PARIS (awp/afp) - L'industrie nucléaire se retrouve la semaine prochaine près de Paris avec l'espoir de jouer de ses atouts dans la lutte contre le réchauffement climatique malgré le lourd héritage de Fukushima et l'essor des renouvelables.

Le secteur se retrouvera pour la troisième édition du World Nuclear Exhibition (WNE) à Villepinte, dans la banlieue nord de Paris, du 26 au 28 juin.

Parmi les thèmes à l'honneur cette année: les réacteurs de nouvelle génération, la numérisation, les enjeux de démantèlement/déconstruction ou encore les petits réacteurs ("small modular reactors"), qui pourraient représenter un marché prometteur.

Les organisateurs proposent aux milliers de visiteurs attendus de venir saisir "les nombreuses opportunités dans ce marché en pleine croissance".

Pourtant, la "renaissance nucléaire" promise au milieu dans les années 2000 n'a pas eu lieu.

Seuls quatre réacteurs avaient démarré l'an dernier - trois en Chine et un au Pakistan - selon le décompte d'un rapport annuel sur le sujet, le World Nuclear Industry Status Report. De même, quatre réacteurs supplémentaires ont été mis en chantier (Bangladesh, Chine, Corée du sud et Inde) en 2017.

Le secteur a pâti de la catastrophe de Fukushima au Japon il y a sept ans - l'accident a notamment précipité la décision de l'Allemagne d'abandonner entièrement l'atome d'ici 2022 - mais aussi de l'essor des renouvelables.

"marché de niche"

"Je pense que le nucléaire devient de plus en plus un marché de niche", analyse pour l'AFP Paul Dorfman, chercheur au University College London (UCL).

Les énergies renouvelables connaissent ainsi une croissance bien supérieure à celle du nucléaire à travers le monde. "La principale raison semble être la chute des coûts des renouvelables et l'augmentation des coûts des nouveaux projets nucléaires", juge Paul Dorfman.

"Cette tendance conduit à une baisse de la part du nucléaire dans la production d'électricité avec une tendance qui est de plus en plus à maximiser la production des réacteurs existants au travers d'extensions de vies, d'amélioration et de modernisations coûteuses", indique-t-il.

Même la France, l'un des berceaux de l'industrie, veut réduire sa dépendance au nucléaire, qui sert aujourd'hui à produire plus de 70% de son électricité. "La filière nucléaire nous emmène dans une dérive", déclarait cette semaine le ministre de la transition écologique Nicolas Hulot, évoquant ses coûts.

Mais malgré cette passe difficile, le secteur estime avoir encore son mot à dire sur la scène mondiale et met en avant son principal atout: ses émissions quasi-nulles de gaz à effet de serre, un argument de poids à l'heure de la lutte contre le changement climatique.

"urgence climatique"

De quoi séduire des pays, comme la Chine ou l'Inde, qui voudraient réduire leur utilisation du charbon, très polluant. Ces deux pays devraient représenter plus de 90% de la croissance des capacités de production nucléaires dans le monde d'ici 2040, selon un scénario de l'Agence internationale de l'énergie (AIE).

C'est d'ailleurs en Chine, à Taishan, qu'a démarré récemment le premier réacteur de troisième génération EPR au monde. Et EDF espère pourvoir construire une centrale géante avec six réacteurs en Inde, à Jaitapur.

"Le nucléaire est une énergie d'avenir", répétait cette semaine Philippe Knoche, le directeur général d'Orano (ex Areva), à un colloque à Paris.

Il éreintait d'ailleurs au passage le tournant énergétique allemand: "les citoyens allemands émettent deux fois plus de carbone que le citoyens français par habitant et le kilowattheure leur coûte 70% de plus".

Toujours au nom de la lutte contre "l'urgence climatique", la recherche se porte bien, selon François Gauché, directeur de l'énergie nucléaire du CEA (Commissariat à l'énergie atomique). "Ça bouge beaucoup en Asie, en Russie mais aussi au Moyen-Orient. Certains acteurs de la Silicon Valley s'intéressent au nucléaire", souligne-t-il.

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