Les résultats de l’industriel vendéen sont à la peine depuis quelques années. Alors que 2018 montrait une franche amélioration, le groupe est rattrapé sur ce premier semestre par la peste porcine qui sévit en Chine. Au-delà de cet évènement qui rappelle le manque de ‘pricing power’ du groupe, nous avons assisté à son Assemblée Générale annuelle pour mieux comprendre comment la stratégie de la 2è marque la plus achetée par les français opérait sa transformation. Entretien avec son Président, Grégoire Gonnord.
 
Grégoire Gonnord, l’amélioration de vos résultats en 2018 est déjà stoppée par des facteurs adverses en ce début 2019. Que se passe-t-il ?
"Nous sommes touchés depuis quelques semaines par l'épidémie de peste porcine qui sévit en Chine et qui a pour conséquence une forte hausse du prix du porc et du jambon de porc, quelle que soit sa provenance car les cours du porc sont internationaux. Des négociations commerciales sont en cours pour répercuter cette hausse des prix. Ce phénomène, combiné au niveau d'activité de nos principaux marchés et au virus informatique subi par Fleury Michon en avril, nous amène à prévoir un résultats opérationnel négatif au 1er semestre 2019. Nous espérons repasser positif au 2e semestre, porté par un niveau d’activité plus favorable, l’intégration de hausses tarifaires par nos clients GMS sur la seconde partie de l’année, et la structure de marges fixes qui favorise la profitabilité en fin d’année".
 

Evolution du prix du porc Breton à Plérin, carcasse 56% de muscle HT les 100 Kg en EUR (Source France Agrimer)
 
Comment le groupe Fleury Michon peut-il retrouver la croissance et la profitabilité qui le caractérisait dans le passé ?
"En opérant sa transformation. Face aux mutations profondes de notre filière et des consommateurs, en tant que managers de l’ETI familiale vendéenne qu’est Fleury Michon, nous avons redéfini notre projet en 2015 en nous posant la question : qu’est ce qui manquerait au consommateur si Fleury Michon n’existait pas ? Ce projet, porté par toute l’entreprise, est d’aider les hommes à manger mieux, chaque jour. Cette raison d’être profonde de Fleury Michon doit nous permettre de passer d’un statut historique de charcutier français à celui d’un fournisseur de solutions repas traiteur en France et à l’international, dans les services. Nous avons écrit un manifeste qui montre notre détermination à faire bouger les lignes dans l’industrie agroalimentaire. Nous avons donc amorcé notre transformation pour répondre aux mutations de la société. Nous sommes en train de traverser une révolution historique, de l’ampleur de celle que nous avons connu dans les années 60 avec l’émergence des marques de charcuterie et de la production industrielle. Ces besoins de praticité, de prix, de choix sont toujours là, mais de nouveaux besoins apparaissent : la santé, l’éthique, le service. De plus, l’environnement mute totalement, et pas seulement les réseaux de distribution. Les changements sont d’ordre anthropologiques avec des attentes nouvelles : le bien-être animal, le véganisme. Fleury Michon doit relever ce défi".

Fleury Michon veut améliorer son nutriscore (Source Présentation Société)
 
Concrètement, comment cela portera vos résultats à l’avenir ?
"La montée en gamme doit nous aider à mieux valoriser nos produits. Depuis 2014, le contexte se tend, nous sommes pris entre la hausse des cours des matières premières et la guerre des prix qui accompagne le regroupement des centrales d’achats de la grande distribution, qui constitue l’essentiel de notre clientèle. De plus, la charcuterie a vu son image se détériorer ces dernières années. En portant le ‘manger mieux’ dans toutes nos gammes et au-delà de la GMS France, nous comptons faire la différence. Nous réalisons, en prenant en compte 100% de nos JV, 900 M€ de CA en 2018, dont un tiers à l’international et dans les services. Le déploiement de notre stratégie doit porter cette part à 50%. Cela passe par un travail en profondeur sur la qualité nutritionnelle de nos produits et de la filière, de l’innovation en termes de produits et de réseaux de vente, et de la croissance externe sur le snacking et l’évènementiel en entreprise. L’image change moins vite que la réalité, mais les consommateurs commencent à nous percevoir différents, grâce à nos investissements importants dans le digital et à l’évolution visible de nos produits en rayons. Par exemple, nous venons de lancer un jambon zéro nitrite qui démarre très bien. Nos efforts en termes d’emballages sains et sans impact environnemental, qui ne font que commencer, connaissent des succès prometteurs, notamment en Espagne chez notre partenaire Mercadona".

Vous évoquez la croissance externe. Quel type de cible cherchez-vous ?
"Notre structure financière solide nous donne les moyens d’accélérer notre stratégie de diversification sur de nouvelles catégories de produits et de nouveaux circuits de distribution. L’acquisition de la marque Paso il y a un an en est un exemple, nous permettant d’accélérer sur le segment apéritif. L’intégration de Paso est aujourd’hui réussie et nous sommes en train de déployer cette marque plus largement en linéaires. Comme vous le savez, notre grand concurrent sur le jambon, Herta, a été mis en vente par son actionnaire, Nestlé. Nous nous sommes posé la question de le racheter il y a trois ans déjà et nous avons choisi de ne pas le faire, en cohérence avec notre stratégie de devenir non pas un champion de la charcuterie française, mais un champion des solutions repas traiteur, en France et à l’international, dans les services. Mais nous serons bien évidemment attentifs à l’issue de cette opération. Nous privilégierons à l’avenir de petites acquisitions sur les marchés d’avenir".

Paso, la marque apéritive qui a rejoint le groupe