(Répétition d'une dépêche transmise vendredi, avec actualisation des cours)

* Les Bourses mondiales ont chuté et s'approchent d'une correction

* La hausse des taux longs explique ce mouvement, comme en février

* D'autres risques pèsent aussi : commerce, émergents, Italie

* Le PIB chinois du T3 attendu vendredi, craintes sur l'économie

* Les résultats des entreprises seront-ils un soutien ?

par Blandine Henault

PARIS, 15 octobre (Reuters) - Les investisseurs doivent-ils se préparer à un "remake" du scénario de début d'année sur les marchés ? De la même façon que début février, la soudaine remontée des taux longs américains a provoqué un vif mouvement d'aversion au risque et les Bourses mondiales ne sont plus très loin d'une correction.

Mais contrairement aux turbulences accusées en début d'année, les facteurs de risque sont aujourd'hui multiples, à commencer par les tensions commerciales qui mettent notamment sous pression une économie chinoise déjà en phase de ralentissement.

Si, au printemps, les Bourses avaient pu repartir de l'avant, le scénario pourrait différer cette fois-ci.

En dépit d'un léger répit vendredi, l'indice MCSI ACWI (All Country World Index), qui regroupe 47 marchés développés et émergents, a perdu un peu plus de 4% sur la semaine, son repli hebdomadaire le plus marqué depuis fin mars.

Le mouvement d'aversion au risque n'a épargné aucune région: sur la semaine, l'indice large américain S&P 500 a perdu 4,1%, l'indice paneuropéen Stoxx 600 a abandonné 4,64% et le CSI 300 des grandes capitalisations de Chine continentale a cédé 7,8%.

Au plus fort de la baisse, le S&P 500 accusait un repli de 7,5% par rapport à son pic historique en clôture du 20 septembre, non loin du seuil de 10% de baisse qui caractérise généralement une correction sur les marchés.

Les secteurs les mieux valorisés, que ce soit la technologie aux Etats-Unis ou le luxe en Europe, ont été les premiers à souffrir.

Le mouvement de vente sur les actions, qui a débuté début octobre pour s'accélérer la semaine dernière, est lié à la soudaine et vive remontée des rendements des emprunts d'Etat américains alimentée par de solides indicateurs conjoncturels aux Etats-Unis et l'optimisme affiché par la Réserve fédérale sur l'économie américaine.

Le taux américain à dix ans est passé de 2,8% fin août à un pic de 3,261% mercredi, un plus haut depuis mai 2011.

La baisse des Bourses rappelle ainsi ce qui s'est passé fin janvier et début février, lorsque les indices actions avaient chuté de leur plus hauts en réaction à la remontée des taux longs.

"Pour mémoire, le taux du 10 ans avait également pris 40 points de base en janvier, un élément déclencheur de la correction observée en février sur les marchés, avant de se stabiliser pour six mois", observe Mark Haefele, directeur des investissements d'UBS Wealth Management.

A l'époque, le S&P 500 avait perdu jusqu'à 11,8% en dix séances... pour mieux repartir de l'avant ensuite et toucher fin septembre un nouveau plus haut historique, 2% au-dessus du record atteint fin janvier.

L'indice américain aura-t-il la même capacité à rebondir ? "A chaque fois que l'on se rapproche d'une correction, le marché rebondit. Ce qui est différent aujourd'hui, c'est que le rendement des Treasuries à dix ans est beaucoup plus haut", pointe Trip Miller, chez Gullane Capital Partners.

Les investisseurs redoutent que cette hausse des taux longs ne vienne saper l'économie réelle par le biais d'une hausse des coûts d'emprunts qui freinerait la consommation, principal moteur de la croissance américaine.

Autre différence avec le début d'année, les facteurs de risque sur les marchés se sont multipliés avec les difficultés de certains pays émergents, les turbulences politiques en Europe autour de l'Italie et du Brexit et surtout les tensions commerciales et leur éventuel impact sur la croissance mondiale, mis en exergue cette semaine par le Fonds monétaire international (FMI).

CRAINTES SUR LA CROISSANCE CHINOISE

Le FMI a ramené à 3,7% ses prévisions de croissance mondiale pour 2018 et 2019, contre une progression de 3,9% attendue encore en juillet.

Si la maturité du cycle économique américain pose question, les craintes se concentrent surtout sur la Chine.

Pékin tente actuellement d'encadrer au mieux le ralentissement de son activité économique, lié à un changement structurel d'une économie centrée sur l'industrie à une activité tournée vers les services, mais le différend commercial avec les Etats-Unis fait craindre un atterrissage plus brutal que prévu.

Les chiffres du produit intérieur brut (PIB) chinois, attendus vendredi, seront donc suivis avec une grande attention. Les économistes interrogés par Reuters tablent sur une croissance de 6,6% au troisième trimestre en rythme annuel, après 6,7% au deuxième.

Les tensions entre Pékin et Washington pourraient aussi s'intensifier avec la parution, prévue lundi, du rapport du Trésor américain sur les politiques macroéconomiques et de changes des principaux partenaires commerciaux des Etats-Unis. Elle pourrait fournir à l'administration Trump l'occasion de dénoncer à nouveau une manipulation par la Chine de son taux de change afin de contrer la récente hausse des droits de douane américains.

Aux Etats-Unis, les investisseurs prendront connaissance mercredi du compte rendu de la dernière réunion de politique monétaire de la Fed, qui devrait montrer une fois encore l'optimisme des responsables de la banque centrale américaine sur la croissance.

Les indices d'activité "Empire State" (lundi) et "Philly Fed" (jeudi) ainsi que les chiffres de la production industrielle (mardi) sont aussi susceptibles de faire réagir le marché obligataire américain, et a fortiori les actions.

LES PERSPECTIVES DES SOCIÉTÉS SUIVIES DE PRÈS

Face aux tensions actuelles, certains économistes tentent de relativiser.

A 3,2%, le taux américain à dix ans est toujours bien en-dessous de la prévision du marché d'une croissance nominale du PIB américain entre 4% et 5% en rythme annuel jusqu'à la fin 2020, indique Kallum Pickering, économiste chez Berenberg.

"Sur une grande partie de 2018, les marchés se sont concentrés sur les risques liés à l'aplatissement de la courbe des taux", annonciatrice par le passé d'une récession économique.

"Maintenant que le taux à dix ans monte (...), les marchés s'inquiètent de la possibilité que la hausse des taux ralentisse la croissance. Les deux risques ne peuvent être vrais en même temps", indique l'économiste.

"Il est probable qu'aucun de ces risques ne se révèle particulièrement pertinent", conclut-il.

Les derniers chiffres d'inflation aux Etats-Unis, ressortis légèrement inférieurs aux attentes, ne militent pas non plus en faveur d'une poussée inflationniste qui obligerait la Fed à accélérer son resserrement monétaire.

"Ce qui n'a pas changé sur la semaine passée, c'est la solidité des fondamentaux de l'économie américaine et des bénéfices des entreprises", pointe également Mark Haefele, chez UBS.

La saison des publications de résultats du troisième trimestre, qui a débuté vendredi avec les grandes banques américaines, doit monter en puissance au cours des prochaines semaines. Les annonces de Bank of America, Goldman Sachs , Morgan Stanley, Netflix ou encore IBM sont notamment attendues dans les prochains jours.

Au global, les analystes attendent une hausse de 21,3% des bénéfices par action des sociétés du S&P 500 au troisième trimestre par rapport à la même période de l'an dernier, selon le consensus établi par I/B/E/S Refinitiv.

Mais les investisseurs devraient surtout être attentifs aux perspectives et discours des dirigeants d'entreprises pour la fin d'année et 2019. Un élément essentiel pour déterminer de quel soutien les marchés d'actions pourront bénéficier dans les semaines et les mois à venir.

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(Edité par Marc Angrand)