SAINT-PAUL-TROIS-CHÂTEAUX (Drôme), 27 juin (Reuters) - A utour du réacteur n°1 de la centrale nucléaire du Tricastin (Drôme), à l'arrêt, les techniciens d'EDF multiplient les inspections et les chantiers : ici, ils examinent l'état des installations ; là, ils analysent les résultats d'une osculation minutieuse de la cuve tout juste achevée ; ailleurs, une équipe prépare l'amélioration du système de refroidissement de l'enceinte en cas d'incident.

Mis en service en 1980, le réacteur n°1 du Tricastin est le premier du parc français à se soumettre à sa quatrième visite décennale, un réexamen approfondi pour s'assurer de l'intégrité des matériels au-delà de 40 ans d'exploitation et de leur aptitude à fonctionner dix ans de plus.

Cette grande visite de contrôle, qui a débuté ici le 1er juin et se poursuivra jusqu'au mois de novembre, implique quelque 80 chantiers et la mobilisation d'environ 5.000 personnes, alors que le site compte en temps normal quelque 2.000 salariés.

Elle sera suivie d'une autre inspection générale partielle en 2023 et des réévaluations des réacteurs n°2, 3 et 4, entrés en fonctionnement en 1980 et 1981, qui s'échelonneront pour leur majeure partie de 2021 à 2024.

La visite décennale de Tricastin 1, qui représente un investissement de 250 millions d'euros, "revêt une importance capitale pour l'entreprise EDF (car) nous sommes les pionniers et notre expérience servira aux autres centrales", souligne le directeur du site, Cédrick Hausseguy.

Dans ce cadre, EDF doit démontrer à l'Autorité de sûreté nucléaire (ASN) qu'il gère au mieux le vieillissement des matériaux et des circuits mais aussi les enjeux liés à la radioprotection, à l'environnement et aux situations d'urgence, tout en améliorant le niveau de sûreté des installations pour tenir compte des prescriptions consécutives à l'accident de Fukushima, au Japon, survenu en 2011.

SEPT MILLIARDS D'EUROS POUR 32 RÉACTEURS

Le groupe, outre une inspection au millimètre près de l'état de la cuve, va en particulier contrôler l'étanchéité des circuits et de l'enceinte de confinement du réacteur n°1, avant d'appliquer les mêmes méthodes aux autres unités du parc français.

Alors que les exigences de l'ASN vont le contraindre à reprendre des soudures défectueuses de l'EPR de Flamanville (Manche), ce qui va entraîner de nouveaux retards et surcoûts du chantier, le directeur de la production nucléaire d'EDF, Etienne Dutheil, juge que ce dossier et celui des visites décennales ne sont pas comparables.

"L'instruction a démarré très tôt et les solutions techniques que nous avons retenues sont issues de nos échanges avec l'ASN. Il y aura forcément des demandes supplémentaires, mais c'est le processus normal", a-t-il déclaré jeudi à des journalistes à l'occasion d'une visite de la centrale.

D'ici à 2031, l'ensemble des 32 réacteurs de 900 mégawatts (MW) d'EDF dont la prolongation est envisagée devront passer leur quatrième visite décennale, les travaux déjà réalisés ou prévus représentant au total un montant proche de sept milliards d'euros.

Ce coût est intégré dans le programme de rénovation, d'amélioration de la sûreté et de poursuite du fonctionnement du parc nucléaire français, dit de "grand carénage", qui s'élève à quelque 45 milliards d'euros sur la période 2014-2025.

EDF fait valoir que ce programme représente un montant de l'ordre d'un centime par kilowatt-heure (KWh) sur la facture des clients et que, même en l'intégrant, le coût "cash" de production du nucléaire ne s'élève qu'à 32 centimes d'euro par KWh.

"Le grand carénage est une opération extrêmement rentable. Il n'y a pas de moyen de production pilotable aujourd'hui qui permette de produire l'électricité (à ce prix)", souligne Etienne Dutheil.

LE GOUVERNEMENT MISE SUR LA RÉUSSITE DU "GRAND CARÉNAGE"

"Il ne va pas conduire à une augmentation importante des factures d'électricité. S'il y en a, ce n'est pas le fait de (ce programme)", ajoute le dirigeant.

L'avenir énergétique de la France dépend en grande partie de la réussite du programme d'investissement d'EDF, le gouvernement n'ayant prévu de fermer que 14 des 58 réacteurs du parc français à l'horizon 2035 - dont les deux unités de Fessenheim en 2020 -, faisant ainsi le pari que le groupe sera en mesure de faire fonctionner une majorité de ses centrales jusqu'à 50 ans.

L'ASN prévoit pour sa part de rendre fin 2020 un "avis générique" sur la prolongation des réacteurs de 900 MW au-delà de 40 ans et d'encadrer ensuite la poursuite du fonctionnement de chaque unité par des prescriptions techniques.

Le gendarme du nucléaire souligne que le prochain réexamen des réacteurs d'EDF sera plus approfondi que celui réalisé après 30 ans de fonctionnement dans la mesure où l'hypothèse initiale d'une durée de vie de 40 ans a été retenue au moment de la conception de certains matériels et équipements.

La centrale du Tricastin produit en moyenne 25 térawatts-heure (TWh) d'électricité par an, soit 6% de la production nucléaire française, correspondant à environ 50% des besoins énergétiques de la région Rhône-Alpes. (Benjamin Mallet, édité par Benoît Van Overstraeten)