Les difficultés financières éprouvées par les entreprises faîtières du groupe Casino ont remis au goût du jour l'hypothèse d'un adossement à un autre acteur du secteur, dans un contexte plus large de consolidation de la grande distribution que certains spécialistes jugent inéluctable. Avec une valeur de marché de 3,5 milliards d'euros, moins qu'une amende infligée à Facebook pour avoir utilisé sans vergogne les données de ses utilisateurs, Casino est devenu un petit poucet du secteur.
 
Il y a quelques mois, Carrefour avait tenté une approche qui s'était mal terminée. Mais ce scénario fait toujours vibrer quelques bons connaisseurs du secteur, à commencer par les analystes de Barclays James Anstead, Nicolas Champ et Eric He, qui ont produit un "what if" (que se passerait-il si ?) sur un rapprochement entre les deux mal-aimés du moment. "Une telle combinaison semble potentiellement intéressante car la nouvelle entité serait un leader en France et au Brésil et serait en mesure de bénéficier de synergies importantes", écrit le trio.
 
  • Synergies : Barclays considère "avec précaution" 0,7 à 1,1% d'économies brutes rapportées au chiffre d'affaires (pour Ahold Delhaize, le curseur était de 1,2%), pour intégrer les cessions liées à l'antitrust. Sur la base du point médian, 0,9%, les synergies brutes représenteraient 1 milliard d'euros, soit un accroissement de 30% de l'EBIT pro forma 2019. Le bureau d'études voit un risque d'exécution limité et une accrétion pour les actionnaires, même si une partie des synergies est réinvestie dans les prix.
  • Antitrust : la principale barrière, de l'avis de Barclays, comme l'a démontré outre-Manche le veto à l'opération ASDA / Sainsbury. Un rapprochement Carrefour-Casino créerait un acteur avec 30% de parts de marché en France et 50% au Brésil. Le régulateur hexagonal devrait réclamer de nombreuses cessions, mais la préservation de l'intégrité de Casino et de ses emplois pourrait peser dans la balance. Au Brésil, les analystes rappellent que Carrefour a, sans succès, tenté de racheter la filiale de Casino en 2011, un précédent qui montre qu'une opération semble possible.

Les parts de marché après le mariage hypothétique (Source Barclays - Cliquer pour agrandir)
  • Risques d'exécution : le marché est prudent après les difficultés rencontrées lors des rounds de consolidation précédents, par exemple Carrefour Promodès. C'est compréhensible, juge Barclays, mais le management actuel de Carrefour commence à disposer d'une bonne expérience en matière de gestion des rapprochements (Fnac Darty) et de plans d'économies.
  • Valorisation : Barclays reste sceptique quant à la volonté de Carrefour de payer une prime conséquente. D'abord parce que l'actionnaire principal est dans une situation délicate. Ensuite parce que le nombre de prétendants semble limité (les organisations de type décentralisées comme Leclerc, Système U et Intermarché auraient des difficultés à se positionner, tandis qu'Auchan a d'autres chats à fouetter actuellement). Enfin parce que la performance de Casino en France est assez faible et sa situation financière tendue.
 
Barclays ne se prononce pas vraiment sur les niveaux de valorisation d'une telle opération, ni sur sa probabilité. "Si une telle combinaison venait à se concrétiser, nous pensons que Carrefour aurait le plus à gagner", se risque toutefois l'équipe de recherche. Actuellement, elle est à pondération en ligne sur Carrefour et à souspondérer sur Casino.