Ce plan de relance sectoriel, dont le montant intègre l'aide de sept milliards d'euros déjà accordée à Air France, représente "un effort total de 15 milliards d'euros", a déclaré le ministre de l'Economie et des Finances, Bruno Le Maire, à l'occasion d'une conférence de presse à Bercy. Il comprend deux fonds dédiés au soutien des PME et ETI de la filière: un fonds d'investissement, doté de 500 millions d'euros dès cet été et qui atteindra un milliard d'euros à terme, pour favoriser leur développement et un fonds de 300 millions d'euros pour la robotisation et la numérisation.

Le premier fonds, auquel Airbus, Safran, Dassault Aviation et Thales ont accepté d'apporter 200 millions d'euros, après d'"âpres" discussions selon Bruno Le Maire, permettra notamment de "prendre des participations majoritaires si nécessaire", est-il précisé dans les documents de présentation du plan. Soucieux de maintenir le rang de la France et de l'Europe, à travers Airbus, face à ses concurrents américain Boeing et chinois Comac, le gouvernement a décrété "l'état d'urgence pour sauver notre industrie aéronautique, pour lui permettre d'être plus compétitive, (...) plus décarbonée", a souligné Bruno Le Maire.

Le plan pour le secteur aéronautique français, qui vise aussi à "accélérer sa transformation écologique pour en faire un leader mondial de l'aviation zéro carbone", prévoit 1,5 milliard d'euros d'aides publiques d'ici 2022 pour soutenir la recherche, a expliqué la ministre de la Transition écologique, Elisabeth Borne.

UN AVION ZÉRO ÉMISSION EN 2035

"Ce plan vise notamment à préparer le successeur de l'A320 (...) en développant pour le début de la décennie 2030 un avion court et moyen courrier ultrasobre en consommation de carburant (...) et en préparant pour 2035 le passage à l'hydrogène pour un avion zéro émission", a-t-elle précisé, évoquant "une accélération de dix ans par rapport aux objectifs initiaux".

Pour soutenir un secteur crucial pour l'économie française - avec 300.000 emplois, 1.300 entreprises et 34 milliards d'euros d'excédents commerciaux par an - la France prévoit aussi de recourir à la commande publique, pour plus de 800 millions d'euros. Sur ce montant, 600 millions correspondent à une accélération du calendrier de commandes déjà prévues de ravitailleurs et d'hélicoptères pour l'armée de l'air, le reste recouvrant du matériel pour la gendarmerie et la sécurité civile. Côté trésorerie, un moratoire a été instauré pour permettre aux compagnies aériennes de reporter de 12 mois le remboursement de leurs crédits à l'export (environ 1,5 milliard d'euros).

La France a par ailleurs proposé à la Commission européenne de porter au sein de l'Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) une proposition visant à assouplir temporairement les modalités de remboursement des crédits à l'export pour les nouveaux achats d'Airbus, ce qui représente au moins deux milliards d'euros.

PLAN "AMBITIEUX" SELON LE GIFAS

Le secteur aéronautique bénéficiera par ailleurs du dispositif d'activité partielle de longue durée en cours de discussions entre la ministre du Travail, Muriel Pénicaud, et les partenaires sociaux, afin d'éviter les licenciements et la perte de savoir-faire. Le Gifas, qui fédère les entreprises de la filière, a salué par voie de communiqué un "ambitieux plan de relance".

Du coté des syndicats, Force Ouvrière, majoritaire chez Airbus, a également bien accueilli ce plan, qui selon Jean-François Knepper, délégué syndical central FO du groupe, "va faire un bien fou à toute la filière aéronautique, notamment les sous-traitants qui sont en grande difficulté" et "permettre de passer cette crise conjoncturelle jusqu'à ce que l'activité revienne".

Du côté de la CGT (minoritaire), le délégué Xavier Petrachi s'est montré plus critique, dénonçant l'absence de "volonté politique" sur la question du maintien de la chaîne d'assemblage de l'A321 à Toulouse par exemple.

Il a également fait part de ses doutes sur "les investissements pour l'avion vert". "On ne sait pas à quoi va servir exactement cet argent et qui va en bénéficier", a-t-il dit à Reuters.

par Tim Hepher et Myriam Rivet (Avec Bertrand Boucey à Paris et Julie Rimbert à Toulouse, édité par Jean-Michel Bélot)