas dissuader la Banque du Canada de réduire ses taux la première

Toutes choses étant égales par ailleurs, l'accentuation de l'écart que nous prévoyons entre les taux directeurs des banques centrales s'avère plus négative pour le dollar canadien qu'elle ne le serait autrement. En effet, un dollar canadien plus faible augmentera les coûts d'importation à un moment où la banque centrale s'efforce de maîtriser l'inflation, dans un contexte où les prix s'ajustent particulièrement vite pour les produits tels que l'essence, les fruits frais et les légumes.

Toutefois, dans un vaste pays aux caractéristiques géographiques variées comme le Canada, les prix des biens de consommation dépendent aussi beaucoup des coûts supplémentaires à défrayer pour mettre les produits sur les tablettes des magasins après leur importation, ainsi que des pratiques d'établissement des prix des grossistes et détaillants du pays. Les importations provenant d'autres endroits que les États-Unis ne sont pas nécessairement touchées par les fluctuations du taux de change entre les dollars canadien et américain.

Un ralentissement de l'économie complique le transfert des coûts accrus d'importation aux consommateurs, et les coûts de transport au pays ont eu tendance à diminuer de façon constante. À titre d'exemple, les coûts généraux de transport par camion sont environ 6 % plus bas que les niveaux observés il y a un an.

Le Canada continue de commercer de façon disproportionnée avec les États-Unis, mais, au chapitre des importations de biens de consommation, une part relativement plus importante de ces importations (65 %) proviennent d'ailleurs. À cela s'ajoute le fait que le dollar canadien ne semble pas aussi faible par rapport aux autres devises. Près de 20 % des importations de biens de consommation et 30 % des importations de produits électroniques proviennent de la Chine. L'économie chinoise semble aussi chancelante du fait d'un ralentissement soutenu du marché immobilier, et la dépréciation du dollar canadien n'est pas aussi significative par rapport au renminbi.

La demande intérieure et les attentes inflationnistes seront les premiers catalyseurs de l'inflation

En élargissant la portée de la consommation au-delà des seuls biens, on constate que plus de la moitié des dépenses globales des ménages canadiens sont consacrées aux services. Pour ces services, le rythme de croissance des prix sera dicté par la demande intérieure et les attentes inflationnistes. Même aux États-Unis, où les craintes liées à l'inflation ont réapparu, la majeure partie de cette hausse préoccupante est attribuable aux services intérieurs plutôt qu'aux biens échangeables.

Le ralentissement de l'économie, observable de façon notable au Canada depuis un an et demi, permet difficilement aux entreprises de transférer les hausses de prix et de demeurer concurrentielles. L'Enquête sur les perspectives des entreprises de la Banque du Canada a révélé que les entreprises ont haussé moins souvent les prix et que l'ampleur des ajustements de prix a aussi diminué à mesure que s'affaiblit la demande des consommateurs. La croissance des salaires a aussi montré des signes de fléchissement avec l'atténuation de la demande de travailleurs (diminution de plus de 25 % des offres d'emploi par rapport à l'année précédente) et l'augmentation du taux de chômage.

La volatilité des prix des marchandises continue de poser un risque pour l'inflation, et les prix du pétrole ont augmenté au cours des mois. La demande intérieure devrait toutefois rester faible pendant une bonne partie de 2024, et les anticipations inflationnistes à long terme demeurent bien ancrées au Canada. Nous nous attendons à ce que les pressions inflationnistes continuent de s'atténuer, ce qui incitera la Banque du Canada à réduire le taux du financement à un jour cette année, et ce, peu importe les mesures prises par la Fed.

Nathan Janzen est économiste en chef adjoint. Il dirige le groupe d'analyse macroéconomique. Il s'intéresse principalement à la situation macroéconomique du Canada et des États-Unis, qu'il analyse et pour laquelle il formule des prévisions./em>

Claire Fan est économiste à RBC. Elle se concentre sur les analyses macroéconomiques et est chargée d'établir des prévisions relatives au PIB, à l'emploi et à l'inflation pour le Canada et les États-Unis, en fonction des principaux indicateurs.

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