La medtech strasbourgeoise spécialisée dans les tests de diagnostic rapides (grossesse, VIH, angine…) s’organise pour répondre à l’explosion de la demande de tests Covid-19. Alors que sa gamme est désormais complète, le défi réside maintenant dans la satisfaction de marchés français et internationaux impatients de tester en masse. En quelques jours, un carnet de commande de 5 millions de tests sérologiques s’est constitué. Sans parler des tests PCR pour lesquels les commandes pourraient atteindre entre 1 et 2 millions de tests en mai… Entretien avec Larry Abensur, le PDG, et son directeur financier, Elie Fraenckel.

Tout d’abord, quel regard portez-vous sur les résultats de l’exercice 2019 que Biosinex vient de publier ?

"Nous sommes très satisfaits de 2019, qui était déjà un exercice de croissance vertueuse. En intégrant la contribution de la filiale suisse, le chiffre d’affaires global a atteint 35,2 M€, en hausse de 11,7% par rapport à 2018. Le segment d’activité Grand Public (pharmacies et GMS) a contribué à cette performance grâce à la croissance des ventes des produits d’autotests, fer de lance du développement de Biosynex. Par ailleurs, dans la continuité des performances réalisées au 1er semestre 2019, le Groupe affiche une augmentation de son taux de marge brute globale à 54,7% en 2019 contre 50,0% en 2018, soit une hausse de près de 5 points grâce à un meilleur mix produit davantage axé vers les marques propres et les autotests à plus forte valeur ajoutée. Malgré des investissements marketing pour les produits grand public comme l’autotest gluten et le recrutement de commerciaux en France et à l’international, notre EBE est passé de 2,8% du CA à 5,9%, soit 2 M€. Notre REX atteint 1,3M€, en hausse de 249%, et notre RN a plus que doublé à 1,1 M€.

Nous retiendrons également de cet exercice 2019 l’acquisition des activités santé familiale de Visiomed Group dont la comptabilisation a eu lieu le dernier jour de l’exercice, avec un impact sur notre bilan au 31/12 puisque notre endettement net ressort en hausse à 7,2 M€ hors factor contre 3,0 M€ à fin 2018. Il reste néanmoins maîtrisé, à 23,8% des capitaux propres."

Dans la zone de recherche du laboratoire
Dans la zone de recherche du laboratoire

Vous avez également dévoilé une accélération de la croissance au 1er trimestre 2020, clos à fin mars. La pandémie mondiale y est-elle pour quelque chose ?

"Nous avons effectivement réalisé 45% de croissance sur 3 mois, totalisant 13,4 M€ de CA. Cette forte croissance, observée aussi bien en France qu’à l’international, provient pour moitié d’une croissance interne de 23% et pour une moitié de l’intégration de Visiomed. Le produit phare de Visiomed, le Thermoflash, a dynamisé les ventes de notre gamme Thermométrie, en hausse de 2,3 M€, soit +150%. Il est clair que l’arrivée de la pandémie en Europe a boosté ces ventes d’instruments de prévention sur lesquelles nous nous sommes rapidement retrouvés en rupture de stocks, n’ayant pu en vendre qu’une centaine de milliers. Les livraisons vont pouvoir reprendre prochainement mais risquent de ne pas encore contenter la demande."

Et la suite de l’exercice s’annonce encore bien plus dynamique avec la fourniture de tests Covid-19…

"Effectivement, car aucune vente de tests n’était incluse dans cette progression au T1 et que les vecteurs de croissance du T1 restent d’actualité pour le reste de l’année. Viendront donc s’ajouter les ventes de test Covid-19. Nous avons mis au point trois tests qui répondent parfaitement aux besoins de la lutte contre la pandémie. Les deux premiers font appel à des techniques de biologie moléculaire dit PCR qui nécessitent un prélèvement naso-pharyngé (gorge, nez, nasopharynx) afin de diagnostiquer si le patient est Covid + ou Covid -. Nous distinguons dans cette offre le test PCR rapide (résultat en 20 minutes) et le test PCR classique. Un troisième test, sérologique, permet à partir d’une simple goutte de sang et en 10 minutes de tester l’immunité des individus. Notre sérologie est remarquable par sa simplicité et sa rapidité. A noter que les tests sérologiques sont complémentaires des tests PCR et correspondent à des stades différents de la maladie.

Les tests PCR sont remboursés 54 €, et les tests sérologiques, marqués CE, sont en attente des recommandations de l’HAS et d’une prise en charge par la Sécurité Sociale. Nous les vendrons une dizaine d’euros auprès de professionnels dans un premier temps, et en pharmacie dans un second temps. La production est pour l’instant sous-traitée auprès d’un partenaire chinois très réactif. Sur ce marché, où la demande dépasse largement l’offre, nous serons aux cotés de laboratoires concurrents comme Biomérieux, Pasteur et d’autres laboratoires internationaux. La concurrence se situe surtout au niveau des Etats tant la concurrence est rude pour s'approvisionner en produits de lutte contre la pandémie."

Chez Biosynex, dans la zone de conditionnement
Chez Biosynex, dans la zone de conditionnement

Qui assurera la production de ces tests dont vous assurez la conception et la distribution ?

"Notre production est pour l’instant sous-traitée compte tenu de l’ampleur de la demande. Sur les tests sérologiques, nous visons 2 millions de test produits en avril puis 4 à 5 millions de tests produits mensuellement. Nous devrions progressivement assembler nous-même, manuellement puis peut-être machinalement, 2 millions de tests supplémentaires sur notre site Strasbourgeois. En ce qui concerne les volumes de tests PCR, les PCR classiques seront fournis à raison de 100 000 par jour soit 2 millions par mois, et pour les PCR rapides la capacité de tests doit monter à 50 000 tests dans les 8 semaines à venir. Sur ce dernier type de test, notre modèle économique consiste à vendre des machines à des laboratoires à un prix unitaire de 5 000€ puis à vendre les tests à ces laboratoires. Nous devrions livrer une cinquantaine de machines dans les 8 semaines."

Sur quel type de marge brute tablez-vous sur ces tests Covid ?

"Nous tablons pour ces tests sur des marges brutes conformes aux standards du groupe, soit environ 50%".