"Brexit – Evaluation du risque". Si le titre du communiqué recto-verso publié par Airbus est sans équivoque, son contenu a de quoi alarmer le gouvernement britannique. L'industriel rappelle qu'il emploie 14 000 personnes en direct au Royaume-Uni et que son écosystème de sous-traitants représente plus de 110 000 salariés. C'est donc un acteur majeur qui contribue aussi aux flux d'autres secteurs. Il n'y a qu'à regarder les quelque 80 000 voyages d'affaires par an réalisés entre l'île et le continent par les salariés pour s'en persuader. Certaines zones hébergeant l'un des 25 sites répartis sur le territoire britannique sont extrêmement dépendants de la bonne fortune du groupe. 
 

Les implantations Airbus au Royaume-Uni, et les achats aux fournisseurs par région (Source : Rapport Oxford Economics Juin 2017, chiffres 2015)

Airbus ne peut accepter un tel manque de visibilité. Dans son communiqué, le management illustre les problèmes qui s'annoncent en cas d'absence d'accord par un exemple concret : si Londres s'affranchit de la tutelle de l'EASA (Agence européenne de sécurité aérienne), le processus de certification deviendra extrêmement complexe et risque de pénaliser l'assemblage des appareils, puisqu'environ 10 000 pièces sont produites au Royaume-Uni et nécessiteront une double certification. Et compte tenu des flux extrêmement tendus du secteur, toute désorganisation pourrait coûter des milliards d'euros à Airbus.
 

Apport d'Airbus à l'économie britannique en milliards et en salariés (Source : Rapport Oxford Economics Juin 2017, chiffres 2015)

Mais même en cas d'accord, un "Brexit ordonné" n'est pas exempt de risques et entraînera nécessairement des surcoûts pour le modèle plurinational de l'avionneur, qui menace clairement de réviser sa politique d'investissement. Il apparaît évident qu'en raison de l'incertitude actuelle, Airbus préférera s'appuyer sur des fournisseurs continentaux plutôt que britanniques pour ses futures relations. Et le temps presse, car la date officielle de sortie est dans moins d'un an.

"Je me demande pourquoi Airbus fait autant de bruit autour du Brexit alors qu'il n'a aucun intérêt à attirer l'attention là-dessus, surtout pas pour son cours de bourse", souligne Sandy Morris, qui suit l'aéronautique chez Jefferies. "Mais au moins, Airbus s'en préoccupe", ajoute l'analyste, qui est reconnaissant au groupe pour cette prise de position salutaire.