par Nidal al-Mughrabi et Ari Rabinovitch

LE CAIRE/JÉRUSALEM, 16 mai (Reuters) - Des chars israéliens ont pénétré jeudi dans le cœur de Jabalia, dans le nord de la bande de Gaza, tandis que dans le Sud, Tsahal a pilonné Rafah sans avancer, ont déclaré des habitants et des combattants palestiniens.

L'offensive israélienne marque le pas, plus de sept mois après son déclenchement, ce qui témoigne de la difficulté pour le Premier ministre Benjamin Netanyahu de tenir son engagement d'"éradiquer" le Hamas.

Les branches armées du Hamas et de son allié, le Djihad islamique, usent de tunnels lourdement fortifiés pour organiser des attaques à la fois dans le Nord, sur lequel l'offensive s'était concentrée à ses débuts, et sur de nouveaux fronts tels Rafah.

"Nous sommes en train d'épuiser le Hamas", a assuré le ministre israélien de la Défense, Yoav Gallant, en annonçant que des troupes supplémentaires seraient déployées à Rafah, où, selon lui, plusieurs tunnels ont été détruits.

Israël affirme que quatre bataillons du Hamas se trouvent à Rafah avec des otages enlevés lors de l'assaut du 7 octobre. Les États-Unis, l'Europe et les Nations unies font pression pour éviter une invasion de la ville, où des centaines de milliers de civils palestiniens ont trouvé refuge.

"L'opération à Rafah est encore limitée en termes d'espace et de cibles", a déclaré jeudi le lieutenant-colonel Nadav Shoshani, porte-parole de l'armée, ajoutant que les attaques étaient basées sur des renseignements précis concernant l'activité des combattants.

Selon le ministère de la Santé de l'enclave palestinienne, 35.272 personnes ont été tuées depuis le 7 octobre, et le manque de ressources est généralisé en raison de la violence des combats et des fermetures par Israël des points de passage de Kerem Shalom et de Rafah avec l'Égypte.

Israël affirme que le Hamas détourne l'aide humanitaire, qu'il doit éliminer le groupe pour sa propre protection après la mort de 1.200 personnes le 7 octobre, et pour libérer les 128 otages encore détenus sur les 253 enlevés, selon ses décomptes.

Les États-Unis ont achevé jeudi la construction d'une jetée temporaire sur une plage de Gaza afin d'augmenter la livraison d'aide humanitaire, mais ils risquent d'être confrontés à des difficultés pour la distribuer en raison des conditions matérielles sur place.

Des sources égyptiennes ont fait savoir que Le Caire, qui craint un exode massif de Gaza vers l'Égypte, avait rejeté une demande israélienne visant à coordonner la réouverture du poste-frontière de Rafah, dont Israël s'est emparé le 7 mai, et à le maintenir hors du contrôle des Palestiniens.

L'Afrique du Sud, qui accuse Israël de génocide, a de nouveau saisi la Cour internationale de justice (CIJ) pour lui demander des mesures d'urgence afin de mettre un terme à l'offensive israélienne à Rafah.

MARCHÉ DE JABALIA

Israël a déclaré la fin des grandes opérations dans le nord de la bande de Gaza il y a plusieurs mois, tout en s'engageant à y retourner pour empêcher le Hamas de se regrouper.

Jeudi, environ une semaine après leur retour, les chars israéliens ont lourdement bombardé le marché principal du camp de réfugiés de Jabalia où plusieurs magasins ont pris feu, selon les habitants et les médias du Hamas.

Auparavant, la branche armée du Hamas avait déclaré que ses combattants à Jabalia avaient détruit un véhicule de transport de troupes israélien à l'aide d'une roquette antichar Yassine 105 fabriquée par le Hamas, faisant des morts et des blessés parmi les occupants. Reuters n'a pas été en mesure de vérifier cette déclaration et Israël n'a pas fait de commentaire dans l'immédiat.

"Ils bombardent comme des fous, détruisant les maisons et le principal marché du camp", a déclaré à Reuters l'un des habitants de Jabalia via une application de messagerie.

"Il semble qu'ils agissent ainsi à cause des opérations de résistance qui ont causé la mort de leurs soldats", a-t-il ajouté, refusant de donner son nom par crainte de représailles.

Par ailleurs, l'armée israélienne a déclaré jeudi que cinq soldats israéliens ont été tués par des tirs de chars de Tsahal dans le nord de la bande de Gaza.

Selon des habitants, les chars ont également reculé jusqu'à l'entrée de la ville voisine de Beit Hanoun, dans le nord, et les Israéliens ont fait usage de bulldozers pour démolir des usines et des habitations dans la zone.

Les équipes médicales palestiniennes ont dit avoir reçu des informations faisant état de victimes à Jabalia, mais qu'elles n'étaient pas en mesure de les atteindre en raison de l'intensité des bombardements.

Parmi les victimes figurent un journaliste palestinien, Mahmoud Djahdjouh, et sa famille, ont indiqué des médecins et des confrères.

Dans la ville de Gaza, les équipes médicales et les services d'urgence ont déclaré qu'ils continuaient à rechercher des victimes dans les banlieues de Zeitoun et Sabra, après que des dizaines de corps ont été retrouvés à la suite d'un raid de l'armée qui a duré six jours.

Les autorités palestiniennes ne font pas de distinction entre les combattants et les civils lorsqu'elles communiquent le nombre de victimes.

EXTRÉMITÉ SUD

À l'extrémité Sud de la bande de Gaza, les chars ont maintenu leurs positions dans les quartiers Est et les faubourgs de Rafah, tout en poursuivant leurs bombardements aériens et terrestres.

Un obus israélien est tombé sur une place à l'intérieur de Rafah, tuant un Palestinien et en blessant plusieurs autres, selon les déclarations d'un médecin.

Les habitants ont rapporté que l'armée avait fait exploser des maisons à la périphérie de la ville, là où Israël a demandé aux civils d'évacuer.

Selon les habitants, trois maisons dans une banlieue à l'est de Rafah ont été visées par des tirs de chars, tandis que des médecins ont signalé qu'une frappe aérienne à la périphérie de la ville de Khan Younès, plus au nord, avait tué et blessé plusieurs personnes.

Israël a déclaré que ses frappes visaient des combattants armés.

"Nous opérons dans des endroits spécifiques en fonction de nos renseignements et là où nous savons que les terroristes du Hamas se cachent, et là où nous pensons pouvoir trouver des puits de tunnel, des infrastructures terroristes ou des munitions de toutes sortes", a déclaré le porte-parole Nadav Shoshani.

"Nous avons également trouvé de nombreux missiles antichars (...) et nous essayons d'empêcher les prochains tirs contre des civils israéliens à partir de cette zone", a-t-il ajouté.

(Rédigé par Nidal al-Mughrabi au Caire, Ari Rabinovitch à Jérusalem, avec Philippa Fletcher ; version française Kate Entringer)