"Carmat a lancé une augmentation de capital de 46 millions d’euros ouverte au public jusqu’au 11 décembre. Pourquoi faites-vous appel aujourd’hui au marché ?
Au cours des derniers mois Carmat a considérablement intensifié son développement, tant sur le plan clinique, avec l’internationalisation de l’étude pivot, qu’industriel, avec la mise en place d’un outil de production performant et de partenariats industriels de premier plan pour anticiper les phases de fabrication à grande échelle. Aujourd’hui, nous lançons une augmentation de capital afin de sécuriser nos ultimes étapes de développement préalables à la commercialisation de notre cœur artificiel total en Europe, prévue en 2019. Nous avons voulu donner la possibilité à nos actionnaires de participer à la vie de l’entreprise et de souscrire à nouveau au projet Carmat. Je rappelle que notre dernière augmentation de capital ouverte au public remonte à 2011 et s'était élevée à 23,9 millions d'euros. Nous remercions d'ores et déjà nos actionnaires institutionnels d'avoir pris des engagements de souscription à hauteur de 34,5 millions dans le cadre de cette nouvelle levée de fonds.

Quelle sera la répartition des fonds ?
Un peu plus de 50% du produit de l’augmentation de capital sera consacré à l’achèvement de l’étude pivot et à la demande de marquage CE que nous prévoyons de déposer fin 2018. 30% sera investi dans le développement de nos capacités de production, 11% dans le démarrage d’un essai clinique aux Etats-Unis sous réserve du feu vert des autorités américaines et 7% dans la préparation du lancement commercial de notre produit en Europe.

L’Agence nationale de sécurité du médicament (ANSM) a autorisé la reprise de votre étude pivot en France en mai dernier, après six mois de suspension liés au décès accidentel du premier patient de cette étude. Comment avez-vous réagi à cette interruption ?
Je tiens à préciser que nous avons-nous-mêmes demandé la suspension de l’étude afin de pouvoir apporter les réponses nécessaires à l’ANSM. Je rappelle également que ce décès est consécutif à une mauvaise manipulation des batteries par le patient qui a causé l’arrêt de la prothèse. Nous avons revu nos procédures et notamment le suivi post-opératoire suite à cet accident afin de renforcer la sécurité des patients. Il est clair que la suspension de l’essai pendant six mois a été trop longue à notre goût. C'a été une expérience douloureuse qui nous a amenés à revoir notre stratégie de recrutement et le déroulement de l’étude. Nous avons ainsi accéléré l’internationalisation avec l’ouverture de deux centres, l’un en République tchèque l’autre Kazakhstan, reconnus pour la conduite d’essais cliniques des dispositifs d’assistance ventriculaire. Nous avons également recruté des patients avec un tableau clinique plus stable et renforcé nos équipes de recherche.

Compte tenu de cette interruption et du faible nombre de patients recrutés jusqu’à présent, pensez-vous toujours pouvoir déposer une demande d’autorisation de mise sur le marché fin 2018 ?
Nous sommes confiants dans notre capacité à accélérer le recrutement de patients avec l’ouverture de nouveaux centres dans d’autres pays européens au cours des prochains mois. L’objectif est d’inclure une vingtaine de patients dans l’étude, sachant qu’il n’y pas de point de référence dans notre cas, à savoir un dispositif médical totalement nouveau et qui adresse une problématique majeure de santé. Mais nous ne mélangeons pas vitesse et précipitation. Nous voulons bien sûr optimiser les chances de succès de cette étude afin d’obtenir le marquage CE dans le courant de l’année 2019. Nous savons également que les procédures d’autorisation peuvent être plus ou moins longues et que notre dossier est complexe. Notre technologie associe du software, de la mécanique, des tissus biologiques… ce n’est pas simple !

Où en sont vos discussions avec les autorités américaines ?
Les discussions ont commencé avec les autorités américaines pour pouvoir démarrer une étude clinique courant 2018 aux Etats-Unis. C’est notre objectif. Je rappelle que la Food and Drug Administration (FDA) a déjà autorisé la mise sur le marché d'un cœur artificiel, fabriqué par l'entreprise SynCardia, mais a également soulevé des questions sur la fiabilité de ce produit aujourd'hui implanté sur de nombreux patients. Nous pensons que la FDA examinera avec intérêt notre dossier, sachant que notre cœur artificiel peut être une solution temporaire dans l'attente d'une greffe, même si notre objectif est d'offrir une véritable alternative à la greffe à terme.

Justement, sur les cinq premiers patients implantés du cœur Carmat, seuls deux ont survécu plus de six mois. On est encore loin de la promesse du professeur Carpentier de permettre aux personnes atteintes d'insuffisance cardiaque avancée de vivre au moins 5 années….
Notre objectif est d’amener les patients le plus loin possible. Mais la cardiologie reste un domaine très complexe où personne ne peut dire de quoi le futur sera fait. Seul le temps nous donnera des réponses sur la durabilité de la prothèse et son interaction au long cours avec le corps humain. Aujourd'hui le critère d'évaluation principal est la survie à six mois. Le décès de certains patients dans cet intervalle fait partie des hypothèses de base de notre étude. Mais comme je l'ai déjà dit, nous avons accès aujourd'hui à des patients avec un tableau clinique plus stable. Les centres investigateurs avec lesquels nous travaillons ont beaucoup d’expérience dans le domaine de la cardiologie. Et les tests de fiabilité menés depuis plusieurs années en laboratoire nous rendent confiants dans la capacité de notre prothèse à répondre au défi de cette maladie.
"