Star de la cote pendant les années qui ont suivi son introduction en Bourse en 2014, le cours de la société a connu un parcours freiné depuis 2 ans. Toujours dans une dynamique de conquête mais avec une évolution du business model qui lui confère plus de visibilité, le spécialiste de la diffusion vidéo bout-en-bout retrouve petit à petit la faveur des investisseurs. L’explosion de la consommation de vidéos avec le confinement et les problématiques de bande passante qu’elle engendre n’y sont pas pour rien. Entretien avec son PDG fondateur, Michel Artières

Tout d’abord, pouvez-vous nous rappeler ce que fait ATEME…

 "ATEME est un acteur des infrastructures de diffusion vidéo dont la technologie permet aux fournisseurs et diffuseurs de contenus d’adresser de façon optimale leurs millions de consommateurs, que ce soit en live ou en vidéo à la demande. Nous comptons 800 clients de ce type dans le monde entier, à qui nous apportons des solutions logicielles souvent encore couplées avec des serveurs, car notre métier a historiquement une forte tradition hardware et que nos concurrents sont, par exemple, à l’origine surtout des fournisseurs de solutions hardware dédiées. Créée en 1991, la société était spécialisée dans le traitement vidéo avant de se spécialiser dans la compression vidéo dans les années 2000 pour rapidement fournir une solution de diffusion vidéo bout-en-bout. Nous employons 300 personnes dans 18 pays et nous disposons de 43 brevets."

Positionnement, clientèle d’ATEME ainsi que ses deux produits phares, Kyrion et Titan (source : société)

… et en quoi les solutions d’ATEME se différencient de la concurrence ?

"Notre ADN logiciel constitue un atout majeur. Il est à la source de deux avantages compétitifs. Le premier tient à l’efficacité de la compression vidéo qui permet de réduire le coût de la transmission réseau, ce qui est déjà un véritable moteur d’investissement compte tenu de la masse de contenus vidéo qui circule aujourd’hui et de sa progression constante. Dans notre métier, la valeur ajoutée, l’intelligence, se situent au niveau de l’encodeur qui compresse la vidéo numérique environ 1000 fois. Nos encodeurs sont plus perfectionnés que la concurrence, notamment car ils utilisent des algorithmes sophistiqués pour exploiter la redondance spatio-temporelle des images, permettant de réduire la consommation de débit de nos clients, et donc leurs coûts. Le second avantage compétitif se situe au niveau de notre architecture logicielle d’ensemble qui facilite la virtualisation croissante des solutions. ATEME a été pionnier de ce mouvement de virtualisation grâce à des partenariats avec des fleurons technologiques de pointe comme Intel, Apple ou Microsoft et en tant que membre actif des organisations qui définissent les standards de l’industrie. Ces deux atouts majeurs nous ont permis de conquérir régulièrement de nouveaux clients et d’atteindre une part de marché mondiale adressable d’environ 10% sur la compression."

Quel est votre modèle économique ?

"L’industrie venant du hardware, le modèle de vente de licences perpétuelles prédomine encore qu’elles soient en tout logiciel avec TITAN ou assorties de serveurs tiers que nos clients préfèrent nous acheter conjointement avec le logiciel, même si ce n’est pas là que repose notre valeur ajoutée.  À l’équipement initial, nos clients ajoutent continuellement des investissements supplémentaires (ajout de chaînes, de bouquets, de formats vidéo...) si bien que chacun d’entre eux réplique peu ou prou ses achats de licence chaque année. Cette très forte récurrence de nos revenus nous amène à proposer de plus en plus de contrats pluri annuels, de deux à cinq ans, ce qui nous donne davantage de visibilité et assure au client d’avoir des upgrades logicielles adaptées à leurs futurs besoins. Cette évolution du business model, couplée à la conquête de nouvelles parts de marché d’année en année, sécurise le développement d’ATEME."

Quelles sont les conséquences de la crise sanitaire et économique sur votre activité et sur la stratégie ? 

"L'impact immédiat de la crise liée au Covid a été l'annulation de certaines commandes de solutions Kyrion en raison du report de manifestations sportives comme le championnat de football de l'UEFA et les Jeux Olympiques. En matière de chiffre d'affaires, certains clients diffèreront leurs investissements au moins jusqu'au second semestre, en particulier ceux qui sont le plus exposés au recul des recettes publicitaires ou des revenus générés par les activités sportives. À l’inverse, l'essor de la consommation de vidéo à la demande par abonnement et la pression sur la capacité réseau donnent un coup d'accélérateur à de nombreux projets, débouchant sur un pipeline important d'opportunités. En parallèle, la situation actuelle occasionne la réduction des frais de déplacement et de nos coûts de marketing, ce qui doit nous permettre une économie de l'ordre de 2 M€ au titre de l'exercice 2020. Fondamentalement, nous ne nous ralentissons pas, nous continuons d’embaucher en R&D et notre solide socle de chiffre d'affaires récurrent mensuel nous confère une visibilité supplémentaire. Au global, malgré un 1er trimestre en décroissance de 9% par rapport au 1er trimestre 2019 qui avait été gonflé par un CA non récurrent lié à la revente de serveurs tiers, notre CA semestriel 2020 devrait être similaire à celui de 2019, soit 30 M€, avec un rattrapage attendu au 2e semestre qui pourra nous permettre d’être en croissance sur l’année 2020."

Votre marge opérationnelle a accusé le coup en 2018, ce qui a fait chuter le cours de Bourse de la société. Depuis, la marge opérationnelle s’est redressée mais reste loin des 10% auxquels un acteur du logiciel peut prétendre ?

 "La marge brute du 1er semestre 2018 avait été pénalisée par une part importante de serveurs vendus, à plus faible marge, en parallèle du logiciel TITAN. Notre marge opérationnelle évolue en fonction de notre marge brute, qui progresse en même temps que le mix serveurs/logiciels s’améliore, et de notre capacité à maîtriser nos charges d’exploitation. Certes le taux de marge opérationnelle à deux chiffres est atteignable, mais ATEME privilégie la croissance et l’investissement dans les solutions d’avenir comme le play out et la TV personnalisée qui sont vecteurs des futures parts de marché et donc de la progression du résultat opérationnel. De plus en plus de groupes travaillent sur ces sujets. La tendance est à l’agrégation d’applications et à la création de contenus personnalisés, à la fois de la part des producteurs de contenus, par exemple en produisant un même épisode de série TV avec des formats à durées variables, et de la part des diffuseurs amenés à proposer des contenus et des publicités personnalisées." 

Il y a eu un certain nombre de mouvements dans votre industrie ces dernières années, pensez-vous que la tendance à la concentration va perdurer ?

"Notre secteur continuera de se concentrer comme il l’a fait ces dernières années. C’est en continuant de se démarquer par ses innovations, de séduire toujours plus de clients prestigieux, qu’ATEME attisera les meilleures convoitises."

Actionnariat d’Ateme au 5 mai 2020