Rio de Janeiro (awp/afp) - Une pluie de dollars sur le Brésil pour fabriquer des véhicules plus verts: de grands constructeurs automobiles mondiaux annoncent en fanfare des investissements massifs pour développer des modèles hybrides dans la première économie d'Amérique latine.

Deux annonces majeures ont été faites coup sur coup la semaine dernière.

Le groupe Stellantis a promis le 6 mars "le plus gros (investissement) de l'histoire du secteur automobile brésilien et sud-américain", soit 5,6 milliards d'euros (5,4 milliards de francs suisses) entre 2025 et 2030. Le Brésil en sera le principal bénéficiaire, selon le gouvernement. Et Toyota a annoncé 2 milliards d'euros d'investissements, également d'ici 2030.

Volkswagen, Renault, Nissan, General Motors, BYD, Hyundai: d'autres géants de l'industrie automobile avaient déjà fait savoir ces derniers mois qu'ils miseraient fortement sur la production de véhicules hybrides ou électriques dans ce pays de 203 millions d'habitants.

Selon les calculs de l'Association nationale de fabricants de véhicules à moteur (Anfavea), le Brésil doit recevoir 117 milliards de réais d'investissements (20,6 milliards de francs suisses) dans le secteur ces prochaines années.

"Tout sauf une coïncidence"

Le président de l'Anfavea, Marcio de Lima Leite, salue ces investissements "record" et y voit "tout sauf une coïncidence".

Il pointe le rôle de mesures gouvernementales destinées à encourager la production locale de véhicules moins polluants, comme la décision d'"augmenter progressivement les taxes d'importation pour ces nouvelles technologies", afin de dissuader l'importation de véhicules électriques ou hybrides.

En outre, un décret du président de gauche Luiz Inacio Lula da Silva a mis en place un programme qui prévoit d'accorder au total 19 milliards de réais (3,5 milliards d'euros) en crédits d'impôts aux constructeurs automobiles qui s'engagent à "investir dans la décarbonation".

C'est pourquoi les hybrides - qui combinent motorisation thermique (essence ou diesel) et motorisation électrique - ont la part belle dans les investissements annoncés.

"Ces investissements marquent un tournant, non seulement au niveau des montants, mais aussi pour tous les changements que cela entraînera dans le secteur", explique à l'AFP Cassio Pagliarini, du cabinet de consultants Bright Consulting.

Selon lui, l'hybride est "un modèle de transition", le Brésil ne pouvant pas encore se permettre de passer massivement au tout-électrique, "car les batteries sont encore trop chères".

Et "le gouvernement n'a pas les moyens de verser des aides importantes" aux consommateurs, comme le font plusieurs pays européens tels la France, avec prime à la conversion ou bonus écologique.

Sans compter les problèmes logistiques pour installer des bornes de recharge en dehors des grandes villes, dans ce pays aux dimensions continentales.

Le Brésil préfère par conséquent stimuler la production locale de véhicules hybrides utilisant de l'éthanol, qui permet de réduire les émissions de CO2 par rapport aux combustibles dérivés du pétrole.

D'après le dernier recensement, datant de 2022, environ 60 millions de voitures sont en circulation dans le pays, soit un peu moins d'une pour trois habitants en moyenne.

Moins de 0,5% des voitures brésiliennes étaient à propulsion électrique (hybrides compris) en 2023, selon les données de Bright Consulting. Ces véhicules dits "électrifiés" représentaient moins de 5% des ventes.

Mais ces ventes ont presque doublé l'an dernier par rapport à 2022 (près de 94.000 véhicules), d'après les chiffres de l'Association brésilienne du véhicule électrique (ABVE).

Cassio Pagliarini prévoit qu'au vu des investissements annoncés, les véhicules électrifiés pourraient "représenter plus de la moitié des ventes à partir de 2029", mais seuls "20 à 25% seront 100% électriques".

Viser les classes moyennes

Carlos Tavares, patron de Stellantis, a affirmé qu'il était essentiel que ces véhicules soient "accessibles pour les classes moyennes". "Sinon, il n'y a pas d'impact sur la planète".

Le groupe aux 14 marques compte miser sur la technologie "Bio-Hybrid, qui combine électrification et motorisations hybrides alimentées par des biocarburants (éthanol)".

D'autres géants du secteur, comme Toyota, Volkswagen ou BYD, champion chinois de la voiture électrique, ont également annoncé leur intention de fabriquer des hybrides utilisant de l'éthanol, produit au Brésil à partir de la canne à sucre.

Pour David Tsai, de l'ONG Institut Energie Environnement (IEMA), "l'éthanol brésilien est un combustible à faible émission de carbone, qui peut être produit sur des zones déjà existantes, sans avoir recours à la déforestation".

Mais, estime-t-il, plutôt que d'accorder des crédits d'impôts aux constructeurs automobiles, "ce serait plus intéressant d'investir massivement dans des transports en commun verts".

afp/al